2.2.2. Du signe à la figure

C’est l’opération de la fuite par laquelle la Femme trouve son lieu de refuge (12, 6). Elle a une passivité absolue de son propre statut actantiel auprès de Dieu ainsi que la non-compatibilité absolue avec le Dragon. Elle prend cependant l’initiative de son déplacement : elle s’enfuit vers le désert, où un lieu est préparé pour elle par Dieu et où elle est nourrie pendant un temps limité. Nous reverrons une même activité dans la figure de l’Épouse de l’Agneau.

Dans sa première fuite vers le désert, la Femme n’est plus un signe dans le ciel : elle n’a plus de fonction d’enfanter, elle n’est entourée ni du soleil, ni de la lune, ni des étoiles. Elle est en train de s’enfuir. C’est une perte du sens en elle de sorte qu’elle devient un non-signe, une figure qui désigne la singularité d’un sujet dans le parcours figuratif. Autrement dit, la Femme est en transformation : elle change son statut du signe à la figure, d’une mère à une réfugiée. Le récit va articuler ces deux parcours en 12, 13-18, où l’articulation organise la corrélation spatio-temporelle spécifique : ciel vs terre (désert), temps d’origine vs temps de la génération.

Or dans le désert qui est un lieu de la providence divine, elle n’est pas de l’ordre du « faire », mais de l’« être » : il n’y a pour elle ni le pouvoir-faire ni le devoir-faire, mais le devoir-être auprès de Dieu. Elle ne peut survivre qu’auprès de Dieu. Dans l’ordre de l’« être », il y a toujours le rappel à Dieu, qui est sa seule source de vie. Ces modalités ne touchent pas à la prescription mais à l’émergence des valeurs et à la question de l’identité et de sa manifestation. Quant à l’ordre du « faire », il y a toujours des tiers qui viennent aider la Femme : « ils » (12, 6), « Mikaël et ses anges » (12, 7), « les deux ailes du grand aigle » (12, 14). Ces tiers n’appartiennent pas à la terre, mais au ciel qui est le lieu de victoire.