2.1.2. Jézabel, objet de l’expulsion

Jézabel apparaît comme une « Femme » qui est fausse prophétesse et prostituée : « Jézabel, cette Femme qui se dit prophétesse et qui égare mes serviteurs, leur enseignant à se prostituer et à manger des viandes sacrifiées aux idoles. Je lui ai laissé du temps pour se repentir, mais elle ne veut pas se repentir de sa prostitution » (2, 20-21). Elle est d’abord une mère dont l’engendrement n’est pas du principe de filiation de sorte que « ses enfants seront frappés de mort » (2, 23), puis son enseignement de la production des œuvres est certainement faux puisqu’elle est fausse prophétesse.

La lettre articule ainsi deux parcours de Jézabel, celui d’une mère d’adultère et celui d’une fausse prophétesse. C’est l’articulation figurative de l’idolâtrie et du mensonge. Si la filiation est déterminé par le discernement et la fidélité, alors que l’idolâtrie est définie par le mensonge. Dans ce sens, la figure de Jézabel, la femme païenne du roi Achab, est déjà significative. Cette figure de Jézabel rejoint la Femme prostituée de Ap. 17.

De même, nous retrouvons chez Jézabel le même itinéraire que celui du Dragon de Ap. 12 : elle est jetée ; si le Dragon est jeté sur la terre, Jézabel est jetée sur un lit : « Voici, je la jette sur un lit d’amère détresse, ainsi que ses compagnons d’adultère, à moins qu’ils ne se repentent de ses œuvres » (2, 22). Jézabel est jetée sur son lieu, « un lit » qui signifierait le lieu de prostitution mais cette fois-ci c’est précisément « un lit d’amère détresse » qui correspond à la terre et qui est définie comme lieu du malheur. La cause de l’expulsion de Jézabel n’est pas seulement sa prostitution, mais son manque de repentir de ses œuvres.

Par rapport à Jézabel, Satan se situe en arrière-fond, dans les profondeurs. La figure de Satan et son parcours figuratif dans cette lettre sont manifestés comme d’autres points de vue de Jézabel. Si Jézabel est une figure visible avec ses compagnons d’adultère, Satan se cache comme une figure invisible. On pourrait dire qu’ils sont associés comme le recto et le verso.

Le Fils de Dieu insiste fortement à se détacher de cette fausse doctrine: « je vous déclare à vous qui, à Thyatire, restez sans partager cette doctrine et sans avoir sondé leurs prétendues profondeurs de Satan, je ne vous impose pas d’autre fardeau. Seulement, ce que vous possédez, tenez-le ferme jusqu’à ce que je vienne » (2, 24).

Le détachement de la fausse doctrine ne serait pas autre chose que la fidélité au principe de filiation Père-Fils. C’est l’appel à l’attente du temps de la victoire. Ce qui est intéressant, c’est la convocation des figures de la victoire et du roi pasteur : « Le vainqueur, celui qui garde jusqu’à la fin mes œuvres, je lui donnerai pouvoir sur les nations, et il les mènera paître avec un sceptre de fer, comme on brise les vases d’argile, de même que moi aussi j’en ai reçu pourvoir de mon Père, et je lui donnerai l’étoile du matin » (2, 26-28).

Si l’expulsion de Jézabel relève d’un jugement du Fils de Dieu, la victoire, qui renvoie à celle de Ap. 12 est du côté de l’homme. Par ailleurs la figure du vainqueur, qui recevra le pouvoir de paître les nations avec un sceptre de fer, renvoie à celle de l’enfant de Ap. 12. C’est-à-dire le vainqueur deviendra le roi pasteur comme cet enfant, mais cette fois-ci plus que cela : comme le Fils de Dieu. Autrement dit, le vainqueur sera fils de Dieu. Il s’agit de la loi de filiation que le destinateur impose comme seul fardeau.

Notre conclusion hypothétique : 1) la lettre à l’Église de Thyatire est une anticipation non seulement de Ap. 12 mais de Ap. 17 ; 2) Jézabel est une figure de la Femme inversée de celle de l’Épouse de l’Agneau.