La représentation conceptuelle est associée à une taille spécifique

Une autre propriété visuelle très explorée par les auteurs en psychologie cognitive concerne la représentation mentale de la taille des objets traités sémantiquement. Les outils sont variés et le matériel peut être des mots faisant référence à des objets ou directement les images de ces objets.

Par exemple, une équipe française (Ferrier, Staudt, Reilhac, Jiménez, & Brouillet, 2007) utilise une tâche de catégorisation sémantique associée à un paradigme d’amorçage. Dans cette expérience, les sujets jugent des dessins et les catégorisent en termes d’objets manufacturés ou d’objets naturels. Les dessins sont tous de mêmes dimensions et chacun est précédé d’un dessin amorce également de même dimension (voir l’illustration figure 7). En revanche, les objets représentés par les dessins peuvent être de même taille dans la vie réelle ou de tailles différentes. Les résultats indiquent des temps de catégorisation plus rapides lorsque l’objet amorce (« pince à linge ») et l’objet cible (« poussin ») sont réellement de tailles similaires comparativement aux essais où les objets sont de tailles différentes. Il semble donc que la taille typique des objets soit simulée mentalement et de manière automatique, même pour une tâche qui ne concerne pas cette propriété.

Figure 7. Paradigme d’amorçage à court terme utilisé dans l’expérience de Ferrier et al. (2007). Exemple d’un essai congruent.
Figure 7. Paradigme d’amorçage à court terme utilisé dans l’expérience de Ferrier et al. (2007). Exemple d’un essai congruent.

Une expérience réalisée par Orly Rubinsten et Avishai Henik (2002) utilise un tout autre paradigme et montre elle aussi que la représentation mentale qui émerge lors d’un traitement conceptuel, contient automatiquement des dimensions sensorielles comme la taille des objets. Les auteurs utilisent un paradigme de type Stroop dans lequel les sujets doivent juger des paires de noms d’animaux et dire quel nom est physiquement écrit le plus grand. Les résultats montrent que la congruence entre la taille réelle de l’animal et la taille physique du mot facilite le jugement en diminuant les temps de réponse comparativement à une incongruence. Selon les auteurs, le traitement de la taille d’un mot est mené en parallèle à une extraction des propriétés sensorielles du stimulus référent. De nouveau, les résultats indiquent que lorsqu’un mot est présenté, l’individu se représente automatiquement les dimensions sensorielles de l’objet, bien que la tâche ne le nécessite pas.

Enfin, d’autres expériences travaillant également sur les aspects visuels des représentations mentales utilisent en plus des consignes d’imagerie. Par exemple, dans une expérience de Solomon et Barsalou (2004), les sujets jugent des paires de mots de type propriété-concept. Ils doivent, soit en utilisant l’imagerie mentale, soit sans consigne particulière, déterminer si la propriété est une partie physique du concept (« est-ce que face est une propriété de gorille? »). Les résultats indiquent, que les temps de réponses sont proportionnels à la taille de la propriété concernée (plus la propriété est grande, plus le temps nécessaire pour se la représenter est important), et ce, quelle que soit la consigne. Pour les auteurs, les représentations mentales construites pour réaliser la tâche sont donc visuelles et très similaires quelle que soit la consigne.

De façon générale, ces expériences montrent que traiter sémantiquement un concept nécessite la construction automatique d’une simulation sensorielle. Cette représentation mentale présente de nombreuses similitudes avec les images mentales créées volontairement, elles-mêmes très similaires aux représentations mentales issues de la perception réelle (voir partie 2.1.3.). Pour les auteurs, c’est un matériel neuronal partiellement commun qui serait à l’origine de ces différentes activités cognitives.