2) Le concept du River Sea Push Barge (RSPB).

Konings et Ludema (2000) étudient un concept de transport fluvio-maritime d’un nouveau genre : le système River Sea Push Barge (RSPB). Le concept technique du RSPB a été défini par Vecomar International and Marine Heavy Lift Partners (Pays-Bas). Sur le principe d’un convoi poussé fluvial (barge + pousseur), l’outil se compose de barges adaptées aux navigations fluviales et maritimes et de deux pousseurs. La principale innovation du système RSPB réside dans la construction et l’exploitation de pousseurs spécialement conçus pour l’environnement dans lequel ils évoluent : maritime ou fluvial. Chaque pousseur navigue dans un environnement spécifique : l’un fluvial, l’autre maritime. L’objectif de l’étude de Konings et Ludema (2000) est d’analyser les perspectives de marché de ce nouveau système de transport. Leurs travaux se concentrent sur les flux de marchandises entre l’axe rhénan (ses ports fluviaux) et la côte Est du Royaume-Uni.

La principale caractéristique des barges est de pouvoir s’adapter aux différentes conditions de tirant d’eau : barges ballastables. Elles peuvent donc naviguer aussi bien en mer que sur les fleuves ou rivières. Les barges disposent d’un faible tirant d’eau leur permettant de remonter le Rhin jusqu’à Strasbourg. Pour les fluvio-maritimes « classiques » un tel parcours n’est pas intéressant sur le plan commercial car :

Le système de transport RSPB est quant à lui moins coûteux et dispose de capacités de transport supérieures. Les barges ballastables peuvent transporter aussi bien des vracs solides que des conteneurs. Sur ce dernier marché, de part leurs fortes capacités d’emport les barges peuvent générer des économies d’échelle sur les coûts de stockage par le développement de la notion de stock roulant, stock flottant plus précisément. Ayant des caractéristiques techniques proches des barges « purement » fluviales, la problématique de la compétitivité du système RSPB sur le segment fluvial ne gêne pas son exploitation. L’architecture navale du système RSPB est adaptée aux réglementations techniques en vigueur sur le Rhin. Le convoi poussé mesure 110 mètres de long (longueur hors tout, 1 barge + 1 pousseur) pour une largeur de 22m conformément aux dimensions de l’infrastructure rhénane. Les ballasts permettent une exploitation du système par « tout temps ». Lorsque le niveau d’eau est élevé, la barge est ballastée afin de pouvoir passer sous les ponts. En revanche en cas de basses eaux le faible enfoncement de la barge autorise son exploitation. Le tirant d’air du RSPB est conforme à celui autorisé sur le Rhin, au maximum 9,10m. Sur le fleuve la barge est couplée à un pousseur conventionnel (pousseur de rivière) par une technique couramment employée sur l’ensemble des voies navigables. Sur le segment maritime, le couplage est effectué grâce au système Arti-couple, technique spécialement développée pour le modèle RSPB. Le système de couplage permet au concept RSPB de répondre aux normes maritimes par une classification de l’unité au cabotage maritime. Les ballasts sont utilisés pour donner à la barge l’enfoncement nécessaire à la traversée maritime.

Le mode opérationnel du système repose sur le principe suivant : chaque pousseur évolue dans un environnement spécifique : l’un fluvial, l’autre maritime. Le pousseur fluvial est de conception classique. Le pousseur maritime est, quant à lui, adapté aux contraintes maritimes – houle, roulis, équipement adéquat (système radar, instruments de navigation…). L’interface terre-mer s’effectue par un changement de pousseur (maximum 2 heures selon les auteurs). Ainsi chaque pousseur est exploité dans l’environnement pour lequel il a été conçu. Le pousseur de rivière achemine la barge sur la partie terrestre (voies d’eau) jusqu’au port maritime. Le pousseur de mer reprend alors les opérations jusqu’au port maritime de destination, un port du Royaume-Uni. La barge est alors déchargée ou reprise par un pousseur de rivière jusqu’à son port fluvial de destination finale (cf. figure 22).

Figure 22 : Le système RSPB dans la chaîne de transport intermodale.
Figure 22 : Le système RSPB dans la chaîne de transport intermodale.

Source : Konings et Ludema (2000).

Konings et Ludema (2000) étudient la pertinence du système RSPB entre l’axe rhénan et le Royaume-Uni. Ils décomposent le Rhin en trois zones géographiques auxquelles ils font correspondre trois ports allemands :

Le port Anglais de destination est celui de Hull. Ils comparent le système RSPB à deux chaînes de transport : une option « route + ferry » – la solution la plus connue et la plus rapide – et l’alternative fluviale associée au maritime – chaîne de transport la plus lente et la moins coûteuse. Le fluvio-maritime n’est pas pris en compte en raison de son faible rôle dans le système de transport intermodal (remorques et/ou conteneurs).

Le choix modal dépend de quatre paramètres majeurs (Jeffs 1985 ; NEA/NEI 1990 ; NIPO 1997) : le coût, le temps de transport, la fiabilité et les risques de dommages encourus lors du transport. Le modèle développé se concentre sur les deux premiers facteurs : les coûts et le temps. Les chargeurs privilégient la solution de transport offrant le moins de résistance (Tavasszy 1996) c’est-à-dire celle qui optimise le couple prix/temps. Sur la base des préférences révélées, ils construisent une fonction de coûts de transport généralisés C s,m . La fonction comprend les taux de fret pratiqués M s (€/unité), la valeur du temps pour chaque produit ou groupe de produits v m (€/h/unité) et le temps de transport de chaque service T s (h) : C s,m = M s + v m T s

Le temps de parcours de chaque solution de transport est calculé au départ de plusieurs régions mouillées par le Rhin ou proches. Ils estiment ensuite la part modale de chaque chaîne de transport. Le système RSPB garantit un faible coût lui permettant d’entrer en concurrence avec les chaînes : « route + ferry » et « fluvial + maritime ». Le temps de parcours du système RSPB est inférieur à celui proposé par le fleuve associé au maritime. La suppression d’une rupture de charge (interface fleuve/mer) explique cet avantage. Il est en revanche nettement plus lent que l’acheminement routier combiné au ferry. Les auteurs en tirent la conclusion suivante : le concept RSPB peut se positionner sur les produits dont le facteur temps est peu significatif, c’est-à-dire sur le segment de marché du « fluvial + maritime ».

Les auteurs désignent Dormagen comme le port le plus pertinent pour offrir des liaisons avec le Royaume-Uni. Cette conclusion est contre-intuitive au regard du marché ciblé par le système RSPB : les régions centrales et méridionales du corridor rhénan. Nos conclusions sont similaires à celles de Konings et Ludema (2000) : sur Rhône-Saône le fluvio-maritime est le plus pertinent sur la section « bas Rhône » (au départ d’Arles) où le surcoût fluvial est le plus faible.

Le principal attrait du système RSPB est de s’affranchir des mauvaises conditions nautiques – faibles tirants d’eau. Il pourrait donc être exploité au départ de nombreuses voies navigables, plus particulièrement Rhône-Saône en proposant des solutions intéressantes de feedering et ou de cabotage à destination du bassin méditerranéen.