Si notre lecture et interprétation font appel à la parole et à l’agir, elles peuvent servir la « Lectio Divina ». Celle-ci n’est pas seulement une tradition qui remonte jusqu’au temps primitif de l’Église et marque un temps florissant au Moyen Age, mais le grand mouvement qui renouvelle aujourd’hui la spiritualité chrétienne en Corée du sud.
Quant au catholicisme, le cas de la Corée est unique dans l'histoire, car l'Église catholique y est née spontanément. Ce sont les savants Coréens qui ont recherché la foi à travers leur lecture intellectuelle des livres écrits en chinois. Une fois née par le baptême d’un Coréen (Yi Sung-hun Pierre) en 1784, l’Église coréenne connut bien vite des persécutions sanglantes 532 . La foi était vivante et courageuse pour résister, elle a continué à se développer. Les Chrétiens ont pratiqué la parole (prendre, goûter et dévorer), alors leur vie est devenue comme une vie incarnée de la parole 533 .
Ce n’est pas par hasard que nous trouvons ici une ressemblance entre la vie de ces martyrs et la méthodologie de la Lectio Divina chez Guigues II. Celui-ci décrit plus concrètement l’acte de lecture : « mastiquer, ruminer, faire pénétrer au cœur, en assimiler ce qu’on lit ». C’est l’itinéraire de la parole ! L’Apocalypse lui-même énonce les effets d’un passage de la parole dans le corps : « Prends, dévore-le… Il remplira ton ventre d’amertume, mais dans ta bouche il sera doux comme du miel… Il te faut de nouveau prophétiser sur des peuples, et des nations, et des langues et des rois en grand nombre. » (Ap. 10, 9-11).
Il est étonnant que la valeur et les effets de la parole soient toujours vivants dans la vie humaine à travers des temps et des lieux. Pourquoi la puissance de la parole est si forte et si pénétrante jusqu’à risquer la vie ? Pourquoi elle est douce et amertume ? C’est peut-être à cause de ce mystère contradictoire qu’on cherche la parole aujourd’hui comme hier. Certains tentent d’expliquer ce mystère à partir de l’affirmation traditionnelle que la Bible est divinement inspirée 534 . D’autres y voient le désir profond de la vie intérieure de la personne 535 . S’il en est ainsi, c’est parce que la lecture attentive de la parole biblique est tellement importante pour la vie intérieure ou spirituelle.
Dans le phénomène enthousiaste de la lecture biblique en Corée du sud, nous voyons aussi le grand désir profond de la parole. La Lectio Divina est l’une des méthodes recherchées pour répondre à un tel désir. Comme l’a systématisé l’échelle de Guigues II, elle se construit généralement en quatre étapes : la lecture, la méditation, la prière et la contemplation. Il est certain que la lecture n’est pas ici restreinte à la simple lecture, mais elle comprend l’itinéraire de la parole dans le lecteur humain. C’est pourquoi, ces quatre étapes ne sont pas séparables, mais elles se mélangent parfois et enfin s’articulent.
C’est là que nous proposons la lecture sémiotique pour mieux servir la lecture, parce que la sémiotique est justement au service de la lecture attentive de la parole, de l’écoute de la parole. La lecture sémiotique pourra recouvrir non seulement l’étape de la lecture, mais jusqu’à celle de la méditation. La réflexion sur la parole, accueillie dans un cœur respectueux et reconnaissant, va constituer le cœur de la prière. L’énonciation de l’Apocalypse s’énonce : « L’Esprit et l’épouse disent : Viens ! Que celui qui entend dise : Viens ! Que celui qui a soif vienne, Que celui qui le veut reçoive de l’eau vive, gratuitement » (22, 17).
Parmi nombreux martyrs, les 103 saints martyrs sont canonisés par Jean Paul II en 1984, à Séoul.
Jin-So KIM, « La vie des Chrétiens de l’Église primitive en Corée », Bulletin Apostolat Biblique – Commission Biblique Épiscopale de Corée, n°7 et n°8, 1998 ; Hye-Jeong LEE, « Copier dans le christianisme, le confucianisme et le bouddhisme », ibid., n°10, 1999.
Paul-Gerhard MÛLER, « Die Inspiration der Bibel », Einführung in praktische Bibelarbeit, (Stuttgart Kleiner Kommentar : NT 20, Stuttgart, 1990), traduit en coréen par Young-Nam KIM, Bulletin Commission Biblique, n°13, 2001.
Joseph-Marie VERLINDE, Initiation à la Lectio Divina, Parole et Silence, 2002, p.15.