3.4.2. H. Gunkel et le mythe babylonien

Formé par l’école d’Histoire des religions, Hermann Gunkel (1862-1932) 272 écrit La Bible est une collection de légendes. Sous l’influence de l’archéologie mésopotamienne, il privilégie la période pré-monarchique et valorise la tradition orale. Gunkel est l’un des fondateurs de l’école d’Histoire des formes selon laquelle la forme d’un texte rend compte de la situation de communication et du contexte sociologique dans lequel il est produit.

Gunkel a attiré l’attention des exégètes sur le côté eschatologique qui domine dans l’Apocalypse 273 . Il voit dans l’Apocalypse le mythe du jeune héros Marduk, Dieu de la renaissance printanière qui remporte la victoire sur les forces chaotiques du monstre Tiamat. Pour Gunkel, Ap. 12 n’est pas une imitation de Daniel 7, ce sont deux témoins d’une seule et même tradition babylonienne 274 .

Le dragon est un monstre des eaux sombres : il est ennemi de la lumière comme de la terre. Ce sont les caractéristiques de Tiamat que les traditions babyloniennes représentent comme un serpent à sept têtes. Tiamat est l’ennemi des dieux supérieurs : Anu et Ea qui ne peuvent la vaincre et font appel à Marduk, fils d’Ea. Le dragon abat de sa queue le tiers des étoiles du ciel. C’est un mythe étiologique : les astronomes babyloniens auraient vu dans la voie lactée la trace d’un coup de la queue monstrueuse. La mère du héros est Damkina, nom qui signifie femme de la terre, elle est décrite en des termes qui rappellent de Ap. 12, 1. Le monstre voit échapper Damkina jusqu’à la victoire définitive de Marduk.

En effet, Gunkel voit dans le même cadre Ap. 12 et 19 : c’est au chapitre 19 que le jeune dieu revient, non plus comme enfant mais comme héros prêt à la guerre. Entre Ap. 12 et 19, c’est le temps entre Noël et Pâques. Ces événements préparent la fin des temps où le combat originel recommence.

Dès la parution de la première édition de son Schöpfung und Chaos, Gunkel rencontra des oppositions 275 . Il lui fut reproché d’avoir trop négligé la théorie documentaire : entre le mythe babylonien de Marduk et Tiamat d’une part, et Ap. 12 d’autre part, il existe une certaine ressemblance, mais celle-ci n’excédait pas l’histoire de l’enfant miraculeux ; Gunkel n’a pu que reconstruire arbitrairement un mythe et il a renoncé aux identifications précises, ce qui reviendrait à adapter les traditions eschatologiques aux circonstances historiques.

Notes
272.

Hermann GUNKEL élabore la théorie de Wellhausen qui est systématisé au XIXe siècle par allemand Julius Wellhausen, et selon laquelle chacun des documents reflète une évolution de la foi de ses rédacteurs. Selon la théorie de Wellhausen, on distingue : 1) le document jahviste ; 2) le document élohiste ; 3) le Deutéronome ou 2e loi ; 4) le document sacerdotal.

273.

Th. CALMES, op. cit., p.44.

274.

Nous consulterons P. PRIGENT, Apocalypse 12. Histoire de l’exégèse, … p.122-124.

275.

Th. CALMES, op. cit., p.44 ; P. PRIGENT, Apocalypse 12. Histoire de l’exégèse, … p.123.