Description des chapitres

Les chapitres de cette thèse s’organisent de la façon suivante.

Dans le Chapitre I, Psychologie Cognitive : les représentations matérielles, nous présentons notre problématique de recherche et nous la situons au sein de la psychologie.

Le sous-chapitre I.1, Le domaine de recherche en Psychologie Cognitive présente la psychologie cognitive en la situant entre deux courants interdisciplinaires : les sciences cognitives et les sciences de l’Homme. Nous citons les branches de la psychologie cognitive : la linguistique, la psychologie cognitive sociale, les thérapies cognitives, l’ergonomie et son intérêt en psychologie de l’éducation. Nous plaçons notre recherche dans un cadre de recherche fondamentale, dans le sens où elle envisage les concepts principaux de cette discipline, à savoir les concepts de représentation et de cognition. Nous soulignons aussi la tradition scientifique de la psychologie cognitive en remarquant l’importance de l’expérimentation depuis ses origines avec des organismes complexes naturels et aussi avec des systèmes informatiques. Ensuite, nous présentons le concept de cognition du point de vue du développement cognitif. Ce choix est stratégique car il demande au lecteur une vision dynamique et évolutive des représentations, des processus et des structures cognitives. Ensuite, nous soulignons deux concepts majeurs de représentations qui seront discutés et utilisés tout au long des chapitres. Il s’agit du concept de représentation sociale et de celui de représentation matérielle. La représentation matérielle est présenté comme l’un des concepts principaux dans l’argumentation de l’intelligence des systèmes artificiels et pour justifier l’origine biophysique du mental. La représentation sociale est présentée comme un concept plus récent et qui souligne l’aspect dynamique des représentations. Nous proposons alors de s’inspirer du concept de représentation sociale afin de concevoir des représentations matérielles dynamiques à partir de systèmes informatiques.

Dans le sous-chapitre I.2, La représentation comme problème, nous proposons d’abord un cheminement qui va du concept de représentations matérielles vers celui de représentations émergentes. L’inspiration pour réaliser cette transition provient du concept de représentation sociale. Puis nous présentons le concept de représentation selon les principaux courants théoriques en psychologie cognitive. Nous abordons les critiques que ce concept a subi pendant la période de domination du paradigme comportementaliste en psychologie mais aussi plus récemment par la théorie de l’enaction. Nous discutons en quels termes le behaviorisme déconsidère l’existence des représentations et comment la machine universelle de Turing est utilisée pour faire revenir la représentation à partir d’un concept très concret, celui de représentation matérielle. A l’origine de l’approche symbolique, le concept de symbole matériel devient en psychologie le premier concept scientifique de la représentation. D’autres concepts vont surgir de l’approche subsymbolique ou connexionniste. Dans les réseaux de neurones les représentations sont plutôt reconnues au niveau subsymbolique que dans la manipulation de symboles par les mécanismes de la machine. De cela résultent les concepts connexionnistes de micro-représentation et macro-représentation. Nous discutons de l’actuelle insatisfaction avec les concepts de symbole matériel, micro-représentation et macro-représentation en psychologie cognitive. Puis, nous présentons la critique de la théorie de l’enaction par rapport au concept de représentation. Nous montrons les arguments de la théorie de l’enaction qui s’aperçoit qu’il n’est pas viable de traiter des systèmes cognitifs sans travailler directement avec de systèmes auto-organisateurs et avec des mécanismes complexes d’adaptation. Lorsque nous proposons la présentation de l’approche dynamique de la cognition, notre défi est de montrer comment les théoriciens de cette approche ont su comprendre les arguments de la théorie de l’enaction sans rejeter le concept de représentation. A ce moment, le problème principal était de différencier la représentation dynamique de la cognition elle-même. A la fin de ce sous-chapitre nous présentons la plus récente des recherches théoriques du domaine. Nous présentons comment des psychologues voient la cognition sociale et les représentations sociales comme des entités dynamiques autonomes, c’est-à-dire, indépendantes de la cognition individuelle. La mémoire collective est décrite comme indépendante ou irréductible à la mémoire individuelle, bien que chez les humains et dans les sociétés humaines elles soient très imbriquées l’une dans l’autre.

