3) Le fluvio-côtier.

La problématique de la desserte fluviale de port 2000 (Port Autonome du Havre) peut constituer pour la navigation fluvio-maritime un axe de recherche intéressant en matière de conception et d’architecture navale.

Le 30 mars 2006, le Port Autonome du Havre (PAH) a inauguré Port 2000 ; installations portuaires destinées à accueillir les plus gros porte-conteneurs (navires over-panamax d’une capacité supérieure à 8.000 EVP, plus de 300m de long et plus de 32m de large) opérants sur les lignes Est-Ouest. Le nouveau terminal dans sa version finale portera la capacité du port havrais à 6 millions d’EVP d’ici 2020 sans saturation – environ 2 millions d’EVP sont traités actuellement.

Peu après sa mise en service commerciale le 18 avril 2006, Port 2000 a vu escaler de très gros navires La Traviata (CMA-CGM) d’une capacité de 8.500 EVP, le Médéa 9.415 EVP, le Los Angeles (CSCL Xin) et le Havre 9.580 EVP (CSCL). Après 8 mois d’exploitation, le nouveau terminal a accueilli 334 navires et manutentionnés plus de 300.000 EVP soit 15% du trafic conteneur du PAH. Le PAH a enregistré au cours du premier trimestre 2007 son meilleur résultat trimestriel avec plus de 600.000 EVP manutentionnés.

Sans de nouvelles infrastructures, le flux supplémentaire de conteneurs ne pourra pas être absorbé par la route, aujourd’hui près de 80% de parts modales. Le ferroviaire a besoin pour se développer d’un contournement Nord-Est de l’Île de France. Les opérateurs tablent en conséquence sur le mode fluvial et ses fortes marges de progression : +20% sur la Seine en 2006 avec près de 120.000 EVP contre plus de 100.000 en 2005. Cependant, faute d’écluse fluviale pour accéder aux installations de Port 2000, l’interface mer/fleuve est réalisée par une navette ferroviaire qui achemine les conteneurs entre Port 2000 et le terminal fluvial. La desserte fluviale est effectuée avec des ruptures de charge supplémentaires. La navette est opérée par la Société d’Aménagement de l’Interface Terrestre du port du Havre (SAITH). Malgré les subventions perçues, elle génère un surcoût estimé à 20 euros par conteneur. Dans les prochaines années, malgré un investissement de 20 millions d’euros en engins de manutention et de transport ferroviaire, le dispositif de la SAITH ne pourra pas traiter l’ensemble des trafics fluviaux. En 2015, SAITH pourrait traiter jusqu’à 250.000 EVP. Cette capacité n’est pas suffisante face au développement attendu des trafics de Port 2000. Le dispositif SAITH est une solution partielle mais non satisfaisante.

La connexion fluviale des plus grands ports Nord-européens avec leur hinterland s’effectue par une double desserte : un terminal fluvial dédié et un accès direct par écluse fluviale. Cette organisation garantit à la fois souplesse et sécurité des dessertes. L’accès direct permet une massification des flux. Le terminal dédié permet de traiter les flux diffus et modestes (souplesse de gestion) et constitue une alternative en cas de défaillance grave de l’accès fluvial. Lors de sa mise en service, Port 2000 au contraire des ports majeurs ne disposait pas d’accès direct pour sa desserte fluviale (cf. carte 12). Toutefois, en octobre 2006 le Ministre des Transports a entériné la construction d’une écluse fluviale pour desservir Port 2000, sans toutefois préciser de calendrier ni la nature du montage financier dont le coût est estimé à plus de 110 millions d’euros.

Carte 12 : Plan du port autonome du Havre – accès à Port 2000.
Carte 12 : Plan du port autonome du Havre – accès à Port 2000.

Source : port autonome du Havre ; http://www.havre-port.net/pahweb.html

Face aux délais de construction de l’écluse fluviale et les limites physiques du dispositif SAITH (capacités) le concept de transport fluvio-côtier a été développé. Il s’agit de faire passer les unités fluviales par la mer ou l’estuaire de la Seine. Cette solution s’apparente au transport fluvio-maritime et permet de supprimer les ruptures de charge (fleuve / SAITH) du schéma actuel. Les cadres réglementaires applicables aux matériels (résistance des coques, stabilité et sécurité des unités) et aux personnels nécessitent d’être modifiés. En effet, la navigation dans les eaux maritimes doit être effectuée par un navire de mer (construit et équipé à cet effet) armé par un équipage de marins professionnels. La jonction Seine / Port 2000 peut être réalisée selon deux itinéraires :

La route Nord est ouverte depuis fin janvier 2007. Elle a été actée par les Arrêtés ministériels du 10 janvier 2007 relatifs à la navigation de bateaux fluviaux en mer pour la desserte de Port 2000 et au pilotage des bateaux (cf. annexe 9 pour le détail des Arrêtés ministériels). Les dispositions autorisent les compagnies à débuter une desserte directe de Port 2000 par le canal de Tancarville et la mer. L’accès à la voie Nord n’est possible que par des bateaux fluviaux conformes à la norme IN 1.2 visant à « maritimser » les unités fluviales. Les dispositifs réglementaires concernent uniquement les automoteurs. Le transit maritime doit être effectué par un pilote maritime si le batelier n’est pas titulaire d’une licence de patron-pilote. En cas de conditions météorologiques défavorables, le traitement des unités fluvio-côtières s’effectuera dans les bassins intérieurs du port autonomes du Havre. L’unité doit pouvoir résister à une houle de 1,20m pour 80% du temps.

La voie Sud sera accessible à des unités maritimes fluvialisées pour répondre aux règles de sécurité spécifiques au transit en eaux maritimes et estuariennes – résister à une houle de 2m à 95% du temps. Il s’agit ici de navires de 4ème et 5ème catégorie. Un navire de 5ème catégorie peut s'éloigner d'un abri jusqu’à 5 miles nautiques (environ 10 km) et 20 miles pour un navire de 4ème catégorie. Un abri est un endroit où le navire peut être mouillé et les personnes mises en sécurité. Les dispositifs réglementaires concernant la route Sud sont en cours d’instruction.

La desserte fluviale de Port 2000 se base sur les principes de la navigation fluvio-maritime. Les modifications réglementaires apportées donnent à un équipage fluvial une compétence maritime. Elles favorisent également la conception d’unités de transport modernes pouvant évoluer dans deux environnements différents : le fluvial et le maritime. Le gabarit des unités fluvio-côtières devra répondre aux contraintes physiques de l’axe Seine ; soit des dimensions maximales de 120m x 11,40m et un chargement de conteneurs sur 4 hauteurs pour desservir le port de Gennevilliers.

Ce dimensionnement concorde avec celui de l’infrastructure Rhône-Saône. Un déploiement de fluvio-côtiers sur le bassin rhodanien pourrait par conséquent être envisageable. Une extension des innovations introduites pour le développement des fluvio-côtiers peut profiter à la navigation fluvio-maritime. La construction de nouvelles unités pouvant opérer sur de plus longues distances maritimes peut étendre le marché de la navigation fluvio-maritime vers le transport de conteneurs sous la forme de services de feedering à destination des ports intérieurs. Une massification des flux de marchandises au plus près de leurs lieux de consommation / production serait dès lors possible.