C’est l’organisation figurative comme telle qui fait sens et elle renvoie à l’instance énonciative. La question du discursif apparaît dès lors indissociable de celle de l’énonciation. Elle oriente la recherche vers une sémiotique discursive étudiant la mise en discours des figures, et développant à partir de là une théorie de l’énonciation orientée vers l’acte de lecture 359 .
La structure globale du corpus biblique engage une organisation figurative, une lecture figurative dont on devra suivre les parcours et les reprises à travers le parcours figuratif 360 . Autrement dit, les figures sont dans l’accomplissement. Les reprises et les parcours divers du Premier et du Nouveau Testament supposent le multiple et la quantité qu’elles totalisent. Paul Beauchamp appelle « deutérose » ce phénomène de répétition dans les écritures bibliques 361 . Mais cette totalisation implique une clôture de la Bible dans laquelle l’un et le multiple s’accordent.
La prise en compte de la consistance du niveau figuratif a une valeur pragmatique. La mise en discours des figures s’oppose « S’oppose ». à la prétention du savoir, de la représentation. Ainsi se pose en sémiotique discursive l’énonciation, non pas comme une communication de message, mais comme un acte d’articulation de la langue.
Le discours est un objet sémiotique en tant que totalité cohérente articulée. Lire, c’est construire un discours. La lecture sémiotique actualise à la fois le discours et son sujet. C’est une sémiotique discursive, une sémiotique de l’énonciation conçue comme l’acte qui donne lieu à la cohérence discursive et aux conditions de sa cohérence, telles que Geninasca appelle « figures » ou « grandeurs figuratives 362 ».
Cette figure n’est pas celle de la terminologie de Greimas. Dans la définition de Hjelmslev la figure est une « unité non signe du plan du contenu ou de l’expression », Greimas et Courtés la réduisent dans la notion du figuratif qui oriente la problématique du discours du côté de la représentation et de la référence 363 . Le figuratif y est défini comme « un contenu donné (d’une langue naturelle par exemple) quand celui-ci a un correspondant au niveau de l’expression de la sémiotique naturelle (ou du monde naturel) ». Dans une telle notion restreinte, la figure reste comme un simulacre inscrit dans le discours des unités-signes de la sémiotique du monde naturel.
Les textes bibliques sont à prendre comme des « monuments de la parole ». Ils sont les témoins d’un acte de langage par lequel un sujet de la parole se trouve dans l’articulation du discours. Cela concerne les conditions de production du discours, mais aussi les conditions de la lecture. Il revient en effet au lecteur de construire la cohérence du discours. La Bible affiche sa réalité de texte qu’il s’agit d’entendre comme parole vivante. Nous y reviendrons dans notre dernière partie.
Voir Jacques GENINASCA, La parole littéraire, Paris, PUF, 1997.
Cf. Louis PANIER, « Devenir des figures. Figures en devenir. La théorie des figures dans l’exégèse biblique ancienne », Le Devenir. Actes du colloque « Linguistique et Sémiotique III » tenu à l’université de Limoges les 2-3-4 décembre 1993, (éd. J. FONTANILLE), Pulim, 1995, p.150 ; « La théorie des figures dans l’exégèse biblique ancienne. Résonances sémiotique », Récits et figures dans la Bible. Colloque d’Urbino, (éd. L. PANIER), Lyon, Profac-CADIR, 1999, p.238.
Paul BEAUCHAMP, L’un et l’autre Testament, I. Essai de lecture, Paris, Seuil, 1976, p.150 et 158.
Jacques GENINASCA, La parole littéraire, Paris, PUF, 1997, p.19-28 ; « L’identité intra- et extratextuelle des grandeurs figuratives », Exigence et perspectives de la sémiotique (éd. Parret RUPRECHT), Amsterdam, Benjamins, tome 1, 1985, p.203-214.
Jacques GENINASCA, La parole littéraire, … p.20 ; voir également A. J. GREIMAS, J. COURTÉS, Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1993.