I.2.B La critique de la théorie behavioriste

Le behaviorisme ou comportementalisme fut le paradigme dominant en psychologie avant l’approche cognitive. Il est basé sur le lien direct entre stimuli et réponses (S-R). Entre la psychologie behavioriste et la psychologie cognitive on assiste à ce que Kuhn (1962) relate comme un changement de paradigme, comme une évolution de la pensée au sein d’une communauté scientifique déjà bien établie. Un tel changement de paradigme a eu lieu aussi en Physique à la transition entre la mécanique moderne et la mécanique quantique.

Les concepts de représentations et du mental ont été écartés du scénario scientifique par le behaviorisme car ceux-ci se basent sur le principe associationiste. Ce principe dit que A peut se lier à B sans besoin de rien d’autre pour faire le lien, pas même une règle d’action. Les informations internes dans un système de traitement de l’information sont vues par Skinner (1953) comme des stimuli supplémentaires.

‘« In recalling a name it is assumed that the response exists in some strength and that other information is available as a source of supplementary stimulation. These are the essential features of a broader and generally more complex activity commonly called “problem-solving”, “thinking” or “reasoning” » (Skinner, 1953, p. 246)’

Skinner (1935 ; 1953) soutenait que la pensée pouvait être étudiée en terme de comportement et d’association de comportements sans faire référence à des termes mentalistes « douteux ». Il définissait la pensée comme le fait de se comporter et rien d’autre. Pour Skinner (1935 ; 1953), l’approche cognitive de l’intelligence prend les comportements comme effet d’une intelligence alors que, selon lui, il n’existe rien d’autre que des comportements intelligents. Lopes & Abib (2003) reprennent ces arguments pour critiquer les sciences qui ont actuellement une approche cognitive. Ils disent que dans l’approche cognitive du mental, ce qui se passe c’est la substantivation d’un adjectif. Ainsi, l’intelligence n’est pas la cause mais une caractéristique du comportement.

‘« Trait-names usually begin as adjectives—"intelligent," "aggressive," "disorganized," "angry," "introverted," "ravenous," and so on—but the almost inevitable linguistic result is that adjectives give birth to nouns. The things to which these nouns refer are then taken to be the active causes of the aspects. We begin with "intelligent behavior," pass first to "behavior which shows intelligence," and then to "behavior which is the effect of intelligence." Similarly, we begin by observing a preoccupation with a mirror which recalls the legend of Narcissus; we invent the adjective "narcissistic," and then the noun "narcissism"; and finally we assert that the thing presumably referred to by the noun is the cause of the behavior with which we began. But at no point in such a series do we make contact with any event outside the behavior itself which justifies the claim of a causal connection. » (Skinner, 1953, p. 202)’

Avec les systèmes d’information, les théories sur les représentations symboliques internes, lesquelles font le lien entre l’entrée (« Input ») et la sortie (« Output ») (S-O-R) ont donné un support scientifique aux concepts du mental, notamment aux représentations mentales internes, tant dans l’approche symbolique quand dans l’approche connexionniste.

Les fonctions instanciées sur machine (représentations matérielles) ne sont pas seulement l’effet de comportements intelligents mais aussi la cause des comportements intelligents. Par exemple, les règles de la logique dans le GPS (General Solver Problem) ou dans le traitement des fonctions différentielles chez les neurones formels, sont des systèmes actifs, causaux (Pylyshyn, 1984), (Fodor, 1983), (Sternberg, 1996), (Cadet, 1998), (Lemaire, 1999).

Lopes & Abib (2003) défendent que le mental peut être considéré comme un niveau élevé et complexe de comportements intelligents. Ils proposent le behaviorisme radical comme philosophie de l’esprit. La problématique dans la proposition de Lopes & Abib (2003) est intéressante dans le sens où c’est dans la complexité et dans l’interaction que le système mental trouve les moyens pour s’adapter, créer, imaginer et résoudre des problèmes.