La représentation conceptuelle contient une position particulière

Les expériences en psychologie cognitive s’intéressent également à la représentation mentale de la position des objets. Certaines d’entre elles concernent la position classique que les objets ont en général, d’autres les positions possibles qu’ils peuvent prendre.

Setic et Domijan (2007) ont ainsi étudié les propriétés spatiales des représentations mentales d’objets ou d’animaux. Pour cela ils ont proposé aux sujets des noms d’animaux généralement associés à une position haute ou basse de l’espace (« papillon » ou « souris » par exemple). Les mots pouvaient être disposés soit en haut, soit en bas de l’écran, et les sujets devaient décider s’il s’agissait d’un animal volant ou non. Une interaction significative a été obtenue entre la position spatiale du mot à l’écran et le type de mot. Les mots d’animaux volants étaient plus vite jugés s’ils étaient présentés en haut plutôt qu’en bas. Le même profil de résultats à été obtenu avec des mots d’objets (« hélicoptère » ou « tapis » par exemple).

De la même façon, Zwaan et Yaxley (2003) ont proposé à des sujets de juger des paires de mots présentés simultanément mais disposés l’un au-dessus de l’autre. Les mots faisaient référence à des parties d’objets larges et les sujets devaient dire si les mots étaient reliés sémantiquement ou non. Les résultats indiquent que les temps de réponse sont diminués lorsque l’ordre vertical des mots respecte la relation spatiale réelle entre les objets référents (par exemple la relation sémantique entre « grenier-cave » sera plus rapidement traitée que celle de « pantalon-pull »).

Deux autres expériences réalisées par Zwaan et collaborateurs, concernent cette fois-ci différentes positions spatiales que des objets peuvent présenter. Dans une expérience de 2001 (Stenfield & Zwaan, 2001) les sujets lisaient une phrase qui décrivait un objet dans une certaine orientation (verticale ou horizontale) du type : « John met le stylo dans une tasse » ou « John met le stylo dans un tiroir ». Puis les participants voyaient une image et décidaient s’il s’agissait de l’objet précédemment évoqué ou pas. Les résultats indiquent que les sujets sont plus rapides à répondre si la position de l’objet sur l’image est la même que celle décrite dans la phrase, comparativement à une position différente.

Le même paradigme est utilisé dans une expérience de 2002 (Zwaan, Stanfield, & Yaxley, 2002), où cette fois-ci les objets (ou animaux) présentent différentes formes selon la position dans laquelle ils sont décrits (« un oeuf dans une boite » ou « un oeuf dans une poêle ») . Après avoir lu la phrase, un dessin apparaissait et les sujets décidaient s’il représentait l’objet précédemment décrit ou un autre objet (La figure 8 présente deux dessins d’un même objet mais de formes différentes). Les résultats obtenus sont similaires à l’expérience précédente. Les participants sont plus rapides pour réaliser la tâche lorsque la forme de l’objet dessiné est la même que celle évoquée dans la phrase plutôt qu’une forme différente.

Figure 8. Exemple sélectionné parmi les dessins utilisés dans l’expérience de Zwaan et al. (2002).
Figure 8. Exemple sélectionné parmi les dessins utilisés dans l’expérience de Zwaan et al. (2002).

Pour résumer, la nature perceptive des concepts semble bel et bien simulée à travers les représentations mentales qui émergent pour réaliser telle ou telle tâche. Penser un objet, un animal, c’est le représenter mentalement de la même façon que nous le percevons réellement. Des observations réalisées sur les mouvements oculaires montrent que ces deux activités cognitives, si elles sont réalisées sur un même objet, impliquent des mouvements similaires des yeux, c’est-à-dire dans des directions identiques (Spivey, Tyler, Richardson, & Young, 2000). Il semblerait que nous balayions visuellement nos représentations mentales de la même façon que nous analysons les situations perceptives auxquelles elles font référence.

Il est intéressant de noter que cette analyse est par ailleurs essentiellement dirigée par les intentions de l’individu. Des expériences utilisant le switching intermodal montrent que la représentation mentale peut s’élaborer plus particulièrement dans une modalité sensorielle en fonction des objectifs, mais également des expériences antérieures du sujet.