3.6. Problématique, hypothèses et objectifs expérimentaux

Comme nous venons de le dire, les expériences réalisées dans le cadre de cette thèse s’articulent autour d’une problématique générale qui concerne la dynamique d’émergence des connaissances mentales.

L’idée sous-jacente à l’ensemble de ce travail est qu’une connaissance qui concerne un objet, correspond à la réactivation des aires cérébrales impliquées dans le traitement sensori-moteur de cet objet. Il n’y a pas de stockage d’entité abstraite. Il s’agit au contraire de la réactivation des mêmes pools neuronaux sollicités durant l’interaction réelle avec l’objet. Autrement dit, si l’on considère qu’interagir avec un stimulus génère une représentation mentale particulière, alors la reconstruction de cette représentation en l’absence du stimulus, correspondra à l’émergence d’une connaissance en lien avec le stimulus en question.

Construire et reconstruire des représentations mentales sont donc selon nous, des activités cognitives en partie similaires qui s’appuient sur un ensemble d’étapes communes. La connaissance émerge peu à peu et se transforme au cours du temps de la même façon que la perception d’un stimulus multisensoriel se modifie, grâce aux interactions et intégrations neuronales multimodales. Nous savons en effet aujourd’hui que les composants sensoriels et moteurs des représentations mentales sont rapidement intégrés les uns aux autres afin de permettre une perception cohérente et efficace de l’environnement. Par déduction, ce processus d’intégration devrait également avoir une place non négligeable dans l’émergence d’une connaissance, même en l’absence d’input sensoriel, en la rendant de plus en plus « aboutie ». Un peu à l’image de la théorie de la Gestalt, nous supposons qu’une connaissance « aboutie » c’est-à-dire qui a subi l’ensemble des processus nécessaires à son émergence, sera une entité « différente » de l’entité à laquelle elle peut correspondre au début de sa construction. Nous parlerons d’une succession d’étapes à la base de la réactivation d’une connaissance, étapes similaires à celles mises en jeu durant sa construction initiale. Au final, le processus d’intégration entre tous les composants d’une connaissance créera une connaissance différente de la simple somme des activations de ses composants.

En dehors des travaux de Hommel, aucune expérience en psychologie cognitive n’a à notre connaissance, tenté de mettre en évidence ce processus d’intégration entre des composants en partie mnésiques.

Le but de notre travail expérimental a donc été de parvenir à distinguer cette étape de celles plus précoces où l’intégration n’a pas encore eu lieu. Nous supposons que les étapes qui précèdent le processus d’intégration correspondent aux différentes activations des composants multisensoriels et moteurs. Tous ces composants non encore reliés les uns aux autres forment à un temps très précoce, une entité particulière qui émerge et qui d’après ce que nous venons de dire sera différente de l’entité finale, induite par une cascade de processus d’intégrations intra et intersensoriels.