Dans le sous-chapitre I.3, Les modèles computationnels, nous voulons clarifier les propos théoriques discutés auparavant par des exemples et par l’exposition des formalismes des modèles présentés. Les limitations de la cognition artificielle et de la machine sont discutées autour du concept de sémantique et de la causalité de l’unité sémantique. A ce moment, la notion d’interaction complexe apparaît comme une intéressante voie à suivre car elle met en place un système auto-organisateur où les processus possèdent aussi un rôle causal sur ses structures. Ensuite, nous présentons des exemples de systèmes symboliques classiques dans la résolution de problèmes. Le modèle de réseaux de neurones est mieux détaillé en montrant ses capacités à apprendre la fonction logique XOR (OU exclusif) mais aussi ses limitations : la grande complexité de calcul et le manque d’un apprentissage optimal. Dans ce sous-chapitre, les modèles sont confrontés au problème de Brentano (Franz von Brentano, 1838-1917) qui est transformé ici dans le critère de non-réactivité pour l’apparition de représentations actives, c’est-à-dire, représentations qui sont causales mais non destinées à jouer des simples rôles explicatifs.

Dans le Chapitre II, Systèmes Complexes à base de Multi-Agents nous présentons les concepts concernant notre méthodologie de recherche. Nous montrons ici les Systèmes Multi-Agents comme une technique de modélisation de la cognition alternative aux systèmes symboliques et aux réseaux de neurones, les techniques traditionnelles en psychologie cognitive. Dans le domaine de la modélisation des systèmes complexes en informatique, d’autres techniques telles que les Automates Cellulaires (AC), Algorithmes Génétiques (AG), L-systèmes, Réseau Bayésien, etc. sont comptés parmi les Systèmes Multi-Agents (SMA). Le choix des SMA repose sur tous les avantages que cette approche possède.

Au sous-chapitre II.1, Calculable et Dynamique : l’Approche Systèmes Complexes (ASC), le concept de systèmes complexes est présenté et approfondi par les concepts d’auto-organisation, interaction et itération à travers des formalismes mathématiques. Ensuite, la cognition est présentée du point de vue de la théorie de l’information à travers les concepts de calcul et représentation. Des notions d’une machine complexe basée sur le couplage entre ses structures et processus sont discutées.

Dans le sous-chapitre II.2, Concepts et méthodologies multi-agents, nous présentons la modélisation multi-agents des systèmes complexes. Nous commençons par discuter l’intérêt de l’approche à base d’agents par rapport à d’autres techniques. Ensuite, nous présentons le concept d’agent comme une entité informatique autonome située dans les dimensions sociale et physique du système informatique. Puis, nous présentons les systèmes multi-agents comme le fait Ferber à travers de la théorie de la vision intégrale développée en psychologie par Wilber. La vision intégrale consiste essentiellement en une approche centrée sur l’Homme. Ainsi, deux axes, individuel/collectif et intérieur/extérieur sont définis par rapport à l’être humain par Wilber, et par rapport à l’agent informatique par Ferber. De ce fait, en informatique, dans le quadrant individuel/intérieur les types d’architectures d’agents sont expliqués. Alors que nous présentons les architectures réactives, cognitivistes et hybrides, les notions de représentations courantes dans ces modèles sont explicitées. Par exemple, dans les architectures cognitivistes nous retrouvons la même vision symbolique de la représentation. Dans le quadrant collectif/intérieur, les types d’interactions sont présentés : la communication directe par envois de messages et la communication indirecte par signaux laissés sur l’environnement physique du système informatique. Dans le quadrant collectif/extérieur nous faisons le point sur les deux principaux courants de la modélisation multi-agents : Systèmes Multi-Agents Centrés Agents (Agents Centered Multi-Agents Systems – ACMAS) et Systèmes Multi-Agents Centrés Organisations (Organization Centered Multi-Agents Systems – OCMAS). L’OCMAS est une approche plus récente et elle est basée sur l’apprentissage collectif et l’adaptation en SMA, notamment à base d’architectures d’agents réactifs. C’est dans l’approche basée sur des agents réactifs et sur l’organisation émergente que nous proposons un modèle d’émergence de représentations. Nous soulignons ainsi la forme dynamique et auto-organisatrice chez les organisations émergentes d’agents à la place des symboles manipulés à l’intérieur de leurs architectures.

