C. Seuil de basculement et partage du marché.

TR le revenu total.

TC le coût total.

La maximisation du profit consiste à produire la quantité pour laquelle la recette marginale s’égalise avec le coût marginal. C’est-à-dire, la quantité pour laquelle la recette supplémentaire perçue sur une unité additionnelle d’output est exactement égale au coût supplémentaire de production de cette unité additionnelle. Ceci nous donne :

Fluvio-maritime et « fluvial + maritime » sont placés en concurrence. La première alternative n’est pertinente que si elle offre des coûts de transports inférieurs à la seconde (et inversement) : cf. équation du fluvio-maritime – la suppression du coût de transbordement (fleuve/mer ou mer/fleuve) compense les deux surcoûts (fluvial et maritime).

Tout opérateur aura intérêt à « produire » tant que le coût de transport d’un output additionnel sera inférieur à celui de son concurrent. Ainsi, un transporteur fluvio-maritime continuera d’acheminer de la marchandise tant que son coût marginal sera inférieur à celui de l’opérateur exploitant la chaîne « fluvial + maritime ».

Chaque firme arrête de produire au niveau qui égalise son coût marginal avec celui de l’entreprise concurrente. Chaque transporteur recherche la quantité maximale d’outputs (tonnage ou cargaison) qui lui permet de conserver un coût de production au plus équivalent à celui de son concurrent. Le niveau optimal de production de chaque opérateur correspond à la quantité d’outputs qui égalise les coûts marginaux des deux chaînes de transports. La condition d’optimalité devient donc une égalité entre les deux coûts marginaux. Le point d’intersection entre les courbes de coût marginal définit le seuil de basculement entre les options fluvio-maritime et « fluvial + maritime ». Il correspond au tonnage qui partage le marché entre les deux logistiques.

Le seuil de basculement se définit par :

Équation 17 : Fluvio-maritime et « fluvial + maritime » ; seuil de basculement.
Équation 17 : Fluvio-maritime et « fluvial + maritime » ; seuil de basculement.

La flotte maritime offre une grande diversité. Le tableau ci-dessous reprend pour l’année 2004 les arrivées de navires de vracs solides escalant dans les principaux ports de l’Union Européenne (UE à 15 – ports traitant plus de 1 million de tonnes de marchandise par an).

Tableau 9 : Trafic de vracs solides selon la taille des navires (année 2004).
Tableau 9 : Trafic de vracs solides selon la taille des navires (année 2004).

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Nous pouvons donc écrire :

Le seuil de basculement dépend de l’écart entre coût marginal du fluvio-maritime : (A+B) et la somme du coût marginal du fluvial et de la rupture de charge (E+ G).

Le point d’intersection entre le coût marginal du fluvio-maritime et de la chaîne associant fluvial et maritime définit le seuil de basculement t * . Graphiquement nous obtenons.

Figure 12 : Le seuil de basculement entre fluvio-maritime et « fluvial + maritime ».
Figure 12 : Le seuil de basculement entre fluvio-maritime et « fluvial + maritime ».

Le fluvio-maritime est pertinent de 0 à t ; au-delà de t * le service « fluvial + maritime » est économiquement plus attractif. Jusqu’à t * le fluvio-maritime dispose d’un avantage de coûts. À échelle d’opérations équivalente, le fluvio-maritime offre un coût de transport inférieur au service fourni par la solution associant fluvial et maritime ; inversement après t * . Chaque chaîne de transport en comparaison avec l’autre bénéficie d’un avantage de coûts, avantage néanmoins partiel et délimité par t * .

Le fluvio-maritime apparaît plus efficient pour l’acheminement de cargaisons correspondant à de faibles tonnages. La solution « fluvial + maritime » pour sa part est plus compétitive pour de plus gros volumes.

Que se passe-t-il si le coût marginal du fluvio-maritime tend vers la somme des coûts marginaux du fluvial et de la rupture de charge ?

Chaque alternative dispose d’un avantage partiel de coût comparativement à l’autre (cf. figure 13)

Figure 13 : Le seuil de basculement entre fluvio-maritime et « fluvial + maritime ».
Figure 13 : Le seuil de basculement entre fluvio-maritime et « fluvial + maritime ».

Si chaque secteur d’activité (fluvio-maritime et « fluvial + maritime ») n’est composé que d’une seule entreprise :

Entre 0 et t*, l’entreprise fluvio-maritime réalise des surprofits, zone grisée (à gauche de t*). Les surprofits de l’opérateur « fluvial + maritime » correspondent à la zone hachurée horizontalement (à droite de t*). Il s’agit de l’aire comprise entre la courbe de coût marginal du fluvio-maritime et celle du « fluvial + maritime ».

Fluvio-maritime et « fluvial + maritime » ne sont en concurrence qu’à proximité du seuil de basculement où les coûts de transport sont proches. L’absence de concurrence entre les deux alternatives se traduit par une certaine complémentarité. Cette complémentarité permet de combiner une desserte fine (pour de petits lots) du bassin méditerranéen avec une offre de transports massifiés.

