Dans Ap. 12, la Femme apparaît comme un signe du ciel, mais disparaît dans le discours ; la Femme vient comme pour marquer la séparation entre la séquence narrative et la séquence discursive, et ainsi elle constitue une marque. D’ailleurs, elle est en état de déplacement : elle s’enfuit vers le désert, le troisième lieu qui est défini comme le sien. Une telle figure de la Femme pose la question sur son identité et sa fonction dans le récit.
L’Apocalypse représente en effet quatre types de la Femme, « » en grec : Jézabel de Ap. 2, la Femme de Ap. 12, la Femme de Ap. 17 et la Femme (ou l’Épouse) de l’Agneau de Ap. 19 et 21-22. Les autres Femmes n’ont pas le même statut sémiotique que celui de la Femme de Ap. 12. Il ne s’agit pas d’un parcours de la Femme comme un type général, mais du parcours des acteurs féminins qui ont en commun d’abord ce qualificatif de « », mais justement peut-être au carrefour de plusieurs parcours figuratifs et de plusieurs rôles thématiques. Toutes ces figures féminines construisent un parcours figuratif, avec un progrès dans le déroulement du discours (syntagme et paradigme des différentes figures de la Femme).
Voici les figures féminines qui apparaissent sous tels types divers dans l’Apocalypse 430 :
‘ 2, 18-29 : 18 À l’ange de l’Église qui est à Thyatire, écris : Ainsi parle le fils de Dieu, celui dont les yeux sont comme une flamme ardente et les pieds semblables à du bronze précieux : 19 Je sais tes œuvres, ton amour, ta foi, ton service et ta persévérance ; tes dernières œuvres dépassent en nombre les premières. ’ ‘ 20 Mais j’ai contre toi que tu tolères Jézabel, cette Femme qui se dit prophétesse et qui égare mes serviteurs, leur enseignant à se prostituer et à manger des viandes sacrifiées aux idoles. 21 Je lui ai laissé du temps pour se repentir, mais elle ne veut pas se repentir de sa prostitution. 22 Voici, je la jette sur un lit d’amère détresse, ainsi que ses compagnons d’adultère, à moins qu’ils ne se repentent de ses œuvres. 23 Ses enfants, je les frapperai de mort ; et toutes les Eglises sauront que je suis celui qui scrute les reins et les cœurs, et à chacun de vous je rendrai selon ses œuvres. ’ ‘ 24 Mais je vous le déclare à vous qui, à Thyatire, restez sans partager cette doctrine et sans avoir sondé leurs prétendues « profondeurs » de Satan, je ne vous impose pas d’autre fardeau. 25 Seulement, ce que vous possédez, tenez-le ferme jusqu’à ce que je vienne. 26 Le vainqueur, celui qui garde jusqu’à la fin mes œuvres, je lui donnerai pouvoir sur les nations, 27 et il les mènera paître avec un sceptre de fer, comme on brise les vases d’argile, 28 de même que moi aussi j’en ai reçu pouvoir de mon Père, et je lui donnerai l’étoile du matin. 29 Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises.’ ‘ 12, 1-17 : 1 Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, vêtue du soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. 2 Elle était enceinte et criait dans le travail et les douleurs de l’enfantement … 4Le Dragon se posta devant la Femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. 5 Elle mit au monde un fils, un enfant mâle ; c’est lui qui doit mener paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé auprès de Dieu et de son trône. 6 Alors la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a fait préparer une place, pour qu’elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours … ; ’ ‘ 13 Quand le Dragon se vit précipité sur la terre, il se lança à la poursuite de la Femme qui avait mis au monde l’enfant mâle ; 14 Mais les deux ailes du grand aigle furent données à la Femme pour qu’elle s’envole au désert, au lieu qui lui est réservé pour y être nourrie, loin du serpent, un temps, des temps et la moitié d’un temps. 15Alors le serpent vomit comme un fleuve d’eau derrière la Femme pour la faire emporter par les flots. 