Comme nous l’avons dit plus haut très brièvement, les études bibliques ont appliqué les principes fondamentaux de la sémiotique : immanence, différence et générativité. Ils ont pu donner forme à une pratique de l’analyse des textes, mais ils ont été modifiés par la pratique même de la lecture.
Il est vrai qu’on avait tendance à prendre la grammaire narrative comme le « moule » où devaient rentrer les textes si bien que le projet de la sémiotique a été malheureusement abandonné. Le récit biblique ne reproduit pas strictement le schéma canonique de la narrativité, mais c’est la connaissance de ce schéma qui a permis de découvrir et de préciser ses particularités :
1) Les sujets sont définis dans une relation intersubjective plus que dans la relation à un objet. La quête tourne court, elle est détournée de son objectif initial qui ne s’en trouve pas pour autant aboli. L’objet finalement acquis (ex. la guérison) devient le signe de la relation établie.
2) L’objet-valeur devient objet énonciatif (ou objet signifiant), c’est-à-dire indissociable de la parole qui les nomme et les installe dans le récit 358 . Si l’objet valeur est un objet narratif qui motive la quête du sujet, l’objet énonciatif ou signifiant est un objet figuratif.
3) La corrélation est constante dans les plans pragmatique et cognitif des récits bibliques. Les transformations pratiques posent le problème de la reconnaissance, de la véridiction et des conditions de l’interprétation. Les évangiles posent constamment la question de la reconnaissance de Jésus et déplacent le pivot du récit. Dans l’Apocalypse, la vision et la parole vont toujours ensemble pour cette fonction de corrélation.
4)Le statut de la véridiction et le problème de l’interprétation peuvent couvrir la totalité d’un ensemble narratif et ne pas se limiter à des procès singuliers. L’événement raconté est pris simultanément dans plusieurs trames narratives, laissant finalement le lecteur au travail.
Les récits bibliques ne se réduisent pas à la structure narrative qui en organise le récit. Lire en sémiotique, c’est donc annoncer que le texte n’est que le texte, qu’il n’est pas le sens, ou que le texte donné à lire n’est pas identifiable immédiatement à son contenu. Une telle perspective oriente la sémiotique vers la lecture, vers la pratique de l’interprétation, et vers les conditions de la construction du texte comme totalité signifiante.
La théorie de la transformation de l’objet-valeur est élaborée dans les recherches de CADIR, notamment par François Martin (« objet signifiant »), et Soon-Ja Park (« objet énonciatif »).