D’abord appelée du terme général de « structuralisme », la méthode d’analyse sémiotique revendique Ferdinand de Saussure (1857-1913) comme ancêtre, Algirdas J. Greimas (1917-1992) comme fondateur.
L’originalité de la démarche sémiotique repose sur trois piliers principaux : immanence, différence et générativité. Ces trois principes ont pu donner forme à une pratique de l’analyse des textes bibliques mais ils ont été modifiés par la pratique même de la lecture. La structure du sens s’organise sur trois niveaux différents :
1) Le niveau narratif par l’agencement des états et des transformations dont la séquence constitue les récits.
2) Le niveau discursif par l’agencement des figures dans le discours analysé et par l’effet interprétatif de cet agencement.
3) Le niveau sémiotique (ou logico-sémantique) par l’agencement logique des valeurs sémantiques élémentaires sélectionnées par le jeu des figures et des rôles.
Mis en forme, le contenu du texte est assumé par le niveau discursif que Greimas décomposait en plan syntaxique (ou figuratif) et plan sémantique (ou thématique). Mais dans cette perspective, le figuratif risque toujours d’être réduit au rôle de concrétisation de thèmes ou de valeurs (« Jésus », « salut », « promesse », etc). À partir de cette logique du programme génératif, les « grandeurs figuratives 343 » constituent la composante discursive qui vient prendre en charge, en vue de leur manifestation, les articulations narratives.
L’analyse sémiotique consiste donc à franchir ce niveau figuratif pour comprendre de quelles structures profondes il est la manifestation 344 . C’est l’organisation figurative comme telle qui fait sens dans les paraboles et celle-ci renvoie non pas à un plan sémantique, mais à l’instance énonciative que présuppose cette organisation figurative 345 . La question du discursif apparaît donc indissociable de la question de l’énonciation. C’est dans la ligne de cette problématique que s’est développée particulièrement la réflexion du CADIR à Lyon comme nous le verrons plus tard.
L’avantage de l’analyse sémiotique se trouve dans la rencontre avec la parole vivante de la Bible. La figure de la parole est en quelque sorte vidée de contenu préétabli par élimination des sens convenus attachés au mot et à ses emplois courants. Elle devient un signifiant capable d’atteindre un sujet là où se fait sentir la limite entre ce qu’il peut dire et ce qui est impossible à dire. Elle est parole « autre » en soi. Un autre avantage est qu’elle fournit de ce fait une compétence à un sujet interprète qui devient sujet interprété et d’un être de langage accessible à la parole autre.
La théorie sémiotique peut donner cependant une impression d’être comme les arcanes d’un langage compliqué. C’est peut-être un problème à résoudre pour l’application de la sémiotique à la pratique d’interprétation. D’ailleurs, il existe un piège à éviter pour ceux qui absolutisent la sémiotique au point de tenir pour négliger le fruit de la recherche historique, notamment historico-critique sur le texte.
Jacques GENINASCA, La parole littéraire, Paris, PUF, 1997, p.19-28.
La sémiotique greimassienne consiste à distinguer la manifestation et la signification : « Déterminer les formes multiples de la présence du sens et les modes de son existence, les interpréter comme des instances horizontales et des niveaux verticaux de la signification, décrire les parcours des transpositions et transformations des contenus, ce sont autant de tâches qui, aujourd’hui, ne paraissent plus utopiques. Seule une telle sémiotique des formes pourra apparaître, dans un avenir prévisible, comme le langage permettant de parler du sens. Car justement, la forme sémiotique n’est autre chose que le sens du sens. » Voir A.-J. GREIMAS, Du sens, Seuil, Paris, 1970, p.17.
Sur la lecture sémiotique des paraboles, on peut consulter J. DELORME, Parole-Figure-Parabole, Recherches autour du discours parabolique,(Linguistique et sémiologie), Lyon, PUL, 1987 ; Louis PANIER, « Lecture sémiotique de la parabole des mines – Luc 19, 11-27 », Les Paraboles évangéliques. Perspectives nouvelles,(éd. J. DELORME), Lectio Divina 135, Paris, Les Éditions du Cerf, 1989 ; Louis PANIER, « L’inestimable objet de l’interprétation – Approche sémiotique de la lecture», Sémantique et Rhétorique (éd. M. BALLABRIGA), Champs du signe, Éditions Universitaires du Sud, 1998, p.255-266.