Dans le sous-chapitre II.3, Epistémologie et modélisation multi-agents, nous présentons le cadre épistémologique des systèmes multi-agents. Les approches épistémologiques sont divisées en trois courants, comme il est fréquent en philosophie : globalisme, holisme et réductionnisme. Le réductionnisme est divisé en réductionnisme ontologique et réductionnisme méthodologique. Les arguments présentés au long du texte justifient l’approche multi-agents comme méthodologiquement réductionniste, car il faut procéder par sélection des variables de travail, mais aussi comme une approche holiste, car elle met en œuvre des modèles holistes où le tout n’est pas égal à la somme des parties et où le tout est actif envers ses éléments. Puis, nous présentons la théorie philosophique de la survenance qui rend compte de plusieurs notions d’émergence au sein d’une théorie unifiée. Ici, nous distinguons l’émergence simple, l’émergence forte, l’émergence faible et l’immergence. Nous reprenons alors notre hypothèse concernant l’émergence de représentations tout en affirmant que les représentations émergentes sont des systèmes immergés dans un système complexe adaptatif. Ensuite, nous présentons des éléments de validation externe des modèles complexes à base de multi-agents. Nous reprenons des argumentations qui montrent que les modèles multi-agents sont plus qu’un « dessein » statique car ce sont des modèles qui font apparaître les mêmes propriétés et comportements que le système naturel modélisé. Ainsi, à titre méthodologique, nous proposons dans les chapitres suivants de lister les propriétés des représentations naturelles afin d’aller les chercher sur le modèle multi-agents des représentations.

