D. L’organisation du marché de transport.

Nous supposons un marché de transport sur lequel deux firmes sont positionnées : d’un côté un opérateur fluvio-maritime et de l’autre un transporteur associant fluvial et maritime.

Consciente de disposer d’une niche de marché, chaque entreprise peut adopter un comportement monopolistique.

Les prix pratiqués sont compris entre les deux courbes de coûts marginaux. Le coût marginal de l’autre option de transport constitue un plafond à ne pas dépasser sous peine d’entrer en concurrence.

Selon la nature des produits à transporter, la firme fluvio-maritime est en mesure de pratiquer une discrimination par les prix. Le « monopoleur » pratique des prix différents selon les besoins du chargeur c’est-à-dire une discrimination au troisième degré.

Si l’entreprise fluvio-maritime est capable de distinguer deux groupes d’individus ; d’un côté des céréaliers et de l’autre un chargeur spécialisé dans les colis lourds ; elle peut vendre son service de transport à des prix différents. Nous supposons que les deux groupes d’utilisateurs du fluvio-maritime ne peuvent pas se « revendre » le service de transport.

Sur chaque marché, le coût marginal de production d’une unité supplémentaire d’output doit être égal à la recette marginale de chaque marché. Puisque le coût marginal est identique sur les deux marchés, la recette marginale doit être également semblable sur les deux marchés. Il est possible d’utiliser la formule de la recette marginale en terme d’élasticité pour écrire les conditions de maximisation du profit :

Ainsi, le marché avec le prix le plus élevé doit avoir l’élasticité de la demande la plus faible. Une demande élastique est une demande sensible au prix. Une entreprise qui discrimine en termes de prix pratiquera un prix faible pour le groupe sensible au prix et un prix élevé pour le groupe relativement insensible au prix. Une telle tarification est très proche de la tarification dite de Ramsey-Boiteux. Celle-ci consiste à établir les tarifs de telle sorte que l'écart entre le prix du service et son coût (marginal) soit proportionnel à l'inverse de l'élasticité au prix de la demande. Ceci revient à accroître la contribution des clients les plus captifs.

Dans notre exemple nous avons d’un côté des céréaliers très sensibles aux coûts de transport et de l’autre des exportateurs de colis lourds (type Framatome à Chalon). Les premiers sont en concurrence au niveau international avec des producteurs d’Europe de l’Est. A qualité de céréales identique, le coût de transport de la marchandise vers son lieu de consommation finale sera décisif.

Les seconds, en revanche, produisent des biens à forte valeur ajoutée et relativement délicats à transporter. La réduction du nombre de ruptures de charge est un facteur décisif dans le choix modal.

Ainsi, le groupe constitué d’exportateurs de colis lourds est moins sensible au prix que les céréaliers. Ils sont donc disposés à payer un fret supérieur à la normale pour optimiser les conditions de transport de leurs produits.

L’entreprise fluvio-maritime est également en mesure de pratiquer une discrimination au second degré. Les prix diffèrent selon les quantités achetées. Les contrats au tonnage en sont une illustration. Le transporteur s’engage à acheminer pendant une période donnée un tonnage déterminé, moyennant un prix à la tonne librement débattu entre les deux parties. Cette formule présente l’avantage de garantir des taux de fret constants quelle que soit l’évolution du marché. Si ce dernier est à la hausse l’accord est à l’avantage du chargeur (il ne subit pas la hausse des frets) et au détriment de l’armateur (qui ne profite pas de la montée des prix) ; et inversement lorsque la tendance du marché est à la baisse. Les contrats au tonnage apportent aux armateurs un fond de cale nécessaire à l’exploitation de leur(s) navire(s). A l’image d’un filet de sécurité, le fluvio-maritime est assuré d’un niveau minimum d’activité quelle que soit la conjoncture.

Les contrats au voyage ou spot : mise à disposition du navire pour un seul et unique voyage, obéissent à une discrimination de troisième degré. Le fret dépend de la sensibilité du chargeur à la variation des prix.

En règle générale, les armateurs cherchent toujours à se couvrir contre une partie du risque (assurent leurs arrières), en s’engageant dans des contrats au tonnage tout en conservant une certaine marge de liberté, pour répondre à des contrats au voyage ou spot.