Les zones sensorielles et motrices activées pendant l’imagerie mentale

Dès les années 70, l’imagerie mentale est au coeur d’une littérature importante. Les auteurs utilisent la chronométrie mentale pour montrer que le temps nécessaire pour réaliser une tâche est sensiblement le même que celui nécessaire pour l’imaginer (Frak, Paulignan, & Jeannerod, 2001 ; Kosslyn, Ball, & Reiser, 1978 ; Sheppard & Feng, 1972). De la même façon, les études montrent qu’imaginer une action a une incidence réelle sur le rythme cardiaque et l’activité respiratoire des sujets (Decety, Jeannerod, Germain, & Pastène, 1991; Wang & Morgan, 1992). Ces résultats sont interprétés en termes de similarité de processus impliqués entre les activités perceptives et motrices et l’imagerie mentale.

De nos jours, les observations en imagerie fonctionnelle confirment cette similitude en montrant que l’activation des zones cérébrales primaires nécessaires à la perception ou à l’action est également observée pendant les tâches d’imagerie mentale. S’imaginer réaliser un geste, entendre une mélodie ou sentir une odeur, sont des activités cognitives qui nécessitent réciproquement l’implication des aires motrices, auditives, olfactives. Une équipe française (Ducreux, Marsot-Dupuch, Lasjaunias, Oppenheim, & Fredy, 2003) montre par exemple que lors d’une remémoration active par imagerie mentale auditive de fragments musicaux, une activation des aires auditives primaires et secondaires est observée chez les sujets.

Lotze et al. (1999) s’intéressent pour leur part à l’imagerie motrice. En demandant à des sujets d’imaginer ou d‘exécuter des mouvements, les résultats montrent une similitude dans les substrats neuronaux activés. Les aires motrices et prémotrices s’activent quelle que soit la tâche. Cependant, ils observent également une activation différenciée du cervelet qu’ils expliquent par l’implication du cervelet postérieur dans l’inhibition de l’exécution du mouvement pendant l’imagination de celui-ci (voir aussi Gerardin et al., 2000).

Dans le domaine de l’olfaction, Bensafi, Sobel et Khan (2007) enregistrent l’activité cérébrale de sujets sentant ou s’imaginant sentir des odeurs agréables ou désagréables. Les auteurs font apparaître non seulement une activité cérébrale des aires olfactives dans chacune des tâches mais également des patterns neuronaux spécifiques à la valeur hédonique de l’odeur, même pendant l’imagerie mentale.

Enfin, une expérience avec une population « insolite » montre qu’une altération du système moteur a une incidence sur les capacités d’imagerie motrice (Papaxanthis, Pozzo, Kaspirinski, & Berthoz, 2003). Les auteurs ont étudié cinq cosmonautes qui réalisaient des mouvements ou imaginaient faire ces mouvements, avant un voyage dans l’espace ainsi que deux et six jours après leur retour. Les résultats indiquent des durées similaires entre la réalisation des mouvements et l’imagerie mentale de ces mouvements, quel que soit le jour du test. Cependant, une augmentation significative des durées est observée le deuxième jour pour redevenir normale le sixième jour. Selon les auteurs, l’imagerie motrice réplique avec précision les modifications neuronales qui interviennent pendant la période de réadaptation du système moteur à la gravité terrestre qui a lieu pendant les deux premiers jours. Pour finir, il est intéressant de noter que d’un point de vue pathologique, la corrélation est également observée entre le handicap moteur d’un membre chez des patients hémiplégiques et le ralentissement de la manipulation mentale qu’ils peuvent faire de ce membre (Decety & Boisson, 1990).