D’un certain point de vue, nous aurions pu commencer cette thèse par le Chapitre III, Intelligence Collective et Optimisation Naturelle, mais cela n’aurait pas été suffisant pour cadrer correctement notre recherche entre la psychologie cognitive et l’intelligence artificielle distribuée. C’est un chapitre important car il présente le concept de systèmes complexes adaptatifs en termes de rétroactions positives et négatives. Ces rétroactions sont vues comme le mécanisme central de l’intelligence collective. Le concept de stigmergie, déjà introduit au chapitre II, est ici repris pour expliquer la spontanéité des rétroactions qui se mettent en œuvre à travers l’interaction entre les agents et l’adaptation, comme un effet ou une propriété des systèmes complexes. Dans ces systèmes, le concepteur doit faire attention aux interactions qu’il planifie afin d’avoir les organisations et propriétés émergentes qu’il souhaite. Ensuite, nous reprenons l’importance de la valeur informationnelle que chaque représentation porte. Nous réaffirmons que les représentations servent à résoudre des problèmes mais aussi à garder des solutions de problèmes résolus. Nous décidons de mesurer à travers des problèmes d’optimisation l’apprentissage de nos systèmes complexes adaptatifs et leurs capacités de représenter des solutions. Dans ce sens, nous posons la définition mathématique d’un problème d’optimisation. Ensuite, nous présentons les heuristiques fondées sur les systèmes complexes adaptatifs qui existent pour la résolution de problèmes d’optimisation. Nous présentons ainsi l’Optimisation par Essaim de Particule (Particle Swarm Optimization – PSO) qui a été inventée par un psychologue et un ingénieur poursuivant des recherches sur la cognition sociale. Ils montrent que les problèmes d’optimisation sont résolus à travers les interactions et que la solution du problème est complètement hors de portée de l’intelligence individuelle des agents. Le PSO est actuellement un exploit notable car c’est devenu une importante technique en ingénierie. Une autre heuristique de résolution de problèmes d’optimisation inspirée des systèmes sociaux est l’Optimisation par Colonie de Fourmis (Ant Colony Optimization – ACO). Naturellement, il ne s’agit pas d’une modélisation fidèle des caractéristiques les plus spécifiques des fourmis naturelles. Le nom de cette méthode est dû à l’utilisation du mode de communication indirecte par signaux que nous retrouvons largement dans les sociétés humaines (se rappeler le conte de Charles Perrault Le petit poucet). Ensuite, nous discutons des limitations de ces méthodes qui sont listées dans la littérature. Nous choisissons de donner plus d’attention aux concepts d’exploration et exploitation qui sont présentés de différentes façons en sciences de l’Homme et en informatique, malgré l’origine identique des termes, nés en sciences humaines. En informatique nous montrons que le sens le plus courant est celui de l’exploration (recherche) d’une solution inconnue d’un problème dans un espace de solutions. L’exploitation est ainsi vue comme l’utilisation d’une solution que le système possède au préalable. Nous discutons aussi l’évolution du sens de ces termes en sciences de l’Homme, où ils possèdent une connotation plus liée aux relations entre classes sociales (de ce point de vue, on peut dire que la bourgeoisie en tant que classe dominante explore les classes dominées). Nous reprenons des recherches en psychologie sociale et en économie qui discutent des organisations humaines (entreprises) qui cherchent un équilibre entre des activités de recherche de nouveaux marchés et produits (exploration de nouvelles façons de faire) et le raffinement des techniques, connaissances, méthodes, produits et marchés déjà exploités (exploitation de solutions déjà mises en place). Nous raffinons alors notre hypothèse concernant les représentations émergentes. Nous affirmons qu’une fois immergées au sein d’un système complexe adaptatif, les représentations émergentes ont le rôle d’exploiter des solutions trouvées, pendant que le système complexe adaptatif global continue à chercher de meilleures solutions.

Le Chapitre IV. La Modélisation de Représentations Emergentes a pour but de proposer un Modèle d’Emergence de Représentations (MER). D’abord, les travaux spécifiques qui proposent des concepts et implémentations concernant les représentations émergentes sont abordés. Nous proposons d’organiser ces collaborations selon quatre quadrants issus d’une décomposition en deux axes : interne/externe et individuel/collectif. Cette décomposition est une approche développée par Wilber pour décrire sa vision intégrale en psychologie. Elle est aussi utilisée par Ferber pour décrire les systèmes multi-agents en informatique.

Dans le sous-chapitre IV.1, Représentations Emergentes et Intentionnalité, nous présentons du point de vue des systèmes complexes adaptatifs, les trois niveaux de systèmes naturels de la théorie de Dennett : le niveau physique, le niveau de conception (« design ») et le niveau intentionnel. Nous présentons ces niveaux de Dennett en discutant son avancement sur Franz Brentano lorsqu’il présente le niveau de « design » qui correspond au niveau auto-organisateur et complexe qui est essentiel dans la conception d’un système cognitif ou système intentionnel. Nous présentons, comme aspect principal des systèmes intentionnels leurs capacités à créer leurs propres règles de fonctionnement, c’est-à-dire, les lois internes de la cognition. Les représentations émergentes sont vues comme les éléments de ces lois internes. Ensuite nous présentons les modèles informatiques inspirés en quatre systèmes naturels où l’émergence de représentations apparaît de différentes façons comme essentielles. Différents exemples de représentations émergentes peuvent être donnés : le code génétique en biologie, l’émergence de grammaire en linguistique, le développement cognitif en psychologie et l’apprentissage collectif en sociologie. Fixer les bords ou limites des systèmes complexes n’est pas une tâche facile. Nous proposons de définir l’axe intérieur/extérieur par rapport à un système complexe adaptatif. Ainsi on parle soit d’une représentation qui possède une valeur informationnelle concernant le système complexe adaptatif lui-même soit d’une représentation concernant un objet externe au système complexe adaptatif en question. Dans l’axe individuel/collectif nous proposons de prendre comme référence les éléments du système complexe adaptatif. En modélisation multi-agents, les éléments du système complexe sont les agents. De ce fait nous dirons que si la représentation émergente est projetée dans l’architecture de l’agent elle est considérée individuelle, sinon, si la représentation émergente est projetée au sein d’une configuration collective d’agents alors elle est considérée collective.

