Conclusion

Rissoan (1994) exprime un certain enthousiasme à l’égard des futures perspectives du fluvio-maritime sur Rhône-Saône mais aussi sur d’autres voies navigables. De nombreux experts soulignent le potentiel du fluvio-maritime. Le rapport Liberti (2002) traitant du cabotage maritime signale : « Je n'ai pas traité sur le fond le transport fluvio-maritime. Je suis persuadé que son potentiel de développement est important ». L’Institut Français de la Mer indique dans son rapport sur le développement du cabotage européen (2002) : « De façon générale, cette navigation [le fluvio-maritime] qui a d’importantes possibilités, est sous-utilisée […]. Elle pourrait être un aspect notable du développement du short sea shipping. ». La Conférence Européenne des Ministres des Transports (2002) voit dans le développement du fluvio-maritime un outil pour désenclaver certaines régions d’Europe. Le déplacement de l’interface terre/mer au cœur du territoire européen doit permettre de réduire certains trafics routiers et les externalités qui en découlent. Le rapport De Richemont (2003) reconnaît plusieurs avantages au fluvio-maritime dont un coût réduit ; un gain de temps en raison de la suppression d’une rupture de charge ; une plus grande fiabilité du transport, la marchandise est mieux préservée car moins manutentionnée.

Malgré ces atouts et les perspectives de développement annoncées, la « révolution » du fluvio-maritime n’a pas eu lieu. Les trafics ont certes progressé sur Rhône-Saône. En 1976, le fluvio-maritime était encore inexistant. Le contrat de Tricastin amène les premiers navires fluvio-maritimes modernes. De 14.000 tonnes en 1977, le trafic a régulièrement grossi pour atteindre moins de 855.000 tonnes en 2005. En l’espace d’une trentaine d’année le trafic a été multiplié par plus de 60 soit une progression moyenne supérieure à 15% par an. Cette croissance spectaculaire ne doit pas cacher une évolution contrastée. Ces dernières années hormis le regain de 2005, les trafics ont tendance à stagner voire à se réduire depuis 2001. Le tonnage traité par fluvio-maritime reste encore marginal par rapport au trafic fluvial sur Rhône-Saône (6,7 millions de tonnes en 2005). Il est par ailleurs fortement dépendant des trafics de céréales (45% du trafic total), soumis aux aléas climatiques (cf. les années 2003 et 2004).

La pertinence du fluvio-maritime reste limitée et porte essentiellement sur de petits volumes. Le fluvio-maritime va à contre-courant de l’évolution du trafic maritime mondial. À la recherche d’avantages compétitifs et d’économies d’échelle toujours plus importantes, le transport maritime a assisté ces dernières années à une croissance importante de la taille des navires. Alors que la taille des navires ne cesse de croître, nous avons développé, à partir d’une analyse micro-économique, un modèle permettant de quantifier les économies d’échelle liées à l’exploitation de différentes unités de transport. Cet outil nous a permis de mesurer la compétitivité du fluvio-maritime dont la taille des unités est contrainte à l’inverse des navires de mer. Nous avons conclu qu’il est particulièrement intéressant pour des ports traitant généralement de petites cargaisons. Ces ports sont souvent à l’écart de la course au gigantisme que les ports majeurs se livrent pour répondre à l’évolution rapide de la flotte. Son positionnement sur les petits volumes est très pertinent pour des services de feedering et/ou des services de transports de porte à porte.

Le fluvio-maritime dispose d’une niche de marché pour des cargaisons de faible tonnage. C’est une solution de transport attractive pour les colis lourds dont la manutention est à la fois complexe et coûteuse. Au départ de Rhône-Saône, le fluvio-maritime est intéressant pour la desserte de petits ports méditerranéens. Il est par ailleurs complémentaire avec l’alternative associant fluvial et maritime qui peut assurer une desserte des ports de plus grande importance.

