3.5. Modèle de Mémoire à Traces Multiples

Le modèle de Mémoire à Traces Multiples (i.e., Multiple Trace Memory, MTM, Ans, Carbonnel & Valdois, 1998 ;Juphard, Carbonnel, Ans & Valdois, 2006) reprend l’architecture de base du réseau PDP sauf qu’il s’avère capable de traiter des mots polysyllabiques français. Cependant, le MTM ne défend pas une seule et unique procédure de traitement et s’oppose aux modèles à deux voies en ce sens qu’il prône l’existence d’une seule voie composée de deux procédures, l’une globale et l’autre analytique (Figure 10). Toutefois, ces deux procédures ne fonctionnent pas en parallèle, mais de manière sérielle et ne reposent pas sur l’utilisation des règles CGP (seules les connaissances des lettres avaient été implémentées). La procédure analytique est toujours précédée par la procédure globale, n’intervenant alors que lorsque la première échoue. Comme dans les modèles PDP, ces deux procédures ne font pas de distinction en fonction du type d’items à traiter (i.e., mot ou pseudomot) mais reposent sur une fenêtre visuo-attentionnelle orthographique différente. En d’autres termes, les traitements globaux sont effectués sur la partie non ambiguë la plus large possible de l’item alors que les traitements analytiques vont comparer séquentiellement les syllabes voire même les graphèmes jusqu’à ce que la prononciation soit rendue possible. Tout ce système s’appuie sur cette complémentarité successive temporelle de deux procédures dont l’efficacité rend compte à des excellentes performances du réseau. En lecture de mots mono- et bisyllabiques, 97.52% sont lus globalement et 2.48% analytiquement alors que 77.35% sont lus analytiquement et 22.65% globalement lorsqu’il s’agit de pseudomots.

Les résultats produits par le modèle ont été confortés et enrichis par les travaux de Juphard et al. (2006). Ces auteurs ont montré que les mots de deux syllabes étaient traités plus rapidement que les mots de trois syllabes, ces derniers étant eux-mêmes traités plus rapidement que les mots de quatre syllabes. En prononciation, les pseudomots engendraient des temps de réponse plus longs que les mots. Ce dernier résultat est expliqué par le fait que dans le cas des pseudomots, la procédure analytique s’applique et est donc temporellement plus tardive. Mais cet effet disparaît en décision lexicale, en conformité avec les prédictions du MTM qui ne différencie pas les deux catégories d’items pour, finalement, les traiter par une procédure globale. Une extension possible du comportement du MTM est de stipuler que l’activation de la procédure globale va avoir lieu pour les items fréquents tandis que la procédure analytique va se déclencher pour les items peu fréquents (effet de longueur de mot) (pour des résultats en accord avec les simulations de Ans et al., 1998 ou Juphard et al., 2006, voir Ferrand, 2000 ; partiellement les observations de Ferrand & New, 2003 ; Weekes, 1997).

Figure 10. Architecture du modèle de lecture MTM, adapté de Ans et al. (1998).