Dans le sous-chapitre IV.2, L’approche Systèmes Complexes des Représentations, nous présentons les modèles et les résultats obtenus sur la modélisation des représentations émergentes par différents auteurs. Nous présentons les arguments qu’on voit se construire en biologie afin de mettre en valeur le concept de représentation émergente et le code génétique comme son exemple. Appartenant au premier quadrant, l’individuel/intérieur, les représentations émergentes en biologie, le code génétique, portent des informations concernant l’individu, i.e. l’organisme complexe lui-même, et ces informations se trouvent distribuées à l’intérieur de chaque cellule de cet organisme. Nous présentons que le code génétique est représenté dans un modèle informatique par Rocha et Hordijk comme un système qui garde une valeur informationnelle de façon stable et non-réactive dont la finalité est de guider le développement de l’organisme complexe tout en l’optimisant ou en l’adaptant au mieux à son environnement. D’après ces auteurs, nous soulignons, notamment, que l’information doit être gardée de façon stable et non-réactive pour traverser les millions d’années de l’évolution de l’espèce.

Par le second quadrant, individuel/extérieur, nous proposons de cadrer les modèles de l’émergence de langage. Nous exposons les arguments de Steels et autres, qui soutiennent que le langage est un système complexe adaptatif et que les règles grammaticales et les éléments du lexique sont des représentations émergentes. De ce fait, les représentations émergentes dans les modèles multi-agents du langage sont individuelles car elles appartiennent aux structures symboliques de l’architecture de chaque agent. Ces représentations émergentes sont aussi externes car elles font référence à des objets extérieurs. Les représentations du langage font référence à des objets externes au système complexe adaptatif qu’est le langage. Nous présentons les arguments de Steels pour justifier que la grammaire consiste en un ensemble de règles apprises et qui coordonnent dans la suite la communication entre les organismes complexes et entre les agents. Cet auteur utilise un système multi-agents comme le module du langage chez des robots parlants.

Dans le quatrième quadrant, collectif/extérieur, nous avons les systèmes multi-agents tels que les neurones formels qui réussissent dans les tâches de reconnaissances de forme. Nous présentons dans ce sous-chapitre les modèles multi-agents de Ramos et d’autres qui font en sorte que la configuration collective des agents reproduise une image externe à ce système multi-agents. Ce sont des représentations purement sociales car les agents ne possèdent aucune représentation symbolique de l’image numérique. Les agents ne font que réagir à des caractéristiques de la forme de l’image et la représentation émergente ne peut être comprise d’un observateur extérieur que par la configuration collective des agents.