Nos résultats mettent en lumière un mode de transport encore méconnu et souvent oublié comme le souligne le rapport De Richemont (2003) : « J’ai constaté que le fluvio-maritime était souvent oublié ». Comme il a été souvent souligné, le fluvio-maritime peut contribuer au développement du Transport Maritime à Courte Distance (TCMD – short sea shipping) et participer ainsi à une politique de transports plus durables.

Nous avons démontré la pertinence du fluvio-maritime, cependant notre raisonnement présente certaines limites. L’hypothèse de pleine utilisation des unités de transport (fluvio-maritime, fluviale ou maritime) : transport d’une seule unité de cargaison par navire ; est relativement contraignante mais très utile pour l’analyse. Cette hypothèse permet de conserver des fonctions de coûts continues lorsque les unités de transports arrivent à pleine capacité. D’autres éléments de réflexion se rapportent au choix modal.

Le choix modal dépend de nombreux paramètres. Les plus cités sont le coût, les délais de livraison, la fiabilité et la prévention des risques et dommages. En examinant la compétitivité du fluvio-maritime au travers de la théorie micro-économique nous nous sommes concentrés sur les coûts de transport et les économies d’échelle. Nous pouvons compléter cette analyse avec les variables citées précédemment mais aussi en incorporant les externalités des modes de transport (dimension environnementale).

Nous apporterons ici quelques éléments de perception concernant les dimensions temporelle et environnementale. L’aspect temporel n’apparaît pas comme primordial dans l’analyse de la pertinence du fluvio-maritime. D’une part, la planification et le respect des durées d’acheminement sont souvent plus importants que ces durées elles-mêmes surtout lorsque nous sommes face à une organisation logistique de type juste à temps. D’autre part, face à une chaîne de transport associant un maillon maritime et un maillon terrestre, le fluvio-maritime est toujours plus rapide en raison de la suppression de la rupture de charge lors de l’interface terre/mer.

En revanche, placer le fluvio-maritime en concurrence directe avec le mode routier – ou tout autre mode de transport sur une liaison ne nécessitant pas de rupture de charge intermédiaire (par exemple la relation Lyon-Barcelone en mode routier ou ferroviaire) – semble rendre incontournable la prise en compte des aspects temporels. Ce cas de figure pose le problème de trade-off entre stockage et fréquence de transport. Faut-il privilégier une fréquence de transport élevée pour réduire les coûts de stockage, au prix d’un coût de transport plus important car rapide ? Ou faut-il réduire la fréquence de transport afin de pouvoir bénéficier d’économies d’échelle liées à l’utilisation d’un mode de transport plus lent (massification des flux) avec en contrepartie une augmentation des coûts de stockage ? L’unité de transport, selon ses capacités de massification des flux, peut également servir de plate-forme de stockage avec les notions de stocks roulants ou flottants. Danau et Raux (2007) apportent quelques éléments de réponse. Il est important de considérer la taille des lots à acheminer mais aussi les externalités (pollutions, bruit, bien-être social) d’un transport rapide comme le routier face à celles d’un mode plus lent comme le fluvial. La fréquence d’un transport et ses capacités de massification ne sont pas incompatibles avec sa vitesse : dans le cadre des lignes régulières, le maritime bien que lent offre une fréquence de liaisons avec l’Asie très importante. Nous retrouvons souvent la problématique de la planification et du respect des durées d’acheminement. Ces éléments mériteraient une réflexion plus approfondie.

La dimension environnementale pourrait également être prise en considération. Il existe, néanmoins, peu de données concernant les émissions polluantes des navires fluvio-maritimes. Toutefois, le fluvio-maritime appartient au monde maritime dont nous savons que les émissions de CO2 sont relativement faibles en comparaison avec les activités industrielles et les transports terrestres.

