2) Le coût de l’absence de sécurité.

La sécurité a certes un coût, son absence s’apprécie en pertes de navires, en pertes de vies humaines, et dans certains cas en de très importants dommages à l’environnement et en pertes économiques (pollution par le pétrole notamment).

La perte d’un navire et de sa marchandise représente des sommes importantes. En 2004 (cf. tableau 18), le remplacement d’un Capesize (vraquier de plus de 150.000 tpl) au prix du neuf était de 61 millions $US, celui d’un Panamax (vraquier de 75.000 tpl) était de 35 millions $US et un porte-conteneurs de 2.500 EVP atteignait 42 millions $US. L’OCDE estime qu’en prenant une valeur résiduelle de 20 millions $US par navire, la centaine de navires perdus en 2000 correspondrait à une perte d’environ 2 milliards $US. La perte des cargaisons embarquées augmente de manière appréciable ce chiffre. Il n’est toutefois pas facile d’en évaluer le montant.

Tableau 18 : Prix de navires neufs pour certaines années (en millions de dollars - $US).
Tableau 18 : Prix de navires neufs pour certaines années (en millions de dollars - $US).

Il convient d’ajouter aux coûts de la perte d’un navire, de sa marchandise et de son équipage, les coûts liés à l’environnement. Parmi ces coûts, certains sont facilement quantifiables (pertes de production des aquacultures, pertes de recettes touristiques…) et d’autres ne peuvent être qu’estimés (dommages causés à l’environnement). Malgré un grand nombre d’études sur les coûts occasionnés par les naufrages, il n’existe pas à ce jour d’estimations globales des coûts imputables aux accidents de la mer. Cependant, une seule catastrophe maritime peut entraîner des coûts près de 2,5 fois supérieurs à ceux de mise en conformité de la flotte mondiale au niveau standard de sécurité.

Le magazine Fairplay du 25 mars 1999 a estimé le coût probable, pour Exxon, du naufrage de l’Exxon Valdez en 1989. Le coût total du sinistre atteindrait 9,6 milliards $US.

Ce total comprendrait :

  • 2,5 milliards $US : nettoyage des dégâts physiques.
  • 135 millions $US : remboursement des dépenses fédérales aux États-Unis.
  • 205 millions $US : remplacement des habitats sauvages et des ressources naturelles.
  • 1 milliard $US : dommages fédéraux / des États et action d’une société de services d’oléoduc.
  • 25 millions $US : amendes et pénalités.
  • 5,6 milliards $US : actions privées en dommages et intérêts (en instance devant les tribunaux américains).

La perte d’un navire et de sa cargaison implique des coûts importants pour la collectivité plus particulièrement lorsqu’il s’agit de naufrage impliquant des pétroliers.

L’Exxon Valdez n’est pourtant pas une catastrophe écologique majeure. Avec 37.000 tonnes de pétrole déversées, il se situe au quarantième rang des déversements de pétrole par navire.

Le risque zéro n’existe pas en transport maritime. Selon les statistiques de l’OMI portant sur la perte de navires de plus de 500 tonneaux, un navire est perdu en moyenne tous les deux jours. En moyenne chaque jour un accident grave pouvant aller jusqu’à la perte totale du navire se produit sur les mers du globe (250 accidents ou avaries majeures en moyenne annuelle). Cependant, force est de constater que le secteur du transport maritime dans son ensemble devient plus sûr depuis plusieurs années.

Ainsi, la quantité de pétrole déversée chaque année par des navires était nettement corrélée à la quantité de pétrole transportée (OCDE 2001). Cette tendance s’est inversée à la fin des années 80. Les déversements de pétrole ont diminué en dépit de l'augmentation des quantités de pétrole consommées. 1979 a été l’année des plus importantes marées noires, près de 0,3 % du pétrole acheminé a été déversé (plus de 600.000 tonnes), cette proportion est tombée à 0,0005 % en 1998. La moyenne annuelle des déversements pétroliers est passée de 0,21 million de tonnes par an pour la période 1988-92 à 0,08 million de tonnes par an pour la période 1993-99.

Le transport maritime est devenu plus sûr, suite à une conjonction d’événements. L’opinion publique est de plus en plus sensible aux questions environnementales. Des législations plus strictes sont entrées en vigueur, comme la loi des États-Unis sur la pollution de 1990. Des innovations techniques ont été apportées aux navires : la majorité des navires construits depuis le début de la décennie 80 sont équipés de "systèmes de gaz inerte" empêchant la formation de vapeurs explosives dans les citernes à cargaison. Les contrôles de navires par l’État de port ont été renforcés : le Mémorandum de Paris date de 1982, le Mémorandum de Tokyo a été adopté en 1993.

Concernant le secteur du vrac (catégorie à laquelle les fluvio-maritimes appartiennent), les techniques de chargement ont été modifiées au fil des ans. Chaque navire est doté d'un plan de chargement qu’il doit strictement respecter, empêchant des déséquilibres de charge et réduisant les efforts excessifs de la coque. Ces mesures limitent les défaillances de la structure du navire : distorsion jusqu’à rupture. Depuis les années 90, un programme d’inspection plus rigoureux des navires a vu le jour : inspection des cales de vraquiers de 10 ans et plus et/ou de 150 mètres de long et plus. Ces nouvelles dispositions ont contribué à assainir la flotte de vraquiers.

La sécurité des navires de lignes régulières s’est quant à elle améliorée avec l'essor de la conteneurisation. Les porte-conteneurs cellulaires doivent être fiables (respect des horaires). Ils sont, en conséquence, construits selon des normes exigeantes, et équipés de dispositifs de sécurité des plus modernes. Le développement récent du trafic de conteneurs et la course au gigantisme que se livrent les armateurs (cf. seconde partie) accentuent le renouvellement de la flotte. Les problèmes de vétusté ou de mauvais entretien se rencontrent donc rarement pour ce type de navire.

Le transport maritime est devenu plus sûr. Les réglementations en vigueur sont jugées suffisantes par l’ensemble du secteur maritime pour assurer un niveau raisonnable de sécurité et de protection de l’environnement. Cependant l’efficacité des contrôles est à améliorer (cf. section suivante).