3.5. Sensibilité précoce aux syllabes : exemple d’étude inter-langue

Duncan, Colé, Seymour et Magnan (2006) se sont intéressés à la comparaison de la trajectoire développementale des habiletés phonologiques avant et pendant l’apprentissage de la lecture chez des enfants de deux familles de langues différentes : l’anglais et le français. Ils ont testé des enfants de quatre, cinq et six ans sur des tâches de segmentation de mots et de détection d’unités communes. Les résultats obtenus ont attesté une différenciation dans le décours et le type d’unités utilisé par les deux populations d’enfants. Dès quatre ans et même pendant l’apprentissage de la lecture, les enfants français détectent mieux les syllabes et ce n’est qu’à partir de six ans (i.e., introduction de la lecture) qu’ils deviennent sensibles aux phonèmes. Pour les enfants anglais, de quatre à six ans, les phonèmes étaient les unités les mieux détectées (i.e., mais pas à 4 ans) et ce n’est que vers cinq ans que la sensibilité à des unités larges (i.e., syllabe et, dans une moindre mesure, la rime) se manifestait. Ces résultats témoignent de deux aspects spécifiques à l’apprentissage de la lecture. D’une part, le décours temporel de la maîtrise des unités phonologiques n’est pas universel dans le sens unités larges vers unités réduites et dépend des caractéristiques rythmiques et phonotactiques de la langue. D’autre part, cette étude confirme que c’est sous l’impulsion de l’enseignement explicite de la lecture que la conscience phonémique s’élabore, et cela, dans les deux langues. Cette étude relance le débat sur la primauté des grandes unités sur les petites unités dans les traitements phonologiques et sur la prévalence, lors de l’apprentissage de la lecture en français, de la syllabe.