Les deux options de transport sont certes complémentaires ; toutefois quel est le tonnage qui partage le marché entre les deux alternatives ? Quelle est la valeur de t* le seuil de basculement ?

Faute de données suffisantes, nous ne sommes pas en mesure d’établir de manière précise les coûts marginaux de chaque option. Cependant, le partage théorique du marché se retrouve dans les statistiques de transport. Ainsi, la comparaison des tonnages fluvio-maritimes et des trafics de vracs solides manutentionnés au Port Autonome de Marseille nous fournira une estimation du seuil de basculement (cf. graphique 9).

Graphique 9 : Comparaison des trafics manutentionnés par le Port Autonome de Marseille et le trafic fluvio-maritime sur Rhône-Saône pour la période 2000-2004.
Graphique 9 : Comparaison des trafics manutentionnés par le Port Autonome de Marseille et le trafic fluvio-maritime sur Rhône-Saône pour la période 2000-2004.

Source : C. Lopez, Port Autonome de Marseille, VNF.

Pour la période 2000-2004, les cargaisons de moins de 1.500 tonnes sont dans une large majorité transportées par fluvio-maritime. Ce dernier concentre un volume de 2 millions de tonnes contre 235.000 tonnes pour le Port Autonome de Marseille (quel que soit le mode terrestre). A mesure que le poids des cargaisons s’accroît, la pertinence (part de marché) du fluvio-maritime se réduit. Le PAM a traité entre 2000 et 2004, plus de 5 millions de tonnes de marchandises dont le poids des cargaisons est compris entre 3.000 et 5.000 tonnes. À poids de cargaison identique, le fluvio-maritime n’a acheminé que 7.000 tonnes sur la période.

Le seuil de basculement s’établit aux environs de 2.000 tonnes. Au-delà de 2.000 tonnes la part des trafics traités par fluvio-maritime décroît, quant au PAM il voit ses tonnages croître de manière exponentielle. Entre 2000 et 2004, le fluvio-maritime a traité près de 90% des cargaisons d’un poids inférieur à 2.000 tonnes, soit plus de 2,6 millions de tonnes. La situation s’inverse pour les cargaisons dont le poids est compris entre 2.500 et 5.000 tonnes. Sur ce dernier segment, le PAM détient plus de 90% des parts de marché, avec 6,3 millions de tonnes.

La segmentation du marché est précise. Chaque option de transport dispose d’une niche. Le fluvio-maritime peut transporter à moindre coût des lots de faibles tonnages alors que le fluvial associé au maritime est plus concurrentiel pour des volumes importants. L’acheminement de colis lourds et autres pièces, sensibles aux manutentions, constitue également le créneau du fluvio-maritime. La suppression de la rupture de charge est alors déterminante.

Le fluvio-maritime assure une desserte fine du bassin méditerranéen et touche de nombreux petits ports qui ne pourrait pas l’être au départ du port de Marseille. La chaîne « fluvial + maritime » garantit une massification des flux entre Rhône-Saône et la Méditerranée. Il est dès lors concevable d’évoquer une certaine complémentarité entre les deux options avec d’un côté une offre de transports massifiés et de l’autre un service diffus pour des volumes restreints.

Le fluvio-maritime satisfait des demandes de transport pour de petits volumes et rallie des ports qui ne sont pas desservis au départ du PAM, en raison notamment des schémas de lignes régulières. Par ailleurs, l’outillage portuaire marseillais peut paraître sur-dimensionné pour traiter de petits navires et donc de petits lots. Les navires appareillant du port de Marseille doivent retrouver à destination un accès nautique au moins équivalent. Aucun port fluvial de l’axe Rhône-Saône ne peut proposer une telle accessibilité nautique, pas même Arles qui dispose pourtant des conditions de navigation les plus avantageuses.

Dans une hypothèse de pleine utilisation (maximisation) de l’outillage portuaire et des navires, les flux de marchandises connectent entre eux, des ports ayant une infrastructure et un accès nautique équivalent. D’autre part, les ports maritimes privilégient souvent les plus gros navires car les droits de port (recettes) dépendent de leur volume géométrique. Plus un navire sera gros, plus il sera profitable de le traiter. La chaîne « fluvial + maritime » se positionne sur un segment de marché comprenant des lots de 3.000 à 10.000 tonnes, comme il se fait à Port Tellines. Port Tellines est un terminal céréalier du PAM dédié à l’interface maritime et fluviale.

Les clients du fluvio-maritime ont généralement des besoins de transport correspondants à des lots d’environ 2.000 tonnes. Certaines minoteries italiennes importent fréquemment des céréales de Bourgogne par fluvio-maritime. Le choix de ce mode obéit principalement à une contrainte de capacités de production. En effet, elles ne peuvent pas traiter de plus gros volumes car leur outil de production est incapable d’absorber des quantités supérieures. La chaîne « fluvial+maritime » est surdimensionnée par rapport à leurs besoins.