Architectures réactives

Les agents réactifs ne font pas de raisonnements en utilisant des représentations de leur environnement ou des autres agents ; ils possèdent des règles d’actions, i.e., mécanismes directs associant des actions aux perceptions. Dire qu’ils n’ont pas de fonctions cognitives signifie qu’ils ne font pas de raisonnements à partir de formulations logiques de composition ou décomposition pour une déduction ou induction. Néanmoins, un système multi-agents composé d’agents réactifs est une voie pour la modélisation de systèmes cognitifs (Drogoul, 1995).

Les règles d’actions appartiennent à la dimension conative des agents. Elles servent simplement à mettre en relation les perceptions et les tâches à accomplir (Ferber, 2006).

Le concept de satisfaction est très important dans les architectures réactives. Simonin (1999), propose une architecture satisfaction-altruisme permettant de mettre en relation des comportements centrés sur les désirs de l’agent et des comportements coopératifs centrés sur les besoins des autres agents. Différentes tâches, en compétition ou en coopération, ont leurs poids d’activation modifiés par de mécanismes de renforcement (Drogoul, 1993), (Hassas, 2003a), (Hassas, 2003b).

Lorsque l’environnement prend la forme du problème à résoudre et que l’exploration initiale de l’environnement laisse progressivement place à l’exploitation collective de la meilleure solution (Holland, 1975), (Wilson, 1996) cela implique des mécanismes de renforcement de la meilleure solution à l’intérieur de chaque agent par le biais de modèles sociaux de prise de décision.

Le fourragement d’objets dans un environnement est un problème que l’on souhaite faisable par des robots. Les fourmis savent le faire par le moyen de marques ou traces de leur passage qui sont repérés par d’autres fourmis.

Figure 29. Un modèle SMA « fourmi » UML (Ferber, 2006, p. 30).
Figure 29. Un modèle SMA « fourmi » UML (Ferber, 2006, p. 30).

Dans ce modèle SMA « fourmi », les fourmis ainsi que le nid sont représentés par des agents. Les agents, la nourriture et la phéromone sont des entités, ou objets, de l’environnement dans lequel ils possèdent une position. Un agent « fourmi » sort du nid pour chercher de la nourriture et, pendant qu’il explore son environnement, il laisse tomber des « phéromones ». Si un agent qui possède de la nourriture perçoit des « phéromones », il est incité à suivre ces pistes.

D’après Ferber (2006), les réseaux de neurones sont des architectures réactives dont le fonctionnement est effectué par fusion de consignes. Les neurones formels ne sont pas des agents mobiles ou situés, mais ils réagissent quand un seuil de stimulation est atteint. Les automates à états finis, les modèles à temps discret et les automates cellulaires sont aussi vus comme des systèmes réactifs. Les SMA sont décrits comme une sophistication de ces méthodes car ce sont des modèles dont la représentation du temps est continue (Ramat, 2006).

Figure 30. Classification des formalismes selon l’aspect continu ou discret des variables, du temps et de l’espace (Ramat, 2006, p. 60).
Figure 30. Classification des formalismes selon l’aspect continu ou discret des variables, du temps et de l’espace (Ramat, 2006, p. 60).

Une fois que le modélisateur a choisi ses variables de travail, il doit faire un choix de représentation de l’espace et du temps. Normalement, les automates cellulaires manipulent un temps discret, vu qu’à chaque pas de temps, l’état de l’automate se calcule en fonction de l’état d’un automate à l’instant précédent. Chez les automates à états finis, le changement d’état se fait sans la représentation de l’espace mais se fait soit de manière déterministe (un Busy Beaver, par exemple), soit de manière stochastique (des réseaux de neurones).

Les agents sont des modèles à événements discrets, qui, de par leur architecture, peuvent manipuler un temps continu. Sans effectuer de raisonnements, ces agents sont autonomes mais réactifs. La mécanique réactive possède ainsi un certain décalage de temps qui dépend de certains événements spécifiques pour pouvoir déclencher une action. Ils n’ont pas de buts à atteindre ni de stratégies individuelles pour y arriver, mais des seuils de satisfaction ou seuils de déclanchement de certaines actions.

Figure 31. Le modèle d’activation de Lorenz. Pour chaque activité existent une « énergie » interne et un stimulus externe. Tous les deux ont le même rôle : repousser la valve qui ferme le récipient afin de déclencher le comportement. (Drogoul, 1993, p. 28).
Figure 31. Le modèle d’activation de Lorenz. Pour chaque activité existent une « énergie » interne et un stimulus externe. Tous les deux ont le même rôle : repousser la valve qui ferme le récipient afin de déclencher le comportement. (Drogoul, 1993, p. 28).

Les agents réactifs sont autonomes mais, n’effectuant aucun raisonnement, ils ne peuvent pas être considérés comme des agents intentionnels. En effet, ils ne manipulent pas de moyens pour accomplir des objectifs. Pourtant, ce sont des systèmes sophistiqués, semblant posséder une « motivation interne », qui déclenchent un comportement à partir d’une force, d’un stimulus externe et d’une condition interne à satisfaire. La quantité d’eau dans le récipient, le flux de l’eau et le mécanisme de déclanchement du modèle d’activation hydromécanique de Lorenz constituent un exemple d’un tel processus.