Le maritime est un outil incontournable d’échange de marchandises. L'Union Européenne est dépendante du transport maritime, près de 90% de son commerce extérieur et plus de 40% de ses échanges internes se font par la mer ; au total près de 2 milliards de tonnes de fret sont débarquées ou embarquées dans les ports de l'Union chaque année. Entre 1970 et 2005 (CNUCED 2007) le tonnage transporté par voie maritime a été multiplié par près de 3 ; passant de 2,5 milliards de tonnes à plus de 7 milliards. Cette croissance des échanges maritimes n’aurait pas pu être possible sans une augmentation de la flotte mondiale, dont le tonnage de port en lourd (tpl) a été multiplié par près de 3 sur la même période : 326 millions de tpl en 1970 contre 960 millions de tpl en 2005. Il s’en est suivi une forte évolution des consommations de carburant.

Endresen et al. (2007), Eyring et al. (2005) étudient l’évolution de la flotte maritime et la consommation de carburant correspondante. Leurs résultats suggèrent que l’augmentation du nombre de navires ne se traduit pas nécessairement par une hausse proportionnelle de la consommation de soutes (carburants) maritimes, et ce, en raison des avancées technologiques. Le bilan carbone de l’ADEME (2005) démontre également une certaine efficacité des navires : à taille équivalente les navires les plus récents sont moins « gourmands » en énergie fossile. De même l’augmentation de la taille des navires permet de réduire la consommation de carburant par tonne transportée ; ainsi pour des navires construits en 1990 un handysize (20.000 tonnes de port en lourd) consomme 1,9 gramme de carburant par tonne-kilomètre contre 0,9 g/tkm pour un handymax de 40.000 tpl.

Le maritime émet peu de CO2. Il contribue cependant de manière significative aux émissions d’oxydes d’azote (NOX), d’oxydes de soufre (SOX) et de particules fines (PM). La Commission Européenne (2005) estime qu’en 2020, les émissions de NOX et SOX des navires desservant l’Union Européenne seront supérieures à toutes les autres sources d’émission terrestres de ces gaz des 25 pays membres de l’Union. Toute une série d’études sur les rejets atmosphériques liés à l’activité maritime48 confirme ce constat. C’est pourquoi, la Commission a élaboré une stratégie qui fixe des objectifs ambitieux, réalisables d'ici 2020, pour protéger la santé humaine et l'environnement contre la pollution atmosphérique. Par ailleurs, la directive, 2005/33/CE du Parlement Européen et du Conseil du 06 juillet 2005, impose aux Etats membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les combustibles marins dont la teneur en soufre dépasse 1,5% en masse ne soient pas utilisés dans les parties de leurs mers territoriales, de leurs zones économiques exclusives et de leurs zones de prévention de la pollution qui relèvent des zones de contrôle des émissions de SOX. Ces dispositions sont applicables à tous les navires quel que soit leur pavillon, y compris aux navires dont le voyage a débuté en dehors de la Communauté Européenne.

La réduction de la teneur en soufre des combustibles présente certains avantages pour les navires sur le plan de l’efficacité de fonctionnement et des coûts d’entretien. Elle favorise une utilisation efficace de certaines technologies de réduction des émissions de gaz telles la réduction catalytique sélective. La basse teneur en soufre des combustibles n’impose aucune modification des installations mécaniques. Elle contribue par ailleurs à la protection du matériel. La combustion se réalise à une température moins élevée avec un pouvoir calorifique supérieur. Ceci génère moins d’émissions de dioxyde de carbone et de particules imbrûlées (fumée). Cela se répercute également sur le moteur, par un moindre encrassement, une meilleure injection et donc une usure générale réduite.

La législation Européenne entrera en vigueur le 1er janvier 2010. Certaines zones sont déjà soumises à cette réglementation : la Mer Baltique depuis le 11 août 2006 et la Mer du Nord depuis le 11 août 2007. Dans son rapport, le ICCT – International Council on Clean Transport – (2007) propose des mesures complémentaires afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime. L’ICCT indique l’implication de certains pays comme la Suède, la Norvège et l’Allemagne qui œuvrent auprès de l’OMI (Organisation Maritime Internationale) pour réduire les émissions des navires. Branche du transport maritime, les fluvio-maritimes sont et seront également soumis à ces obligations.

