Les représentations émergentes du langage sont observées dans l’émergence de communication parmi des agents qui font de la négociation de symboles.
Loula et al. (2003)11 mettent en place un environnement pour la simulation d’un écosystème permettant l’interaction coopérative entre des agents « singes » pour qu’ils se protègent de leurs trois types de prédateurs, le « tigre », le « serpent » et le « faucon ». Les singes communiquent en émettant des signes des uns aux autres. L’objectif de la simulation, au-delà d’un modèle proie-prédateur, était d’élaborer une architecture pour l’émergence de la communication symbolique entre créatures artificielles. L’élaboration de cette architecture est inspirée par la sémiotique de Peirce et par l’éthologie. A partir de leur architecture, ils arrivent à faire en sorte que les « singes » mettent en place un processus de concurrence entre les symboles. Chaque singe part de son propre symbole pour faire signe aux autres de l’arrivée d’un certain prédateur. A la fin, après un certain nombre d’interactions entre les agents, les singes convergent vers un même symbole commun pour chaque prédateur et arrivent ainsi à mieux éviter ces prédateurs. Ils stabilisent ainsi un code, mais qui sans syntaxe n’est pas un langage.
Sur le graphique ci-dessous, extrait du travail des auteurs, on note que la proie 4, suite à la nomination d’un prédateur de terre avec un symbole non partagé par le groupe, finit par adopter le symbole commun aux autres « singes ». Tout cela se passe en moins de 2000 interactions.
Steels cherche à faire en sorte que les agents, éléments de ce type de système complexe, puissent négocier non plus de simples symboles mais aussi des règles grammaticales, ce qui ouvre la possibilité d’émergence de phrases (Steels, 2000a ; 2000b). Dans la relation homme-machine, l’émergence d’un langage commun par négociation de symboles est vue comme une voie pour « faire parler » les ordinateurs et robots (Stuber, Hassas et Mille, 2003 ; 2005).
En plus des expérimentations avec les « Talking Heads », i.e., ces caméras opérables par SMA, d’autres plateformes robotiques ont été utilisées, telles que « Lego robots » et « Sony AIBO robot » (Steels, 2003).
Steels propose, par ce type de jeux de langage, que les symboles qui ont leur fréquence d’utilisation augmentée soient des représentations externes émergentes. Elles sont qualifiées d’externes, car elles font partie du triangle sémiotique (Interprète-Objet-Symbole). Parmi les symboles possibles, le symbole qui prend sa place dans le triangle sémiotique par des mécanismes de rétroaction positive est à l’intérieur de l’agent mais sa pérennité dépend de la dynamique complexe du collectif. Dans cette vision individuel/intérieur des représentations émergentes, le langage est le système complexe adaptatif, mais les représentations sont des symboles matériels.
Arnellos, Vosinakis, Spyrou et Darzentas (2006) définissent la représentation émergente non seulement comme la structure grammaticale et la syntaxe mais aussi le lexique que les agents peuvent échanger entre eux et renforcer afin qu’ils arrivent à un langage commun. Pourtant, en linguistique, la syntaxe est plus caractéristique d’un langage que le lexique, moins stable. Selon eux, « the emergence of autonomous representations » inclut dans les structures échangeables et négociables des fonctions qui donnent un support à la syntaxe et au lexique.
Arnellos, Spyrou et Darzentas (2003 ; 2006) proposent de comprendre par le terme « représentation émergente » le système auto-organisant dans une relation sémiotique ; autour des objets, des symboles et de l’interaction du système apprenant avec l’environnement où ce système et les objets sont situés. Le sens, « meaning », est une propriété sémiotique.
Les principes SCA du langage à base de SMA de type individuel/intérieur sont :
Malgré ces caractéristiques très pertinentes attribuées aux représentations, surtout la caractéristique d’émergence, elles n’arrivent pas encore, sur aucun travail dans le domaine, à dépasser le niveau biologique et conduire le système vers les fonctions cognitives de haut niveau. Au niveau sémiotique, représentation de systèmes extérieurs, reste encore à révéler les ordinateurs et robots capables de parler. Au niveau intérieur, il faut encore équiper les systèmes complexes adaptatifs de la capacité d’auto-développement.
‘« … the behavior-based approach emerged, trying to put the study of artificial intelligence on biological, instead of logical or psychological, grounds. […] Many biological concepts, such as embodiment, adaptation, emergence, ecology, evolution, and self-organisation, proved to be highly relevant for autonomous robots operating in real-time in a highly dynamic environment. However, pushing the behavior-based paradigm in the direction of higher cognition has been more difficult. » (Steels, 2003, p. 1)’Nous pensons que la transition des SCA vers les systèmes cognitifs de haut niveau dépend de l’émergence de représentations internes, dynamiques et auto-organisatrices. En tant que connaissances, les représentations émergentes peuvent, à travers la valeur informationnelle stable et non-réactive, guider la configuration du SCA vers une forme optimale et ainsi la souplesse et précision des transitions des activités cognitives de haut niveau.