16 Mais la terre vint au secours de la Femme… 17 Dans sa fureur contre la Femme, le Dragon porta le combat contre le reste de sa descendance, ceux qui observent les commandements de Dieu et gardent le témoignage de Jésus ... ’ ‘ 17, 1-18 : 1 Et vint un des sept anges qui avaient les sept coupes, et il parla avec moi, disant : « Ici! Que je te montre le jugement de la grande Prostituée qui est assise sur les grandes eaux, 2 avec laquelle se sont prostitués les rois de la terre, et les habitants de la terre se sont enivrés du vin de sa prostitution. » ; ’ ‘ 3 Et il m’emporta en esprit au désert. Et je vis une Femme assise sur une bête écarlate, pleine de noms blasphématoires, ayant sept têtes et dix cornes ; 4 La Femme, était ayant été drapée de pourpre, et d’écarlate, et ayant été dorée d’or, et de pierre précieuse, et de perles, ayant une coupe en or dans la main d’elle pleine d’abominations, et les impuretés de la prostitution d’elle, 5 et sur le front d’elle un nom ayant été écrit un mystère, Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre ; 6 Et je vis la Femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. Et, en la voyant, je m’étonnai d’un grand étonnement ; ’ ‘ 7 Et l’ange me dit : « Pourquoi t’étonner? Moi je dirai à toi le mystère de la Femme et de la bête la portant elle, l’ayant les sept têtes et les dix cornes ; 8 La bête que tu as vue était, et elle n’est plus; et elle va monter de l’Abîme et aller à sa perte. Et ceux qui habitent sur la terre, et dont le nom ne se trouve pas écrit, depuis la fondation du monde, sur le Livre de vie, s’étonneront, en voyant la Bête, de ce qu’elle était, et qu’elle n’est plus, et qu’elle reparaîtra. 9 Ici est l’intelligence de la sagesse : les sept têtes sont les sept montagnes sur lesquelles la Femme est assise. Ce sont aussi sept rois ; 10 cinq sont tombés, l’un existe, l’autre n’est pas encore venu, et quand il viendra, il doit demeurer peu. 11 Et la Bête qui était et n’est plus est elle-même un huitième roi ; et elle est des sept, et elle va à sa perte. 12 Et les dix cornes que tu as vues sont dix rois qui n’ont pas encore reçu la royauté, mais qui reçoivent pouvoir comme rois, pour une heure, avec la Bête? 13 Ceux-là n’ont qu’un dessein, et ils donnent leur puissance et leur pouvoir à la Bête. 14 Ceux-là feront la guerre à l’Agneau, et l’Agneau les vaincra, parce qu’il est Seigneur des seigneurs et Roi des rois, et ils vaincront, ceux qui sont avec lui, appelés, et élus, et fidèles» ’ ‘ 15 Et il me dit : « les eaux que tu as vues, où la Prostituée est assise, ce sont des peuples, et des foules, et des nations et des langues. 16 Et les dix cornes que tu as vues et la Bête haïront la Prostituée, et ils la rendront déserte et nue, et ils mangeront ses chairs et la consumeront par le feu. 17 Car Dieu leur a mis au coeur d’exécuter son dessein, d’exécuter un seul dessein et de donner leur royauté à la Bête, jusqu’à ce que soient achevées les paroles de Dieu. 18 Et la Femme que tu as vue est la grande cité qui domine les rois de la terre » ;’ ‘ 19, 1-10 : 1 Ensuite j’entendit comme la grande voix d’une foule immense qui, dans le ciel, disait : « Allélua! Le salut, la gloire et la puissance sont à notre Dieu. 2 Car ses jugements sont pleins de vérité et de justice. Il a jugé la grande Prostituée qui corrompait la terre de sa prostitution, et il a vengé sur elle le sang de ses serviteurs. » 3 Et de nouveau ils dirent : «Alléluia! Et sa fumée s’élève aux siècles des siècles. 4 Les vingt-quatre anciens et les quatre animaux se prosternèrent, ils adorèrent le Dieu qui siège sur le trône et dirent : Amen, Alléluia! »’ ‘ 5 Alors sortit du trône une voix qui disait : « Louez notre Dieu, vous tous ses serviteurs, vous qui le craignez, petits et grands! » 6 Et j’entendis comme une voix de foule nombreuse, et comme une voix de grandes eaux, et comme une voix de puissants tonnerres qui disaient : « Alleluia! Car il est entré dans son règne, le Seigneur notre Dieu, le Tout-Puissant. 7Réjouissons-nous et exultons et donnons la gloire à lui, car est venue la noce de l’Agneau, et la Femme de lui s’est préparée ; 8 et il a été donné à elle pour qu’elle soit drapée de lin fin brillant pur » ; en effet le lin, ce sont les œuvres justes des saints. ’ ‘ 9 Un ange me dit : « Écris : Heureux ceux qui sont invités au repas des noces de l’Agneau ». Puis il me dit : « Ce sont les paroles mêmes de Dieu. » Alors je me prosternai à ses pieds pour l’adorer, mais il me dit : « Garde-toi de le faire! Je suis un compagnon de service, pour toi et pour tes frères qui gardent le témoignage de Jésus. »’ ‘ 21, 1-27 : 1 Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu et la mer n’est plus. 2 Et la cité sainte, la nouvelle Jérusalem, je la vis qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, comme une Épouse qui s’est parée pour son époux. 