I. L’équation du fluvio-maritime et avantages de coûts.

Le fluvio-maritime n’est intéressant que s’il offre un coût de transport inférieur à celui des logistiques concurrentes. Nous cherchons à déterminer le degré de compétitivité du fluvio-maritime. La solution fluvio-maritime peut être comparée à deux grands types de logistiques : des acheminements purement terrestres (routiers ou ferroviaires : Lyon – Barcelone) ou une chaîne de transport associant un maillon terrestre (routier, ferroviaire ou fluvial) et un maillon maritime après rupture de charge. Confronté à des solutions de transports purement terrestres, le fluvio-maritime n’est pas toujours le mode d’acheminement le plus concurrentiel (lenteur, coûts…).

La pertinence du fluvio-maritime s’accroît lorsqu’il est mis en concurrence avec une alternative intégrant une rupture de charge. La suppression de la rupture de charge constitue le principal attrait du fluvio-maritime. C’est pourquoi, nous retiendrons dans notre comparaison des chaînes de transports composées d’un maillon terrestre, d’une rupture de charge et d’un maillon maritime. Le Port Autonome de Marseille est dans notre analyse le port de transbordement. C’est-à-dire le port dans lequel la marchandise change de mode de transport (du terrestre vers le maritime et vice-versa). En conséquence, le fluvio-maritime pourra être confronté à des chaînes de transport du type :

  • « Route + maritime ».
  • « Fer + maritime ».
  • « Fleuve + maritime ».

Détailler les coûts d’exploitation du maillon ferroviaire n’est pas un exercice facile. Le manque d’éléments de la part des chemins de fer français ne nous permet pas d’analyser correctement les coûts de ce segment. Toutefois, nous savons que des trois modes terrestres la route est le plus coûteux, le fleuve le moins cher et le fer se positionne entre les deux. La comparaison des coûts routiers et fluviaux nous donnera un aperçu de la position relative du ferroviaire.

Les coûts du segment routier sont facilement quantifiables. Le CNR14 (Comité National Routier) publie chaque trimestre des coûts de référence moyens par spécialités (remorque porte-voiture, semi-remorque porte-conteneurs, semi-remorque benne céréalière…). Ces coûts reposent sur l'observation des conditions d'exploitation et des composantes de coûts d’un panel d'entreprises routières. À partir des données du CNR, nous sommes en mesure d’estimer le coût du transport routier entre le bassin Rhône-Saône et les installations du Port Autonome de Marseille (PAM), plus précisément les bassins Ouest (Fos sur Mer). Nous comparons les coûts du transport fluvial et routier pour les liaisons : Chalon-Fos, Lyon-Fos et Arles-Fos. Ces éléments sont repris dans le tableau suivant.

Tableau 5 : Coût de transport selon le type d’acheminement retenu, coût en euros par tonne.
Tableau 5 : Coût de transport selon le type d’acheminement retenu, coût en euros par tonne. Les unités de transport sont supposées chargées à pleine capacité.

Source : Comité National Routier ; C. Lopez 2006.

Les résultats ont été arrondis. Le calcul des coûts du transport fluvial est obtenu par extrapolation. L’achat d’une unité fluviale est simulé. Un plan d’amortissement nous permet d’évaluer les charges fixes d’exploitation auxquelles nous ajoutons les coûts variables (carburants, taxes, péages…). Les coûts de l’automoteur et du convoi poussé comprennent le coût de navigation, le coût d’immobilisation de l’unité de transport (temps d’attente à quai nécessaire au chargement), la manutention et les coûts des pré-acheminements routiers – très courte distance : environ 20 kilomètres autour du port fluvial.

L’incorporation des opérations de chargement et du pré-acheminement place les deux modes terrestres (fluvial et routier) sur une même échelle de comparaison. L’ensemble du parcours est considéré : du chargeur (usine, entrepôt…) jusqu’à la plate-forme de transbordement (le port maritime : Fos sur Mer). Le coût de transbordement vers le mode maritime n’est pas comptabilisé. Ce coût est supposé identique quelle que soit l’option terrestre : fluviale ou routière.

Malgré des coûts additionnels venant se greffer (pré-acheminement routier et manutention) l’option fluviale est plus compétitive qu’un acheminement routier, sauf pour les relations à courte distance (inférieures à 50 km). Le coût du transport routier entre Arles et Fos est toutefois à considérer avec précaution. En effet, le CNR publie un indice kilométrique de coût (en euros par kilomètre parcouru) or les transporteurs ont tendance à facturer un forfait pour des acheminements de courte distance.

En raison de l’absence de concurrence entre fluvial et routier sur le maillon terrestre (cf. tableau 5), nous écarterons de notre comparaison la chaîne associant les maillons routier et maritime. Nous comparerons en conséquence le fluvio-maritime et une chaîne « fluvial + maritime ». Ces deux modalités de transport présentent la particularité d’offrir des capacités de chargement comparables. L’infrastructure utilisée est, par ailleurs, identique, à la fois sur le maillon terrestre et en mer. Cette proximité permet d’écarter de nombreux biais et limite un grand nombre de disparités. D’autre part, le fluvial reste sur le segment terrestre le mode de transport le moins coûteux. En conséquence, nous placerons le fluvio-maritime dans le contexte qui lui est le moins favorable, à savoir en concurrence avec un acheminement terrestre fluvial.

Concernant le maillon routier, il ne semble pas pertinent de comparer des modes de transport n’offrant pas des capacités similaires. Un fluvio-maritime peut traiter jusqu’à 2.500 tonnes alors qu’un poids lourd est limité à 26 tonnes de charge utile. Dans l’optique d’un transport de vracs solides – cœur de marché du fluvio-maritime sur Rhône-Saône – un chargeur devant expédier 2.000 tonnes de marchandises ne fera probablement pas appel à une « escouade » de camions, avec toutes les contraintes organisationnelles qui en découle. Il privilégiera un acheminement massifié.

Par ailleurs, tout transport routier de vracs non emballés requiert, en général, l’utilisation d’une benne. Contrairement au camion-remorque de grand volume, cet outil ne facilite pas la recherche de fret retour. Le fret retour s’opère habituellement à vide et reste à la charge du commanditaire de transport. Le recours au « vrac routier » s’effectue principalement pour des opérations de brouettage c’est-à-dire sur de courtes distances. Dès lors que la distance s’allonge, le poids (financier) des retours à vide pénalise l’option routière.

La solution fluvio-maritime est concurrentielle sous certaines conditions. Quelles sont-elles ? Les deux solutions de transports : fluvio-maritime et fluvial associé au maritime sont-elles en concurrence ou complémentaires ? Existe-t-il un seuil de basculement entre les deux options de transport ?

Sur l’axe Rhône-Saône, le fluvio-maritime détourne-t-il des trafics du Port Autonome de Marseille (PAM) ?

Notes
14.

Le Conseil National Routier répond à trois missions : – Participer à l'observation économique du marché et diffuser à la profession des transporteurs routiers de marchandises et aux pouvoirs publics les informations qu'il recueille et les analyses économiques qu'il réalise; – Effectuer des travaux de recherche et des études socio-économiques utiles à l'ensemble de la profession; – Mener toute mission d'intérêt général pour la profession confiée par le ministre chargé des transports. Site Internet : http://www.cnr.fr