2.1.1. Caractéristiques et structuration

Une syllabe peut être considérée comme une unité linguistique articulatoire autonome, intermédiaire entre le mot et le phonème (i.e., unité minimale de son, distinctive, non significative et interchangeable), produite d’une seule émission de voix. On dit alors qu’il s’agit d’une unité infralexicale large puisqu’elle correspond à l’élément le plus grand de décomposition du mot. Pourtant, la syllabe ne se réduit pas à une chaîne linéaire de graphèmes ou de phonèmes sans structure interne complexe et organisée (e.g., Hooper, 1972 ; Pulgram, 1970), mais doit être décrite comme un ensemble hiérarchiquement structuré dont les plus petits constituants phonologiques sont les phonèmes et orthographiques, les graphèmes.

Alors qu’un certain nombre de théories s’oppose quant à l’existence de sous-composants syllabiques (Clements & Keyser, 1983), les conceptions actuelles défendent le point de vue selon lequel la syllabe comporterait des subdivisions hiérarchisées en segments de plus en plus fins, allants du niveau de l’attaque-rime, cette dernière elle-même décomposable en noyau-coda (e.g., Blevins, 1995, pour une synthèse ; Fudge, 1987 ; Goldsmith, 1990 ; Selkirk, 1982 ; Treiman, 1986 ; Treiman, 1989), jusqu’au phonème. Dans cette conception arborescente (Figure 1), l’attaque se définit comme une consonne ou un groupement de consonnes (i.e., cluster consonantique) précédant le pic vocalique. Le pic vocalique, ou noyau, représente l’élément indispensable le plus sonore du segment syllabique, c’est-à-dire une voyelle. La rime englobe le noyau ainsi que les éventuels éléments le suivant, tels que la coda. Enfin, la coda correspond à une consonne ou un groupement de consonnes suivant la voyelle.

Par ailleurs, Clements (1990) affine ces décompositions de la syllabe en considérant que certains constituants sont obligatoires, d’autres, facultatifs. Il propose que la syllabe puisse être définie par un pic vocalique pouvant ou non être entouré de bords (i.e., attaque et/ou coda). Une syllabe ne comportant pas de coda est dite syllabe ouverte (e.g., CV) tandis qu’une syllabe se composant d’une coda est dite syllabe fermée (e.g., CVC).

Cependant, il faut comprendre que toute syllabe est une déclinaison, par addition ou suppression d’éléments, d’un même prototype syllabique, à savoir, la syllabe CV (i.e., consonne-voyelle). Il s’agit effectivement du format syllabique universel le plus simple et le plus fréquent dont le profil de sonorité est optimal (Clements, 1990). La notion de constituants obligatoires ou facultatifs découle des données issues de l’étude des langues du monde (Clements & Keyser, 1983). En d’autres termes, le noyau, et par là même la rime, est un constituant obligatoire puisque toute syllabe comporte impérativement au moins ce segment syllabique. En revanche, l’attaque, même universellement obligatoire (i.e., aucune langue n’est privée de syllabe CV, ce qui légitime son caractère obligatoire ; Encrevé, 1988 ; Kaye & Lowenstamm, 1984), est syllabiquement facultative puisque certaines langues recensent des syllabes de type VC. Enfin, la coda est universellement et syllabiquement optionnelle puisque certaines langues peuvent n’avoir, par exemple, que des syllabes de type CV ou CCV.

Figure 1. Hiérarchie de la structure interne d’un mot bisyllabique (inspiré de Treiman, 1989).