3 Et j’entendit, venant du trône, une voix forte qui disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux. 4 Il essuiera toute larme de leurs yeux, la mort ne sera plus. Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien a diparu. » ...’ ‘ 9 Alors l’un des sept anges qui tenaient les sept coupes pleines des sept derniers plaies, et il vient m’adresser la parole et me dit : « Viens, je montrerai la fiancée, l’Épouse de l’Agneau.» 10 Il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu. 11 Elle brillait de la gloire même de Dieu. Son éclat rappelait une pierre précieuse, comme une pierre d’un jaspe cristallin. 12 Elle avait d’épais et hauts remparts. Elle avait douze portes et, aux portes, douze anges et des noms inscrits : les noms des douze tribus de fils d’Israël. 13 À l’orient trois portes, au nord trois portes, au midi trois portes et à l’occident trois portes. 14 Les remparts de la cité avaient douze assieses, et sur elles les douze noms des douze apôtres de l’Agneau. 15 Celui qui me parlait tenait une mesure, un roseau d’or, pour mesurer la cité, ses portes et ses remparts. 16 La cité était carrée : sa longueur égalait sa largeur. Il la mesura au roseau, elle comptait douze mille stades : la longueur, la largeur et la hauteur en étaient égales. 17 Il mesura les remparts, ils comptaient cent quarante-quatre coudées, mesure humaine que l’ange utilisait. 18 Les matériaux de ses remparts étaient de jaspe, et la cité était d’un or pur semblable au pur cristal. 19 Les assises des remparts de la cité s’ornaient de pierres précieuses de toute sorte. La première assise était de jaspe, la deuxième de saphir, la troisième de chalcédoine, la quatrième d’émeraude, 20 la cinquième de sardoine, la sixième de cornaline, la septième de chrysolithe, la huitième de béryl, la neuvième de topaze, la dixième de chrysoprase, la onzième d’hyacinthe, la douxième d’améthyste. 21 Les douze portes étaient douze perles. Chacune des portes était d’une seule perle. Et la place de la cité était d’une seule perle. Et la place de la cité était d’or pur comme un cristal limpide. 22 Mais de temple, je n’en vis point dans la cité, car son temple, c’est le Seigneur, le Dieu Tout-Puissant ainsi que l’Agneau. 23 La cité n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine, et son flambeau, c’est l’Agneau. 24 Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terrre y apporteront leur gloire. 25Ses portes ne se fermeront pas au long des jours, car, en ce lieu, il n’y aura plus de nuit. 25 On y apportera la gloire et l’honneur des nations. 27 Il n’y entrera nulle souillure, ni personne qui pratique abomination et mensonge, mais ceux-là seuls qui sont inscrits dans le livre devie de l’Agneau.’ ‘ 22, 1-5 : 1 Puis il me montra un fleuve d’eau vive, brillant comme du crystal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l’Agneau. 2 Au milieu de la place de la cité et des deux bras du fleuve, est un arbre de vie produisant douze récoltes. Chaque mois il donne son fruit, et son feuillage sert à la guérison des nations. 3 Il n’y aura plus de malédiction. Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la cité, et ses serviteurs lui rendront un culte, 4 ils verront son visage et son nom sera sur leurs fronts. 5 Il n’y aura plus de nuit, nul n’aura besoin de la lumière du flambeau ni de la lumière du soleil, car le Seigneur Dieu répandra sur eux sa lumière, et ils régneront aux siècles des siècles.’Dans l’Apocalypse, il y a ainsi plusieurs figures féminines qui se développent avec divers statuts et qui construisent un parcours figuratif : mère, fausse prophétesse, prostituée, cité sainte, fiancée, etc. Le qualitatif « » réunit ces figures actorielles qui ne sont pas identifiables l’une à l’autre. Ce n’est pas simple de préciser leur identité et leur fonction dans le texte.
