BILAN

Dans ce chapitre, nous avons étudié spécialement la figure de la Femme dans son devenir. Notre étude est donc consacrée à observer son parcours figuratif à partir des formes diverses dans le texte de l’Apocalypse.

A. À quoi sert-il, le parcours figuratif ?

Dans le parcours figuratif de la Femme, il y a mère, réfugiée, prostituée, fausse prophétesse, fiancée et cité sainte. La Femme réunit ainsi des statuts différents qui ne sont pas identifiables l’un à l’autre, mais qui se complètent et se croisent pour l’organisation du texte. La Femme est dans la transformation. En d’autres termes, elle est en devenir vers l’accomplissement des figures : au long du parcours s’élaborent la fonction référentielle, la sémantisation et la désémantisation de la figure de la Femme.

Dans ce chapitre comme dans le précédent, nous avons pu remarquer l’articulation figurative au plan narratif, mais aussi l’écart figuratif, c’est-à-dire, l’autre instance d’énonciation au plan discursif. C’est l’écart figuratif qui nous permet de chercher l’ÊTRE au-delà du PARAÎTRE. Le signifiant perturbe l’ordre du signe et introduit celui du non-sens. On passe alors du signe à la figure, du figuratif au figural, du visible au visuel. Si la sémiotique du signe a comme but la réalisation d’une représentation du monde naturel, la sémiotique du discours est à l’œuvre en vue d’un autre monde : réel. L’organisation du texte se déploie dans les rapports entre vision et discours, signification et énonciation. Il s’agit de la question du corps où s’articulent la manifestation et les structures de l’immanence du texte. Il s’agit de l’horizon d’attente qui nous appelle à poursuivre notre aventure au-delà du savoir.

La pratique de lecture engage donc le parcours figuratif où il y a une opération de sémiosis, un modèle de structures de plans de l’immanence et un processus de relations intersubjectives conditionnées par la structure d’une interprétation. Nous retrouvons alors sous les figures les données du savoir encyclopédique sur le monde : dans le discours, « le lin pur » est identifié aux « œuvres justes des saints » pour les noces de l’Agneau.

Nous passons ainsi de la rationalité pratique (le monde naturel décrit par le lin) à la rationalité figurative (le monde réel qui est supposé par les œuvres justes). Mais, comme il s’agit d’un parcours figuratif, il est alors question d’une opération nécessaire à un accomplissement 450 . Se revêtir par le lin, c’est permettre l’établissement d’une totalité signifiante du texte.

À l’horizon de l’Apocalypse, l’accomplissement est une recréation. Comme « le lin pur » et « des œuvres justes des saints » sont configurés, la préparation du vêtement et l’écoute de la parole sont en lien pour la Béatitude : « Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie, et d’entrer, par les portes, dans la cité » (22, 14). L’épisode du lin et des œuvres justes introduit ainsi dans le discours global une rationalité figurative et un recours à l’énonciation.

S’il est vrai que les signes et figures se prêtent à des saisies multiples en raison de la totalité signifiante, la question se pose de savoir comment garantir la lecture figurative des textes figuratifs. Dans l’Apocalypse, les éléments d’analyse sémiotique de la figure de la Femme montrent comment le texte introduit dans les prises de paroles des configurations discursives, jusqu’on passe d’un monde naturel à un monde réel. Le jeu d’énonciation sert à la construction d’un parcours figuratif et la mise en œuvre d’une rationalité figurative. Et celle-ci construit des enchaînements figuratifs qui conditionnent l’apparition du sens (de la forme du sens) et renvoient à la mise en œuvre de la langue dans le discours.

Notes
450.

À propos de cette question, voir L. PANIER, « Discours et figures dans le récit : Dispositifs paraboliques et énonciatifs dans des séquences narratives »… p.27-30.