Le système cognitif est couplé structurellement ou incorporé

Dans un modèle computationnel à base de fonctions différentielles, van Gelder & Port (1995) disent que, suite à des changements de certains paramètres sur une des fonctions couplées aux autres, ce paramètre va résonner ou affecter toutes les autres fonctions.

Cette caractéristique réactive des systèmes dynamiques fait que le système est adaptatif. Il présente différents comportements en réaction à différents changements de paramètres.

L’approche dynamique suppose qu’il existe un système cognitif artificiel sans représentations et que certains systèmes artificiels pourront en être dotés.

On pourrait dire que la cognition est située dans le temps et dans l’espace, comme une res extensa, un objet sur un plan cartésien.

Le système cognitif, dans l’approche dynamique, est matériel et situé dans le temps et dans l’espace. Les systèmes cognitifs, tels que le cerveau et l’environnement sont des systèmes dynamiques et non des « objets ».

‘« In this vision, the cognitive system is not just the encapsulated brain ; rather, since the nervous system, body, and environment are all constantly changing and simultaneously influencing each other, the true cognitive system is a single unified system embracing all three » (van Gelder & Port, 1995, p. 373).’

Van Gelder & Port (1995) et van Gelder (1999a) pensent à réaliser en computationnel ce que Maturana & Varela (1973) pensent concernant l’émergence et l’enaction d’un système cognitif.

‘« Le rapprochement entre l’émergence et l’enaction dépend de l’idée qu’on se fait de la fonction d’un système distribué. En insistant sur le fait qu’un processus historique fait émerger des régularités sans contrainte de finalité arrêtée, on conserve la notion biologique d’un monde non circonscrit. » (Varela, 1989, p. 116)’

Dans l’approche dynamique et complexe la cognition est un système couplé avec l’environnement, i.e. la cognition est incorporée. La cognition n’est pas un objet mais un système situé qui échange des éléments avec l’environnement. La cognition de haut niveau est aussi émergente et incorporée. Naturellement, mettre en route de modèles informatiques de tels concepts n’est pas une tâche facile.

Figure 8. Un méta-modèle de la cognition située (« 
Figure 8. Un méta-modèle de la cognition située (« embedded mind »). Le modèle met l’accent sur des systèmes dynamiques au niveau biologique, neuronal et culturel à l’interface entre des systèmes complexes physiques et chimiques et entre le système cognitif de haut niveau. (Lucas, 2005, p. 717)

Dans le méta-modèle de Lucas (2005), la cognition incorporée est vue comme le système global illustré sur la figure 8 ci-dessus. Les niveaux cognitifs élevés émergent de l’environnement. Le corps, le cerveau et la société sont fortement couplés et font le pont entre les environnements : physique, social et mental (Clark, 1997). Le niveau biologique réagit au milieu par des réflexes et est perçu par le mental comme des sensations. Le niveau neuronal coordonne des actions en milieu physique et social et met de l’émotion et de l’affectif sur les concepts et catégories du mental. Le niveau culturel ou déontique émerge par l’incorporation des règles sociales et produit sur les cognitions de haut niveau des pensées intellectuelles et sur le monde des actions philosophiques, scientifiques, politiques, artistiques, etc. qui sont le fruit des anticipations réalisés par le niveau cognitif supérieur. Enfin, le niveau biologique affecte le cerveau par les mémoires génétiques et le niveau déontique par les mémoires sociales apprises.

Lucas (2005) propose sept niveaux de structures émergentes évolutives pour expliquer comment se forme au fur et à mesure un système cognitif incorporé :

Ecologique (plusieurs espèces)  niches

Sociologique (cultures multiples)  organisations

Psychologique (esprits multiples)  spécialistes

Neurologiques (modules multiples)  concepts/cartes

Développemental (cellules multiples)  organes

Biologique (gènes multiples)  cellules

Chimique (molécules multiples)  enzymes

Même si cette décomposition de Lucas (2005) nous semble naïve, il s’agit d’une tâche très délicate car identifier les bords ou limites des systèmes dynamiques et complexes est parfois impossible.

‘« Having put ourselves in the place of the dynamicist it seems we have the impossible task of characterizing a nearly limitless system. » (Eliasmith, 1996, p. 445).’

Une autre organisation hiérarchique des niveaux émergents est proposée par Hall (2006).

Dans les niveaux proposés par Hall (2006) le mental disparaît tout simplement.