3.3. L’intégration multisensorielle, un processus analysé par les neurosciences

L’ensemble des expériences évoquées jusqu’à présent a souligné l’implication de l’activation de composants sensoriels, moteurs et émotionnels dans l’émergence des connaissances même les plus conceptuelles. Le modèle des systèmes de symboles perceptifs proposé par Lawrence Barsalou souligne par ailleurs l’importance du processus d’intégration entre les composants. En se référant aux propositions antérieures de Damasio, Simmons et Barsalou (2003) proposent que les zones de convergence responsables de ce processus soient réparties sur de multiples niveaux hiérarchiques allant de la partie postérieure à la partie antérieure du cerveau. Plus la zone de convergence sera antérieure, plus elle associera des informations multimodales.

Les observations neuroanatomiques confortent depuis longtemps le rôle de structures cérébrales telles que le cortex frontal, temporal, l’hippocampe, le striatum ou l’amygdale, dans les processus d’intégration intermodale (Bechara et al., 1995; Bechara, Tranel, Damasio, & Damasio, 1996 ; Damasio, 1995 ; Goldman-Ravic, Scalaidhe, & Chafee, 2000; Packard & Cahill, 2001 ; Stuss & Alexander, 1999  ). Ainsi, d’un point de vue neuro-anatomique, il est traditionnellement proposé que l’intégration entre les différents inputs sensoriels ait lieu relativement tard et qu’elle soit le fait de traitements cognitifs supérieurs et tardifs (Jones, 1970; Massaro, 1998; Schröger & Widmann, 1998).

Cependant, nous assistons actuellement, notamment grâce à l’évolution des technologies, à un changement radical dans la compréhension du processus d’émergence mentale des connaissances. Il semble en effet que les zones sensorielles participent non seulement à la perception sensorielle mais également à l’intégration multisensorielle. Les chercheurs parlent d’intégrations multisensorielles précoces et tardives, suggérant une cascade de processus opérant en parallèle, à différents niveaux aussi bien dans les structures sensorielles que non sensorielles du cortex (Calvert & Thesen, 2004). Les processus d’activation et d’intégration ne sont donc pas successifs, mais correspondent plutôt à des cascades d’évènements qui varient selon les modalités perceptives et qui ont lieu entre autres, dans les zones sensori-motrices du cerveau.

Grâce à la section 2.1. du second chapitre, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer des activations dans les aires motrices, auditives ou olfactives alors que les inputs étaient relatifs à une autre modalité. Les observations présentées ci-dessous complètent ces expériences en mettant en évidence les aspects intégratifs précoces, ou les interactions précoces, entre les systèmes à modalité spécifique.