Dans le sous-chapitre IV.3, Le collectif/intérieur : les représentations mentales, nous réaffirmons la théorie que les représentations mentales, qui sont à la base des fonctionnements fondamentaux et du développement des modules mentaux, sont des représentations dynamiques qui ne se situe pas au niveau génétique mais qui émergent comme des structures au niveau des neurones. Ainsi le système mental est dérivé du collectif des neurones et les représentations mentales internes possèdent des informations concernant leur propre système complexe adaptatif neuronal. Nous développons l’hypothèse que les représentations émergentes en psychologie cognitive ont comme rôle principal de guider le développement cognitif et jouent ainsi un rôle essentiel dans la transition de la cognition de bas niveau à celle de haut niveau. Afin de compléter ce positionnement théorique, nous discutons du fait que les systèmes réactifs dont nous nous servons en modélisation multi-agents doivent avoir des capacités de générer des groupes d’agents capables de garder des informations stables et non-réactives aux changements que l’on produit sur leur environnement. Nous argumentons comment les systèmes multi-agents réactifs peuvent présenter les propriétés essentielles des systèmes intentionnels. Ensuite, nous listerons les conditions pour reconnaître dans les systèmes complexes adaptatifs informatiques les représentations émergentes, d’après le modèle collectif/intérieur. Nous présentons et défendons les conditions suivantes : mémoire dynamiquement incohérente, construction de code, auto-organisation et sélection et encore guidage du développement.

Dans le sous-chapitre IV.4, Modèle d’Emergence de Représentations, nous faisons un pas méthodologique important. A partir d’un formalisme logique, nous présentons les principes du Modèle d’Emergence de Représentations (MER). Nous proposons un diagramme de classes UML du MER afin de présenter le modèle dans un langage unifié reconnu par les communautés scientifiques du domaine. Nous discutons de la façon dont les concepts d’exploitation et d’exploration sont compris dans le MER. Le rôle fondamental d’exploitation d’une valeur informationnelle fixe une propriété essentielle de la représentation émergente. Nous proposons aussi de distinguer entre les concepts d’immergence et de réification dans le MER. Le MER est élaborée pour l’approche systèmes complexes à base de multi-agents. La réification, concept originaire des sciences humaines, déjà bien intégré dans le domaine multi-agents, traite de la mise en place de symboles au niveau de l’architecture de l’agent afin de représenter des propriétés ou organisations émergentes au niveau collectif. Nous proposons une approche multi-agents du concept d’immergence qui concerne la mise en place d’un sous-groupe d’agents afin de représenter des propriétés ou organisations émergentes au niveau du système complexe adaptatif global.

Dans le Chapitre V, Optimisation basée sur la Tolérance à la Différence (OTD), nous présentons les principaux résultats de ce travail. Inspirés de la cognition sociale, de l’apprentissage collectif et des représentations sociales, nous avons choisi une simulation multi-agents dans le domaine des sciences de l’Homme. Influencés par la théorie de la mémoire collective de Halbwachs qui affirme que la mémoire collective ne dépend pas de celle de l’individu, nous avons vu là une approche de la genèse ou de l’émergence de représentations au niveau de l’interaction entre agents. En effet, nous reprenons les arguments de Halbwachs qui soutient que les corps, les éléments, de la mémoire collective humaine sont les groupes d’hommes et femmes qui se consacrent à de tâches spécialisées.

Dans le sous-chapitre V.1 Adaptation du modèle de Schelling, nous présentons d’abord le modèle de ségrégation de Schelling. Schelling présente un principe de formation de groupes notable : le préjugé. Nous présentons ainsi les idées de Schelling qui a étudié la ségrégation sociale, notamment la formation de quartiers « blancs » et « noirs » aux Etats-Unis. Le modèle de Schelling souligne la tolérance à la différence comme étant à la base de la formation de tous types de groupes humains. Dans la formation de différents groupes humains ce sont les critères pour évaluer l’égalité ou la différence entre les agents qui changent. En plus du critère de couleur, des facteurs économiques, performances physiques, croyances religieuses, performances cognitives, etc., servent à la ségrégation de la société en plusieurs groupes plus ou moins ouverts. Notre intérêt n’est pas la simulation d’une réalité sociale quelconque, mais l’adaptation du modèle de Schelling à la résolution de problèmes d’optimisation et l’utilisation de la formation de groupes d’agents dans ce modèle comme des représentations émergentes des solutions de problèmes d’optimisation. Afin de rendre le modèle multi-agents de Schelling capable de résoudre des problèmes d’optimisation, nous proposons de faire varier la tolérance à la différence en fonction d’informations locales et distribuées concernant la fonction non-linéaire à optimiser. Puis, nous proposons l’architecture générale d’agents OTD, adaptée à l’optimisation, basée sur l’architecture de l’agent du modèle de Schelling.

