L’extension moderne des recherches psychologique et psychanalytique à l’étude des structures dynamiques de l’inconscient a suscité de nouvelles tentatives d’interprétation de la Bible.
En posant que l’inconscient était structuré comme un langage, Jacques Lacan faisait, par rapport à Sigmund Freud, un pas de côté le conduisant à dire « que l’identification du sujet à un sexe… est quelque chose qui ne se fait que secondairement… et qui résulte de quelque chose de plus radical : que cet être est parlant 346 ». En introduisant cette radicalité de l’être parlant, Lacan peut susciter un transfert décisif et ce qui découle de cette radicalité même, c’est un paradoxe qui est celui par lequel Lacan est conduit à nouer le langage à l’impossibilité de dire. La psychanalyse est donc fondamentalement une pratique de parole 347 .
Si l’enseignement saussurien permet d’élucider une possibilité d’association aléatoire d’un signifié à un signifiant, Lacan parle de « déchaînement du signifiant ». On a alors un arbitraire du signe strictement individuel, strictement subjectif qui n’est donc plus un arbitraire propre au sens saussurien. En ce sens, l’inconscient est de l’histoire non reconnue comme telle par le sujet, mais qui a déjà agi pour que le sujet soit ce qu’il est.
Lacan met donc l’accent sur la division du sujet. Le sujet n’est jamais ce qu’il s’imagine être lui-même ; le Moi est le produit de l’identification primordiale, de l’illusion « Imaginaire » dans le stade du miroir. Le sujet est la partie « Symbolique » et spéculative qui est insensible et inconsciente, mais qui va médiatiser le rapport du sujet au « Réel », en nouant pour le sujet l’imaginaire et le réel. C’est le « nœud borroméen » à 3 ronds ; la propriété borroméenne est liée au fait que la coupure d’un rond libère tous les autres.
Les études de psychologie et de psychanalyse apportent pour l’interprétation biblique un enrichissement. La psychanalyse permet de mieux comprendre le langage symbolique qui exprime des expériences religieuses et n’est pas accessible par le raisonnement. Dans la direction anthropologique, la lecture biblique peut croiser ainsi les chemins de la psychologie ou de la psychanalyse.
Pourtant ces approches s’appuient le plus souvent sur la parole pour mettre en évidence selon ses cheminements propres des traits structurants du psychisme humain 348 . Comme les trois modalités différentes du « nœud borroméen » sont en principe irréconciliables, elles causent une impasse philosophique et un totalitarisme éthique 349 . Même si elles sont utiles à pratiquer pour la lecture des textes, il faut en prendre conscience.
Jacques LACAN, Lettre de l’Ecole freudienne, n°18, p.9.
On peut consulter sur la psychologie et la psychanalyse : Louis ALTHUSSER, Ecrits sur la psychanalyse. Freud et Lacan, Stock / Imec, 1993 ; Joël DOR, Introduction à la lecture de Lacan 1. L’inconscient structuré comme un langage 2. La structure du sujet, Denoël / L’espace analytique, 1985 et 1992 ; Denis VASSE, Le temps du désir. Essai sur le corps et la parole, (Points Essais. 19691, Paris, Seuil, 1997. On peut également consulter sur la lecture psychologique et psychanalytique de la Bible : Françoise DOLTO, L’évangile au risque de la psychanalyse, Paris, jean-pierre delarge, 1977 ; Denis VASSE, Un parmi d’autres, Le champs freudien, Paris, Seuil, 1978.
Anne FORTIN et Anne PENICAUD, « L’énonciation au service du jugement de Salomon », Sémiotique et Bible, n°107, septembre 2002, p.34.
Jean ANSALDI, L’articulation de la foi, de la théologie et des écritures, Paris, Cerf, 1991, p.203.