La représentation conceptuelle contient des composants moteurs

Arthur Glenberg et Michael Kaschak s’interrogent sur la façon dont les individus se représentent mentalement un évènement décrit afin d’en comprendre le sens. Pour eux comme pour les auteurs cités dans la partie précédente, la compréhension de phrases résulte de la construction d’une simulation sensori-motrice des évènements. De plus, si la phrase décrit une action, alors la simulation mentale nécessitera plus particulièrement une activité des aires motrices (voir la section 2.1.). Par ailleurs, cette simulation pourra interférer avec une action réelle à réaliser ultérieurement (un geste réponse par exemple qui nécessite également l’activation des aires motrices). Ce type de paradigme est fréquemment utilisé par les auteurs afin de mettre en évidence les aspects moteurs des représentations conceptuelles.

Dans cette optique, Glenberg et Kaschak (2002) demandent à des sujets de juger si des phrases ont un sens ou non. En ce qui concerne les phrases qui ont du sens, certaines pouvaient décrire une action (un mouvement du bras proche ou loin du corps). Un effet facilitateur est obtenu lorsque le geste nécessaire pour répondre est le même que celui évoqué dans la phrase et non différent. Les auteurs appellent cet effet l’Action-sentence compatibility effect (ACE).

Une expérience plus récente (Tseng & Bergsen, 2005) montre que même sans consigne de traitement sémantique, l’ACE est quand même obtenu. Le travail réalisé par Tseng et Bergsen portait sur les signes appartenant à l’American Sign language (ASL). L’expérience mettait en évidence l’accès automatique à la signification d’un signe ASL alors que la tâche ne nécessitait pas de traitement sémantique. Des sujets experts de cette langue signée devaient indiquer si deux signes successifs étaient visuellement identiques ou différents (quelle que soit leur signification) en appuyant sur un bouton proche ou éloigné d’eux. Les résultats indiquent que les participants sont plus rapides pour répondre lorsque la signification des mots signés observés (par exemple « attraper ») décrit un mouvement similaire au mouvement nécessaire pour répondre à la tâche. En revanche, une telle facilitation n’est pas obtenue lorsque les signes sont physiquement directionnels mais pas sémantiquement (par exemple le mot « fille » nécessite un geste de l’index qui part de la joue et qui s’éloigne du corps. Il est donc physiquement directionnel mais sa signification n’a pas de rapport avec une orientation spatiale quelconque). Ainsi, il ne s’agit pas d’une facilitation visuelle mais bien d’un effet de la signification du signe, comparable à un effet stroop. L’évidence d’un traitement sémantique automatique plutôt qu’un traitement visuel, est par ailleurs confirmée par l’absence d’effet quelles que soient les conditions, chez une population qui ne pratique pas l’ASL.