Il ne sera pas inutile ici de regarder rapidement leurs caractéristiques propres avant de les observer plus à fond.
D’abord, la figure de Jézabel, la femme cruelle du roi Achab (cf. 1R. 21), est inscrite dans la lettre envoyée à l’Église de Thyatire (2, 18-29). Le Fils de Dieu dont les yeux sont comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables à du bronze ; c’est une annonce de l’expulsion de cette Femme, fausse prophétesse, qui égare ses serviteurs en leur enseignant à se prostituer et à manger des viandes sacrifiées aux idoles. Dans son parcours figuratif, il y a l’opposition entre l’idolâtrie sous la métaphore de l’adultère et la filiation qui se manifeste dans la relation avec « mon Père ».
La Femme de Ap. 12 apparaît comme un signe du ciel dans la vision : elle est enceinte et affrontée aux menaces du Dragon, qui est un autre signe du ciel ; après l’enfantement, elle prend la fuite vers le désert où elle est nourrie. Elle est marquée par sa non-compatibilité avec le Dragon et par sa demeure sous la providence de Dieu. À son lieu de fuite, il y a « ils », acteurs non déterminés qui la nourrissent (« »).
D’autre part, la Femme de Ap. 17 apparaît aussi dans la vision, mais comme elle est une figure inversée de la Femme de Ap. 12 : si la première a pour fonction de l’engendrement dans le ciel, la deuxième a celle du désengendrement sur les eaux ; si la première est protégée par Dieu au désert, la deuxième est associée à la Bête au désert. La vision de la Femme de Ap. 17 provoque « l’étonnement », qui est repris dans la parole. Il faudrait voir quel rapport est établi dans le texte à partir d’un tel composant thymique.
Enfin, c’est une grande voix venant du ciel qui annonce les noces de l’Agneau et la préparation de la Femme de l’Agneau, celle qui est identifiée dans la vision à la nouvelle Jérusalem descendant du ciel (Ap. 19 et 21). Si la Femme de Ap. 17 est marquée d’impuretés et d’association à la Bête, cette Femme est marquée de pureté et s’est préparée pour les noces de l’Agneau. Elle apparaît comme une place ultime où l’énonciateur touche directement le lecteur énonciataire. Il y a donc les proclamations de la Béatitude : « Écris : Heureux ceux qui ont été invités au repas des noces de l’Agneau » (19, 9) ; « Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie, et d’entrer, par les portes, dans la cité » (22, 14).
Nous allons observer maintenant le parcours figuratif sur lequel s’inscrivent ces figures féminines. Nous pouvons présupposer qu’elles serons complétées et interprétées l’une par l’autre. Il est intéressant de voir finalement comment s’élaborent la fonction référentielle, la sémantisation et la désémantisation de ces figures féminines au long du parcours discursif.
Traduction extraite de : Nouveau Testament interlinéaire grec/français, avec, en regard, le texte de la Traduction œcuménique de la Bible et de la Bible « en français courant » par Maurice CARREZ, avec la collaboration de Georges METZGER et Laurent GALY, Alliance biblique universelle, 1993. Cette traduction se recommande par un grand respect de l’ordre des mots grecs et le fait qu’un même mot grec est toujours rendu par le même mot français.