2.1.3. Sonorité et configuration interne

Il existe pour certaines unités infrasyllabiques un statut phonologique privilégié (i.e., attaque ou coda). Par exemple, les consonnes peu sonores sont fréquentes en attaques, mais rares en coda (Blevins, 1995). Des données statistiques issues de recherches en français soulignent que, dans les structures bisyllabiques de type CVC.CVC (e.g., PAR.TIR), les consonnes à faible sonorité sont plus fréquentes en attaque qu’en coda (76.4% des mots CVC.CVC ont une coda sonore) et inversement pour les consonnes à forte sonorité (Content, Mousty & Radeau, 1990). D’après les travaux de Clements (1990), la syllabe préférée au travers des langues montre un profil de sonorité qui croît maximalement vers le pic vocalique et décroît faiblement sur la fin. Une syllabe sera d’autant plus complexe qu’elle diffère de ce profil de sonorité. Il s’agit là d’une hiérarchie de complexité syllabique basée sur le profil de sonorité. La sonorité contraindrait ainsi les structures syllabiques (Zec, 1995). De même, les frontières syllabiques sont plus ou moins complexes selon le profil de sonorité des segments intervocaliques (Hooper, 1972 ; Pulgram, 1970 ; Selkirk, 1982); le contact optimal entre deux syllabes consécutives suit un faible accroissement de sonorité en fin de première syllabe et une forte augmentation en début de seconde (Clements, 1990 ; Vennemann, 1988). Selon la loi de Contact Syllabique Optimal (i.e., Syllable Contact Law, Hooper, 1972 ; Murray & Vennemann, 1983 ; Vennemann, 1988), l’enchaînement le plus simple et le plus fréquent dans les langues est caractérisé par une fin de syllabe plus haute en sonorité que le début de la seconde syllabe. C’est en ce sens que Murray et Vennemann (1983) proposent un patron performant où le premier segment surclasse le second en termes de sonorité (Figure 3).

Certaines données issues de la psycholinguistique montrent que la sonorité de la consonne postvocalique diminue la netteté de la frontière entre le noyau et la coda et augmente la cohésion de cette consonne avec la voyelle précédente (Treiman & Danis, 1988 ; Treiman, Zukowski & Richmond-Welty, 1995a). Alors que la séparation en attaque-rime en anglais semble claire (e.g., Kessler & Treiman, 1997 ; Treiman, 1989 ; Treiman & Chafetz, 1987 ; Treiman & Kessler, 1995), la distinction entre noyau et coda est parfois plus difficile, car elle dépend du statut de la consonne finale : par exemple, les codas liquides sont plus difficilement dissociables de la voyelle (i.e., ce phénomène repose sur une plus grande cohésion due à la proximité du rang de sonorité entre le noyau et la coda). Ces constats rejoignent la conception de Clements (1990) pour lequel une coda optimum doit être proche en sonorité de la voyelle précédente tandis qu’une attaque optimum doit progressivement monter en sonorité vers la voyelle (Figure 3).

Figure 3. Exemple d’un patron de sonorité optimal à la frontière syllabique (Murray & Vennemann, 1983) et de configurations syllabiques internes idéales (Clements, 1990).