Ces différents éléments et les prochaines évolutions laissent à penser que la prise en considération de la dimension environnementale dans l’évaluation de la pertinence du fluvio-maritime aurait peu d’impact, surtout si le fluvio-maritime est comparé au mode routier.

Sur Rhône-Saône, en raison des contraintes liées à l’infrastructure (tirant d’eau et tirant d’air) le potentiel du fluvio-maritime semble sous-exploité, car il reste limité au transport de vracs solides.

Le fluvio-maritime parvient néanmoins à capter de nouveaux marchés ; ainsi l’implantation de la Société GDE sur le port fluvial de Vienne Sud Salaise a généré sur Rhône-Saône un flux de 100.000 tonnes supplémentaires : exportation de minerais et déchets de la métallurgie vers l’Italie pour recyclage. La Société Aliapur (filière française de valorisation des pneus usagés) a expérimenté au cours de l’été 2007 la solution fluvio-maritime pour l’exportation de broyats de pneus.

Aliapur collecte chaque année 300.000 tonnes de pneus usagés, dont un tiers est destiné à la valorisation énergétique : combustible de substitution en remplacement des énergies fossiles (charbon, coke de pétrole). Entiers ou broyés, les pneus sont considérés comme un combustible alternatif disposant d’une capacité calorifique proche de l’anthracite. Ce combustible de substitution alimente aujourd’hui des cimenteries équipées d’un système de traitement des fumées.

Le Maroc avec un volume total de 60.000 tonnes est l’une des principales destinations des pneus usagés à vocation énergétique. Les broyats de pneus d’Aliapur alimentent ainsi deux cimenteries Lafarge, deux cimenteries Holcim et une cimenterie des Ciments du Maroc.

La logistique était jusqu’à présent organisée autour d’une collecte routière suivie d’une expédition maritime à destination de ports marocains. En août 2007, Aliapur a inauguré un premier voyage fluvio-maritime entre le port fluvial de Vienne Sud Salaise et Nador (Maroc). Le navire chargé de 1.100 tonnes de broyats a réalisé la connexion entre les deux ports en 5 jours. L’affrètement d’un navire fluvio-maritime a permis à la Société Aliapur de réaliser des économies de coûts de transport et d’afficher une action en faveur de l’environnement : l’expédition de plus de 1.000 tonnes de pneus par fluvio-maritime a évité la circulation de plus d’une quarantaine de poids lourds entre la région lyonnaise et Marseille. Si cette solution encore expérimentale confirme ses avantages économiques, Aliapur envisage en 2008 d’acheminer vers le Maroc par fluvio-maritime entre 5.000 à 10.000 tonnes de broyats de pneus.

Malgré l’apparition de nouveaux trafics, le fluvio-maritime sur Rhône-saône reste en marge de la progression des trafics conteneurisés dont la croissance de ces dernières années est à deux chiffres. Le développement de nouveaux outils fluvio-maritimes : le système River Sea Push Barge (RSPB) développé par Valkhof et al. (2000) ou encore le concept de fluvio-côtiers étendus au cabotage, doit permettre de combler ce retard et de redynamiser ce mode de transport. Le RSPB ouvre le marché fluvio-maritime au transport de conteneurs.

Le système RSPB, dont la pertinence a été démontrée par Konings et Ludema (2000), est un convoi poussé (pousseur + barge) capable de naviguer en mer et sur voies navigables. Le passage d’un environnement à l’autre (du fluvial vers le maritime et inversement) s’effectue par un changement de pousseur, deux heures environ selon les auteurs. Le système requiert donc deux pousseurs : l’un adapté à un environnement maritime et l’autre au fluvial, il s’agit dans ce dernier cas d’un pousseur conventionnel.

