5. Conclusion

L’avantage des modèles connexionnistes reste de pouvoir simuler de nombreux effets classiquement présentés dans la littérature. De même, les dernières innovations (e.g., DRC, Coltheart et al., 2001 ; CDP+, Perry et al., 2007) augmentent la flexibilité de ces modèles et tendent à se rapprocher avec exactitude des données comportementales. Cependant, là où les modèles excellent dans l’implémentation des modules capables de simuler les traitements, ils se limitent à des modélisations restreintes le plus souvent à l’anglais, sur des mots monosyllabiques (mais voir MTM, Ans et al., 1998), en lecture experte à voix haute généralement. Si l’implémentation d’un codage phonologique est pleinement justifiée dans ces modèles, la taille des unités (i.e., graphème, syllabe…) et la nature des traitements ne suscitent pas encore de consensus, comme par exemple entre les partisans d’un traitement sériel gauche-droite et les partisans d’un traitement parallèle.

Comme nous venons de le rappeler, la nature et la structure des processus de CGP posent encore des problèmes. Plusieurs unités ont été proposées dont les graphèmes. Rey, Jacobs, Schmidt-Weigand et Ziegler (1998) ou Rey, Ziegler et Jacobs (2000) ont montré que la détection d’une lettre dans un graphème complexe prend plus de temps que lorsqu’elle est dans un graphème simple (e.g., Rey & Schiller, 2005). C’est la résolution de la compétition entre un graphème complexe et des graphèmes simples qui prend du temps. La mise en correspondance des graphèmes et des phonèmes augmente à cause du délai de regroupement des lettres en graphèmes (Rey et al., 1998). Ainsi, un nombre de graphèmes différent du nombre de lettres dans un mot augmente les temps de réponse.

Enfin, certains de ces modèles demeurent critiquables quant à l’opacité et à l’absence de plausibilité neurobiologique des algorithmes d’apprentissage. Cependant, ils restent d’excellents terrains d’ancrage pour étayer des hypothèses sur la reconnaissance visuelle de mots et, de par leur flexibilité croissante, laissent un vaste champ d’opportunités sur des modélisations d’un point vue développemental en lecture silencieuse, en français, dans cette langue dominée par des mots polysyllabiques.

Un de nos objectifs est d’apporter des preuves de l’importance de la syllabe phonologique – et des caractéristiques linguistiques – en lecture experte silencieuse en français, ce qui n’est que très peu exploité dans ces modèles qui simulent les mécanismes de lecture à voix haute. Grâce à l’utilisation de deux tâches (i.e., paradigme des conjonctions illusoires et tâche de reconnaissance bimodale audio-visuelle de pseudomots), l’idée est d’apporter des éléments supplémentaires qui justifieraient de la nécessité de prendre en compte le rôle de la syllabe afin d’incorporer un niveau de représentations syllabiques à ces modèles, comme cela a été proposé par Ans et al. (1998).