Annexe 4. Fluvio-maritime, coupure de presse.

Des marins échoués et sans argent à Montélimar.

Article paru dans l’édition du Monde le 29-11-2006.

Six marins, trois matelots birmans et trois officiers russes, sont bloqués sans ressources devant un quai du Rhône à hauteur de Montélimar (Drôme) depuis le 1er novembre. Leur navire fluvio-maritime, l'Ace-1, battant pavillon de complaisance d'un État des Caraïbes, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, a connu une panne totale de moteur tandis qu'il transportait du sel entre la Sardaigne et Châlon-sur-Saône (Saône et Loire). Selon le capitaine russe, Vladimir Sosnovitch, qui s'exprime dans un mauvais anglais, l'armateur, Cardinal Shipping basé à Monaco, "fait tout ce qu'il peut, mais il y a des discussions avec les assurances, c'est long et difficile".

La réparation de l'avarie, "très grave" ne peut être effectuée qu'après un remorquage jusqu'à Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône), à l'embouchure du grand fleuve : le port de Montélimar, constitué d'un quai sommaire ne dispose d'aucun équipement.

L'accident a surtout révélé que les marins, qui ont appelé à leur secours le représentant du syndicat ITF (Fédération internationale des ouvriers du transport), n'étaient pas payés depuis des mois. Selon les calculs d'Yves Reynaud, l'inspecteur ITF basé à Marseille, l'armateur doit "92 000 dollars (70 000 euros) en retards de paiement à son équipage. Les matelots n'étaient payés - quand ils l'étaient - que 300 dollars par mois, alors qu'ils auraient dû en recevoir 1.500. Et les salaires des officiers étaient eux aussi inférieurs à la convention dont ils dépendent". Depuis la panne, les marins ne disposent plus que de 5 euros par jour. Pas question donc de rentrer chez eux, et pas d'autre sortie possible que le ravitaillement au supermarché. Le Seamen's Club de Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) devrait leur faire parvenir des cartes de téléphone afin qu'ils puissent parler à leurs familles.

La situation de ces marins abandonnés est encore aggravée par une ambiance déplorable à bord. Le capitaine, qui défend les intérêts de l'armateur en même temps qu'il s'en plaint, s'en prend sans cesse aux trois marins birmans qu'il accuse d'incompétence ou de lui "faire une cuisine qui (le) rend malade".

Il les accuse aussi de mentir sur les sommes qu'ils auraient perçues dans les dernières semaines. Les trois marins, embauchés par une société d'intérim polonaise, ripostent par la voix de leur porte-parole, le cuisinier : "Nous sommes des salariés, notre propriétaire doit payer les salaires." Dans les entrailles du bateau le sel, qui aurait dû être débarqué depuis des semaines, attaque la coque.

Les négociations avec l'armateur, commencées par M. Reynaud, jeudi 23 novembre, par fax et par téléphone, sont au point mort. Le syndicaliste envisage donc de demander au tribunal de commerce la saisie conservatoire du navire "pour se garantir sur le bien si les salaires ne sont pas versés".

Michel Samson

Article paru dans l'édition du Monde le 29.11.06