Le développement en Méditerranée du système RSPB pourrait se traduire par une modification des notions d’hinterland (zone d'influence et d'attraction économique d'un port) et d’avant-pays (zone de desserte d'un ensemble de lignes régulières de transport à partir d'un port). Une ligne régulière conteneurisée entre Lyon et Barcelone développée grâce au système RSPB peut faire de la capitale du Rhône un port avancé de Barcelone. Cette connexion peut permettre au port Catalan d’étendre son hinterland à l’axe Rhône-Saône. Barcelone jouerait un rôle de hub maritime concentrant et éclatant les flux de conteneurs de la route Europe-Asie.

Outre le marché du conteneur, le fluvio-maritime dispose d’un potentiel pour le transport de marchandises dangereuses ayant pour origine / destination le couloir de la chimie. Dans le cas des transports de marchandises dangereuses, les questions de sécurité et de préservation de l'environnement sont décisives. Les entreprises chimiques et pétrochimiques tendent à prendre les plus grandes précautions pour un transport de marchandises dangereuses, notamment en termes de choix modal. Le transport routier, en raison de ses contraintes (réglementation) est devenu la solution de dernier recours. Par ailleurs l’aspect sécuritaire primant sur le reste, l’élément coût de transport devient une variable moins décisive. Le contexte rhodanien, implantations de l’industrie chimique et pétrochimique en bordure de voie d’eau, permet d’envisager pour le fluvio-maritime un certain potentiel : la suppression d’une rupture de charge et un faible niveau d’accidentologie limitent les risques. A ce jour, aucun navire fluvio-maritime citerne n’a fréquenté les eaux du bassin Rhône-Saône. Des navires de ce type sont aujourd’hui exploités en Russie sur la Volga (cf. annexe 10). Exploiter de tels navires sur Rhône-Saône élargirait l’offre fluvio-maritime à un segment relativement « lucratif ». Le potentiel du fluvio-maritime pour le transport de marchandises dangereuses est à évaluer. Les marchandises dangereuses représentent cependant de fortes contraintes pour les ports fluviaux :

Pour ces diverses raisons la politique d’appontements privés semble à privilégier d’autant qu’il existe un concours financier de VNF et des régions pour la construction d’embranchements fluviaux.

Le fluvio-maritime doit certes prospecter d’autres marchés (conteneurs, marchandises dangereuses, vracs liquides) pour se développer. Certains aspects réglementaires sont à modifier pour consolider les flux existants. La CEMT (2002) soulève plusieurs questions, identifiées comme freins réglementaires au développement du fluvio-maritime.

Les navires fluvio-maritimes doivent respecter les réglementations techniques de l’Organisation maritime internationale (OMI). La CEMT (2002) s’interroge sur la pertinence d’appliquer à ces navires des contraintes techniques aussi sévères que les navires de haute mer. Il est proposé de définir des prescriptions techniques spécifiques aux fluvio-maritimes de manière à réduire les coûts de transport.

Le manque d’homogénéité du Droit civil en matière de responsabilité est également pointé. La superposition de réglementations maritimes et fluviales pose problème.

‘« La fragmentation caractérisant actuellement le droit privé relatif au transport par voies de navigation intérieure et, tout particulièrement, l’absence de règles internationales unifiées en matière de responsabilité civile, agissent aussi comme un frein au développement du transport par voies de navigation intérieure, dans la mesure où cette lacune juridique installe l’incertitude. Cette incertitude peut dissuader les transporteurs fluviaux d’accepter des offres de fret, et les chargeurs de recourir aux services de transport des entreprises de navigation fluviale parce qu'ils ne connaissent pas leurs droits et leurs obligations en cas de litige ou de sinistre. » CEMT (2002).’

