3) Les « pilotes fluviaux » quelle compétence pour quel métier ?

Sur la partie fluviale, au-delà des limites de l’inscription maritime (fixées par décret sur le Rhône, au pont de Trinquetaille en Arles – 1er obstacle à la navigation maritime) la présence à bord d’un navire (quelle que soit sa nature : maritime ou fluvial) d’une personne titulaire d’un certificat de capacité fluvial est obligatoire :

Règlement Général de Police – article 1-02-1.

‘« Tout bâtiment ainsi que tout matériel flottant doit être placée sous l’autorité d’une personne ayant l’aptitude nécessaire à cet effet. Cette personne est appelée ci-après conducteur. »’

Le conducteur est réputé avoir l’aptitude requise lorsqu’il est titulaire du certificat de capacité ou du permis de conduire prescrit pour la section qu’il parcourt et pour la catégorie de bâtiment qu’il conduit.

L’équipage des fluvio-maritimes n’a pas la compétence pour assumer la navigation fluviale. Le capitaine ou un membre d’équipage peut obtenir cette compétence s’il devient titulaire du certificat de capacité. En l’absence de cette aptitude, les armateurs et les agents fluvio-maritimes recourent à ce qu’il convient d’appeler des « pilotes fluviaux ». Ces « pilotes fluviaux », souvent d’anciens mariniers, monnaient leur savoir-faire auprès des opérateurs. Ces pilotes sont des travailleurs indépendants. Cependant, aucun cadre réglementaire ne reconnaît cette profession. Il convient néanmoins de ne pas les confondre avec les pilotes maritimes. Il n’existe aucune obligation de pilotage en secteur fluvial contrairement au maritime où le recours aux pilotes est obligatoire (les pilotes conseillent le commandant d’un navire en lui fournissant toutes les informations nécessaires à la navigation aux abords et dans les ports). Dans le cadre de la navigation intérieure et plus particulièrement sur le bassin Rhône-Saône, seule est exigée la présence à bord d’une personne en possession d’un certificat de capacité.

L’absence d’un statut propre aux « pilotes fluviaux » soulève de nombreuses interrogations :

Un fluvio-maritime est bien plus complexe qu’un automoteur ou un pousseur. Il ne réagit pas de la même façon aux commandes. Gabarit, tirant d’air, enfoncement, conditions de manœuvrabilité divergent d’une embarcation à l’autre. Il n’est pas certain que les « pilotes fluviaux » ont toujours une bonne connaissance du navire sur lequel ils embarquent. Le pilote maritime conseille le capitaine qui reste maître de son navire. Dans le cas du « pilote fluvial », il n’est pas rare que ce dernier soit aux commandes sans connaître parfaitement les caractéristiques du navire.

Il existe quelquefois des problèmes de communications entre le pilote et l’équipage du fluvio-maritime. L’anglais est incontournable dans le transport maritime. Ce n’est pas le cas pour le transport fluvial. Le conducteur a besoin de comprendre les instructions des éclusiers et également de se faire comprendre auprès d’eux. Le français prime donc. Ainsi, l’incapacité de certains « pilotes » à communiquer clairement avec les membres d’équipage est parfois source d’accidents.

Suite à un échouage de fluvio-maritime, un « pilote fluvial » expliquait à un employé du Service Navigation qu’il arrivait toujours à se débrouiller, bien que s’exprimant dans un anglais très approximatif et pas du tout dans la langue de l’équipage (le russe). Si la situation posait trop de difficultés, l’agent maritime servait d’interprète par téléphone. D’où les préoccupations du fonctionnaire, qui s’interroge en cas de situation d’urgence.

Dans le cadre de la navigation maritime, le responsable juridique en cas de problèmes est le capitaine et non le pilote maritime. Il en va différemment pour la navigation fluviale. Le « pilote fluvial » seul titulaire d’un certificat de capacité est responsable (étant identifié comme conducteur) même s’il ne tient pas la barre.

Règlement Général de Police, article 1-02-1 alinéa 5 :

‘« Le conducteur est responsable (en l’occurrence le « pilote fluvial » pour les navires fluvio-maritimes) des dispositions du présent règlement… » - c’est-à-dire de l’ensemble des dispositions du règlement général de police et des textes pris pour son application-.’

Aucune réglementation n’encadre le « métier de pilote fluvial ». De plus, il n’existe pas d’obligation d’assurance pour la conduite d’une unité circulant sur Rhône-Saône. Ce « vide » crée chez certains un sentiment « d’impunité ». D’après le Service Navigation Rhône-Saône, les pilotes embarqués sur des navires fluvio-maritimes ne semblent pas tous avoir conscience de l’engagement de leur responsabilité en cas de problème.

Un autre point de discordance concerne le temps de conduite des pilotes fluviaux. Même si ce sujet ne relève pas directement des compétences du Service Navigation mais de celles des Directions Régionales de l’Équipement (Inspection des Transports), la durée du temps de travail des pilotes fluviaux est problématique. La durée moyenne d’un trajet entre Chalon et Port Saint-Louis du Rhône est d’environ 36 heures dans le sens avalant et de 42 heures à la remontée. Trois cas de figure peuvent se rencontrer :