2.2.1. Hugues de Saint-Victor

Hugues de Saint-Victor (+1141) est un promoteur du mouvement de « lectio sacra » ou de « lectio divina ». Saint-Victor est une abbaye qui venait d’être fondée près de Paris au début du XIIe siècle, Hugues y lance les nouvelles méthodes exégétiques qui marquent un progrès considérable dans son temps. L’école de Saint-Victor, d’après Roger Baron, « eut le souci d’unir étude et piété, vie active et vie liturgique et contemplative, science et sagesse 183  ».

L’ouvrage d’enseignement d’Hugues, le Didascalicon (ou Art de lire), contient un programme d’étude, une méthode de lecture. Il est considéré comme le texte fondateur de l’école de Saint-Victor qui synthétise les deux dimensions, l’Ecriture sainte et le savoir scientifique (logique, éthique, philosophie, mécanique). Sa méthodologie se fond ainsi sur l’articulation de l’Ecriture et de la science.

Méditer, c’est pour Hugues « se livrer à la réflexion intellectuelle ; c’est aussi nourrir son âme de l’Ecriture : c’est encore vivre en conformité avec la sagesse divine 184  ». Il y a donc une lectio philosophique et une lectio chrétienne. C’est de « lectio divina » qu’il va s’agir. Pour Hugues, il n’y a pas la « piété séparée », mais l’action sanctifiée se joint à la prière.

De ce point de vue, il essaie d’établir le principe de la méditation de l’Ecriture, de la création et des mœurs. Dans De meditatione, nous trouvons la notion générale de la méditation 185 . A propos de l’Ecriture, nous trouvons chez Hugues la trilogie fondamentale : modus, causa, ratio ; ce qu’est la chose, son comment, son pourquoi. Il expose ensuite un triple aspect de la méditation de l’Ecriture : sens littéral, sens allégorique, sens tropologique : historia, allegoria, tropologia.

C’est dans son De verbo Dei que nous avons la référence à l’Apocalypse. Hugues reprend : « La parole de Dieu est plus pénétrante qu’aucun glaive à deux tranchants » (Ap. 20, 12 ; Hb. 4, 12). La parole de Dieu est vivante ; c’est avec force qu’elle agit ; c’est avec acuité qu’elle discerne. En effet, il existe pour Hugues deux modes de parole : d’abord la parole de Dieu à notre adresse ; ensuite, notre parole à l’adresse de Dieu. Mais ces deux modes de parole ont encore deux façons à leur tour. Il continue :

‘C’est de deux façons que la parole de Dieu s’adresse à nous : intérieurement et extérieurement ; intérieurement, par l’aspiration; extérieurement, par la prédication. Par l’inspiration, c’est encore de deux façons : par la nature et par la grâce ; par la nature, quand il inspire à ces êtres créés la connaissance du bien ; par la grâce, quand il suggère à ces êtres rachetés l’amour du bien. – C’est aussi de deux façons que notre parole s’adresse à Dieu : en prenant conseil de la raison ; en rendant nos comptes. Si à présent nous ne voulons pas, de notre plein gré, prendre conseil de la raison pour agir, de toute nécessité, nous rendrons compte de nos actions, comme le dit l’Apocalypse : “les livres furent ouverts, puis un autre livre fut ouvert, celui de la vie. Enfin les morts furent jugés d’après ce qui était écrit dans les livres” 186 . ’

Il s’agit des effets de la parole. Il est à noter qu’il distingue le dedans et le dehors de la parole. Hugues, comme Augustin, se sert de la métaphore de l’œil dans ses De sacramentis et In hierarchiam 187 . L’œil de la chair ne voit que l’extérieur des corps ; l’œil du cœur ne voit que l’extérieur des cœurs ; l’œil de Dieu, tout intérieur, voit l’intérieur comme l’extérieur aussi bien des cœurs que des corps. L’Esprit qui illumine donne de voir et permet de discerner ce qui se cachait.

Notes
183.

Roger BARON, « Introduction », Hugues de Saint-Victor. Six opuscules spirituels. La Méditation. La Parole de Dieu. La réalité de l’Amour. Ce qu’il faut aimer vraiment. Les cinq Septénaires. Les sept Dons de l’Esprit-Saint, (Introduction, Texte critique, traduction et notes par Roger BARON), Sources chrétiennes 155, Paris, Cerf, 1969, p.7.

184.

Ibid.,p.11-12.

185.

Ibid.,p.12.

186.

Hugues de Saint-Victor. Six opuscules spirituels… p.75-76.

187.

Roger BARON, « Introduction », Hugues de Saint-Victor. Six opuscules spirituels… p.21-22.