2.2. Organisation de l’Apocalypse

Nous allons enfin proposer l’organisation de l’Apocalypse dont la charnière est Ap. 12. La prise en compte de la corrélation de la vision, de la parole et de l’écriture conduit à organiser le texte selon les critères figuratifs (ou discursifs), les trois dimensions spatiale, temporelle et actorielle du plan figuratif dont l’articulation est une marque de l’énonciation.

Nous avons remarqué plus haut que l’Apocalypse est constitué globalement par la succession de quatre blocs narratifs, les septénaires : 7 lettres, 7 sceaux, 7 trompettes et 7 coupes. Mais nous remarquons spécialement le fait que ces septénaires sont des événements inauguraux autour de l’événement des signes de Ap. 12 et que tous ces événements se déploient globalement en deux espaces, le ciel et la terre. Dans la trame du texte et dans le développement des visions, les analogies et les rappels, les échos et les reprises sont introduits à partir des figures diverses. Il s’agit de l’enchaînement des figures qui vient complexifier l’organisation narrative et pose des questions figurative et discursive.

Voici notre hypothèse de l’organisation de l’Apocalypse :

A. PROLOGUE (1, 1-8) : Le titre et l’adresse de la révélation.

B. ÉVÉNEMENTS INAUGURAUX ANTICIPÉS : 

1) Les lettres à lire aux Églises terrestres (1, 20 - 3, 22) : Chaque lettre suscite l’écoute en se finissant par le refrain : « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises ».

2) Les sceaux à ouvrir (4, 1 - 7, 17) et les trompettes à entendre (8, 1 – 11, 19) dans le ciel : À l’ouverture du septième sceau, un silence d’environ une demi-heure dans le ciel, et il apparaît les sept anges qui se tiennent devant Dieu et qui sonnent les trompettes.

C. ÉVÉNEMENTS D’AFFRONTEMENT ET DE GUERRE (12, 1-18) :

1) Une guerre céleste (12, 1-12) : L’apparition des deux signes, la Femme et le Dragon qui se sont affrontés dans le ciel où le Dragon fait la guerre avec le Mikaël. Le salut et la victoire sont proclamés par une voix dans le ciel.

2) Une guerre terrestre (12, 13-18) : Ce ne sont plus les signes, mais les figures qui sont dans cette guerre.

D. ÉVENEMENTS SYNTHÉTIQUES (13, 1 - 20, 15) :

1) L’apparition des deux Bêtes de la terre et de la mer (13, 1-18).

2) Le jugement à partir de l’apparition d’un autre signe dans le ciel :

- les sept anges tenant les sept coupes de la colère de Dieu (15, 1 - 20, 2) : le jugement de la Prostituée, de Babylone et de Satan ;

- le règne du Christ pendant mille ans (20, 3-15).

3) L’apparition de l’Agneau debout sur la montagne de Sion comme le troisième lieu (14, 1 -20) ; la noce de l’Agneau (Ap. 19 et 21) ; la création du monde nouveau (21, 1 - 22, 5).

E. ÉPILOGUE (22, 6-21) : La clôture de la révélation.

Comme nous l’avons insisté plus haut, les structures de l’Apocalypse sont organisées globalement dans les deux espaces : le ciel et la terre. C’est Ap. 12 qui représente une focalisation de ces deux espaces parmi lesquelles le ciel est proclamé comme lieu du salut et de la victoire et la terre est définie seulement comme lieu de la guerre. Il s’agit d’une part de la transformation dans la séquence narrative, d’autre part de l’inscription de la séquence discursive. Dans l’ensemble de l’Apocalypse, nous trouvons toujours une telle organisation des espaces et un tel phénomène de dédoublement.

Il y a donc non seulement la correspondance, mais la rupture, l’écart qui permet de reconnaître la transformation dans les séquences, une ponctuation dont il est question d’interpréter l’effet et de mesurer la valeur thématique d’une figure. Pour préciser l’organisation discursive ou figurative, il conviendra de suivre comment les figures s’enchaînent dans le texte de l’Apocalypse. Ces enchaînements constituent alors les parcours figuratifs sur l’ensemble du texte.

Fruit de la corrélation de la vision, de la parole et de l’écriture, le texte de l’Apocalypse s’organise en principe au croisement des deux plans (narratif et discursif) qui ne sont pas superposables. En repérant les ruptures, les écarts, nous prendrons conscience des effets de sens qu’ils produisent pour la lecture. C’est ce qu’on appelle la « dimension énonciative de l’analyse discursive », elle nous oriente vers la question du sujet de l’énonciation. Comme nous l’avons annoncé plus haut, nous choisirons à aborder cette question à partir de l’analyse de Ap. 12 et du parcours des figures féminines dans l’ensemble de l’Apocalypse.