Le sous-chapitre V.2 Définition des problèmes d’optimisation, définit les problèmes d’optimisation, c’est-à-dire, les fonctions objectives à résoudre par l’heuristique OTD. Les problèmes d’optimisation sont des problèmes mathématiques. Les fonctions mathématiques qui posent le plus de problèmes lors de l’optimisation sont les fonctions non-linéaires si elles possèdent plusieurs extrema. L’intelligence du système artificiel est mesurée ainsi par la capacité de l’heuristique à trouver le minimum global parmi des minima locaux. Pour cela, nous définissons mathématiquement deux fonctions non-linéaires ainsi que leurs minima locaux et globaux. C’est en connaissant a priori des solutions des problèmes que nous proposons à notre système complexe adaptatif, l’OTD, que nous pourrons évaluer son intelligence, ses capacités d’adaptation et de représentation des solutions.

Dans le dernier sous-chapitre, V.3 Représentations émergentes basées sur l’heuristique OTD, nous présentons les résultats de l’heuristique OTD, le système complexe adaptatif et représentationnel. Sous la forme de groupes émergents d’agents, les représentations émergentes sont vues comme des systèmes dynamiques, locaux et ouverts. Dans un premier temps nous montrons les capacités d’adaptation du système. Dans un second moment nous montrons les capacités de représentation à long terme de solutions trouvées à travers l’émergence de dynamiques locales et non-réactives aux changements de la fonction objective. Puis, l’analyse statistique nous permet de corroborer les résultats. En changeant les valeurs des variables de projets nous définissons cinq versions d’OTD et, par des tests statistiques, nous arrivons à les différencier en termes de temps d’exécution du programme et de performances (i.e. la taille de l’erreur que les différentes versions obtiennent est significativement différente).

Dans ce mémoire, nous proposons une étude du concept de représentation émergente. Nous avons répertorié les différents travaux qui portent sur ce concept ou qui l’utilisent de façon plus ou moins transparente, nous avons étudié et comparé ces travaux selon différents critères et proposons ainsi une vision unifiée du concept de représentation émergente. Les travaux applicatifs que nous avons conduits et présentés visent à apporter une validation pratique à nos observations théoriques.

Les représentations émergentes, c’est-à-dire, des systèmes dynamiques, locaux et non-réactifs, que nous avons mis en œuvre sont capables de garder des valeurs stables à long terme et de résister à des changements environnementaux. Ces résultats ouvrent des perspectives du coté de la psychologie comme du coté de l’informatique. Du coté sciences de l’Homme, les représentations sociales simulées sur des systèmes stables et non-réactifs ouvrent des perspectives sur la théorie de jeux et donc sur des applications en économie. Dans le domaine mathématique de l’optimisation de problèmes combinatoires, l’heuristique OTD ouvre des perspectives sur une nouvelle méthode d’optimisation naturelle. Ici les applications possibles sont très vastes étant donnée l’importance de l’optimisation naturelle dans tous les domaines de l’ingénierie. Toujours entre la psychologie cognitive et l’intelligence artificielle, l’émergence de représentations au travers des nos collaborations permettent de nouvelles perspectives sur l’émergence de langage entre systèmes artificiels mais aussi entre systèmes artificiels et êtres humains. Un modèle d’un système complexe prenant en compte de façon unifiée les quatre types de représentations émergentes nous offre des perspectives à long terme sur des systèmes cognitifs artificiels très sophistiqués et performants. Dans ce parcours, il faudra continuer à avancer sur les étapes difficiles, c’est-à-dire, sur les formalismes des systèmes complexes et sur les expérimentations numériques en psychologie cognitive.