2.2. Modèle Connexionniste à Processus Duel+

Bien que n’étant pas réellement un modèle à Double Voie à proprement parler, le récent modèle Connexionniste à Processus Duel+ (i.e., Connectionist Dual-Process+, CDP+, Perry, Ziegler & Zorzi, 2007) propose des innovations ambitieuses. Ce modèle est composé d’une architecture empruntée partiellement au DRC pour la voie lexicale et au CDP (cf. Chapitre 3, Partie 3.4., Zorzi, Houghton & Butterworth, 1998) pour la voie prélexicale. L’idée est de nicher au sein de CDP+ une architecture connexionniste fonctionnant séquentiellement et en parallèle basée sur les meilleures performances et caractéristiques de DRC et CDP, tout en y apportant les modifications nécessaires (Figure 5). En effet, le CDP+ intègre de nouveaux modules spécifiant de gabarits graphémiques et phonologiques. Pour la voie lexicale empruntée à DRC, les auteurs ont conservé les principales caractéristiques sauf pour l’information phonologique de sortie. Ils ont décidé de coder les mots selon un tampon phonologique de sortie structuré en huit slots infralexicaux syllabiques reposant sur la séparation en attaque, pic vocalique et coda et capable de transcoder les graphèmes complexes.

Pour la voie prélexicale, Perry et al. (2007) ont implémenté le Réseau Double Couche de Phonologie Assemblée (i.e., Two-Layer network of phonological Assembly, TLA, Zorzi et al., 1998), couplé, d’une part, à un tampon graphémique intermédiaire (capable d’encoder des graphèmes complexes, typiques en anglais, Perry & Ziegler, 2004) aussi aligné sur huit slots infralexicaux sur un format grapho-syllabique, mais spécifiquement dédié aux traitements orthographiques (Houghton & Zorzi, 2003) et d’autre part, au tampon phonologique de sortie.

La phase d’apprentissage consistait à explicitement enseigner les règles CGP les plus fréquemment rencontrées en condition écologique d’apprentissage de la lecture (voir Hutzler, Ziegler, Perry, Wimmer & Zorzi, 2004). En revanche, l’entraînement s’appuyait sur des mots tirés du corpus CELEX (Baayen, Piepenbrock & Van Rijn, 1993, cités par Perry et al., 2007). Après entraînement, CDP+ a atteint un score de 98.7% de réponses correctes sur les mots prélevés dans CELEX (Baayen et al., 1993, cités par Perry et al., 2007). Testé sur la base de données de pseudomots de Seidenberg, Plaut, Petersen, McClelland et McRae (1994), CDP+ a montré un taux d’erreurs de 6.25%, inférieur au taux d’erreurs observé par Seidenberg et al. (1994) avec des participants humains (i.e., 7.3%). L’intérêt de cette étude a aussi été d’évaluer les résultats obtenus par les simulations d’autres modèles ou par des études comportementales. Succinctement, le réseau CDP+ a notamment été confronté sur une batterie d’effets issus des travaux de Jared (2002 ; consistance, fréquence), Rastle et Coltheart (1999 ; position de l’irrégularité), Reynolds et Besner (2005 ; effets de pseudohomophonie), ou Weekes (1997 ; fréquence, lexicalité, longueur de mots). Les résultats de CDP+ sont impressionnants dans la mesure où ils rendent compte, ou plutôt ils reproduisent, avec précision des comportements observés chez des participants humains et simulent plus exactement les données obtenues par de précédents modèles connexionnistes. Les performances de ce réseau mettent en évidence l’importance de l’implémentation de deux voies de lecture travaillant simultanément, même en lecture experte. De plus, il ressort assez nettement que la précision et la rapidité du réseau pour apprendre certaines régularités (e.g., consistance, position, phonotactique) et les règles CGP reposent sur les modifications apportées aux tampons graphémiques et phonologiques pour spécifier des appariements infralexicauxsyllabiques.

Actuellement, le modèle CDP+ fait l’objet d’aménagements et d’apprentissages pour simuler les comportements dans d’autres langues, notamment en français puisque toutes les simulations réalisées jusqu’à présent avec CDP+ portaient sur des mots et des pseudomots monosyllabiques anglais.

Figure 5. Architecture du modèle de lecture CDP+ (Perry et al., 2007).