L’accident de Saint Romain des Îles illustre ce manque de transparence du régime de responsabilité. Le navire Laura a heurté la travée rive droite du pont routier de Saint Romain des Îles causant 1,5 million d’euros de dégâts. Parce que le régime de responsabilité n’est pas clairement défini, la Collectivité a pris en charge et financé les travaux de réparation dans l’attente d’un jugement.

La CEMT (2002) entend contribuer au développement du fluvio-maritime en « assurant [entre autres] au transport fluvio-maritime un accès non discriminatoire à la pleine mer et aux voies navigables intérieures ce qui implique notamment l’élaboration et l’adoption au niveau international de réglementations techniques spécifiques pour les bateaux fluvio-maritimes ». L’accès non discriminatoire à la pleine mer et aux voies navigables intérieures pourrait, sous conditions, se traduire par une exemption de « pilotage » sur les rivières (cf. partie 3) et dans les ports maritimes réalisant l’interface fleuve/mer. Le concept de patron pilote pourrait être adapté.

Outre une série d’actions sur l’offre de transport fluvio-maritime, il conviendrait également d’organiser la demande de transport. Rissoan (1994) développe cette idée sous le terme : « Vers une stratégie de bassin. » La demande de transport n’est pas toujours suffisante et régulière pour éviter des situations de pénurie de cale pouvant remettre en cause l’activité économique de certains acteurs (ports et industries – cf. chapitre introductif). Il s’agirait d’une part d’assurer la promotion du bassin Rhône-Saône et d’autre part de créer de meilleures conditions pour qu’offre et demande puissent se rencontrer.

Avec le concours de VNF et de la CNR les ports fluviaux pourraient assurer la promotion du bassin Rhône-Saône (fluvial et fluvio-maritime). Ce travail viendrait en amont de la commercialisation du transport. L’action des différents acteurs portuaires du bassin serait fédérée autour d’un axe de développement commun. Un port seul n’a pas les moyens commerciaux de fixer un armateur sur le bassin. En revanche, la communauté portuaire de Rhône-Saône peut disposer d’une « force commerciale » importante et apporter des réponses aux problèmes d’équilibrage des flux. La définition d’une stratégie de bassin permettrait de travailler avec des ports méditerranéens à la recherche de transports à destination ou en provenance de Rhône-Saône et donc d’accroître les trafics traités par voie d’eau. Mutualiser les moyens et assurer une promotion commune de l’axe Rhône-Saône pourrait faciliter le regroupement de la demande.

Le second aspect : faciliter la rencontre entre offre et demande de transport, vient dans le prolongement de la première action. L’organisation d’une bourse d’échange virtuelle pourrait faciliter le groupage des marchandises. L’offre fluvio-maritime pourrait s’étendre à des lots de petite taille dont le volume est insuffisant pour justifier l’affrètement d’un navire. Le groupage de flux différents n’est pas irréaliste. Les navires fluvio-maritimes disposent, pour la plupart, de cloisons amovibles permettant de compartimenter la cale. Alliamar développe depuis début 2004 pour tout type de produits un service de navire complet et/ou partiel en groupage. Ce service connecte les ports du Rhône et de la Saône aux pays du Maghreb. Trois services réguliers sont proposés. Le premier offre un départ mensuel à destination de l’Algérie, le second un départ toutes les 6 à 7 semaines pour la Tunisie et le troisième un départ toutes les 7 à 8 semaines vers le Maroc.

La bourse d’échange virtuelle regrouperait non seulement offre et demande de transport ; elle pourrait également démontrer au travers de quelques exemples la pertinence du fluvio-maritime en comparaison avec d’autres alternatives de transport.

Le fluvio-maritime est pertinent sous conditions. Certains aspects mériteraient approfondissement. L’ensemble des actions proposées dans ce travail devrait permettre selon la formulation de Charlier « d’ accentuer la pente géographique de Rhône-Alpes vers le versant maritime méditerranéen ».

Notes