3) Le rôle de l’État de pavillon.

Certains armateurs ne se soucient guère de l’environnement et se focalisent uniquement sur la maximisation du profit à très court terme au point d’armer des navires qualifiés de « poubelles ». Ils sont aidés dans leur entreprise par le caractère international du transport maritime et des formules d’assurance qui font obstacle à l'attribution des responsabilités en cas d'accident, particulièrement si les navires sont immatriculés sous pavillon de complaisance ou pavillon de libre immatriculation.

Encadré 1 : les pavillons de libre immatriculation.
Les pays de libre immatriculation autorisent des non-résidents à être propriétaires ou à contrôler ses navires marchands ; et ce sans que l’armateur soit soumis à une législation susceptible de le gêner dans la conduite de ses affaires. L’immatriculation est caractérisée par sa facilité et sa rapidité – parfois quelques heures – bien souvent sans contrôle contraignant ni respect des conventions internationales, ni de fortes charges fiscales.
L’armateur bénéficie d’avantages fiscaux : les revenus tirés du navire ne sont pas localement soumis à l’impôt ou celui-ci est relativement faible. Second avantage : une réduction des dépenses d’équipage, les réglementations nationales des États de complaisance sont très souples concernant l’embauche, les qualifications requises, les garanties de rémunérations, les congés. Les armateurs ont également une indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics locaux : libre choix des chantiers de construction sur le marché international, non-réquisition de l’État en cas de guerre ou de crise. Ces mesures autorisent un allégement des coûts de plus de 50% par rapport à une immatriculation dans un registre respectueux des règles internationales (sécurité, pollution et conditions de travail). Certains pavillons servent de refuge à des bâtiments porteurs de gros risques pour l’environnement maritime et humain.
L’intérêt des pays de libre immatriculation réside dans l’apport de ces flottes (frais d’enregistrement des navires) à leur balance des paiements. Les États d’origine des propriétaires (la majorité des PDEM) admettent le transfert – la France depuis 1984 – sous pavillon de complaisance de navires appartenant à leurs ressortissants. Ils espèrent en cautionnant de telles pratiques garantir la maîtrise d’une flotte compétitive, le maintien de l’emploi de leurs officiers et personnels navigants.
Pour contrer la prolifération des immatriculations et concurrencer les pavillons de complaisance des registres bis ont été créés. Dits offshores, ils permettent de recruter des marins « au contrat » et de composer des équipages avec des navigants étrangers. Exemples de registres bis : Danemark, DIS (Danish International Ship Register) ; France, TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises) ou registre Kerguelen, 65% de l’équipage échappe au statut du marin français, depuis mai 2005 le Registre International Français (RIF) remplace le registre de Kerguelen ; Grande-Bretagne, Île de Man ; Norvège, NIS (Norwegian International Ship Register).
Sur les 895,8 millions de tpl (tonnes de port en lourd) que constitue le tonnage de la flotte mondiale en 2005, environ 45% sont immatriculées dans l’un des principaux pays de libre immatriculation, soit moins de 400 millions de tpl. Les 30 dernières années sont marquées par une logique de réduction des coûts c’est pourquoi la tendance à immatriculer sous pavillon de complaisance persiste. La flotte répondant à un régime de libre immatriculation est passée de 70,3 millions de tpl en 1970, environ 22% du tonnage mondial de l’époque à environ 400 millions de tpl aujourd’hui.

Les États du pavillon sont censés exercer une juridiction et un contrôle effectifs sur les questions administratives, techniques et sociales concernant les navires qui battent leur pavillon. Cependant, certaines administrations de l'État du pavillon ne sont pas en position et/ou n'ont pas la volonté d'assumer les responsabilités que leur confère la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer de 1982 (UNCLOS). Les visites annuelles et les inspections avant immatriculation par les États du pavillon n'ont pas toujours lieu, et les déficiences, si elles sont détectées, restent parfois sans suite. Dans certains États l'immatriculation des navires est une source de revenus. Les considérations commerciales priment alors sur les questions de sécurité. L’action des États à l’égard de leur flotte n’est pas partout identique. Alors que certaines administrations s’attachent à exercer scrupuleusement leurs responsabilités, d’autres y prêtent peu d’attention.

Les États du pavillon délèguent souvent une partie de cette responsabilité à des sociétés de classification. Ces sociétés délivrent à partir d’inspections poussées et régulières (pendant la construction du navire ou lors des différents arrêts techniques pour réparations) les certificats de navigabilité du navire. Documents sans lesquels l’armateur ne peut exploiter son navire. En France, l’État a cédé une partie de ses compétences au Bureau Veritas en charge de contrôler la structure du navire. En Italie la société Rina s’occupe de l’ensemble des vérifications. Cette société a délivré les certificats de l’Erika et du Ievoli Sun deux navires qui se sont abîmés le long des côtes bretonnes récemment.

Le caractère privé de ces sociétés peut conduire à des vérifications et certifications de complaisance par souci de rentabilité. Certaines sociétés sont connues pour avoir certifié des navires qui avaient été en infraction avec les réglementations La certification délivrée ne peut dans ce contexte être un indicateur sérieux de la navigabilité. Néanmoins, une nouvelle directive européenne devrait permettre de retirer cet agrément plus facilement aux mauvais élèves (cf. section suivante).

Cette situation a provoqué la création du contrôle par l’État de port. Cette vérification découle de la réaction des États préoccupés de voir leurs ports fréquentés par des navires manifestement dangereux pour la vie humaine et l’environnement.