5.2. Syllabe et perception orale précoce

En perception de la parole, les travaux menés en français depuis une trentaine d’années ont largement contribué à asseoir la sensibilité précoce des jeunes enfants préscolaires aux unités de taille syllabique, donnant même lieu à un modèle des syllabogènes (i.e., SARAH, Syllable Acquisition, Representation and Access Hypothesis, Mehler et al., 1990). Les données disponibles montrent que très tôt, les enfants français sont capables d’organiser les sons en syllabes (Mehler & Dupoux, 1995).

De plus, Bijeljac-Babic, Bertoncini et Mehler (1993) ont mis en évidence que les nouveaux-nés sont sensibles à la structure syllabique de leur langue et qu’ils discriminent des stimuli bi- et trisyllabiques, indépendamment du nombre de phonèmes. En d’autres termes, la segmentation précoce reposerait sur la syllabe en français. En effet, même des enfants de 4-5 ans, dans une tâche d’insertion de pause, sont capables de répéter des segments correspondants à des syllabes et de respecter les principes de syllabification propres au français (Goslin & Floccia, 2007). Celle-ci aurait un rôle d’indice prosodique compte tenu de la structuration syllabique simple du français (Nazzi, Iakimova, Bertoncini, Frédonie & Alcantara, 2006 ; Ramus et al., 1999 ; voir aussi Mehler & Dupoux, 2004) et nécessaire au développement du langage chez l’enfant. De manière analogue, et très intéressante, les recherches de Curtin, Mintz et Christiansen (2005), Jusczyk, Jusczyk, Kennedy, Schomberg et Koenig (1995) ou encore de Nazzi, Dilley, Jusczyk, Stattuck-Hufnagel et Jusczyk (2005) ont aussi observé que les très jeunes enfants anglais étaient capables d’effectuer des traitements syllabiques. Toutefois, la sensibilité précoce des anglophones aux syllabes doit être nuancée dans la mesure où c’est l’alternance entre syllabe accentuée et non accentuée qui déterminerait la stratégie de segmentation.