3. Origines et hypothèses explicatives

3.1. Génétique et dyslexie

Depuis plusieurs décennies, l’aspect héréditaire de la dyslexie a suscité de nombreuses spéculations. Grâce à des études ciblées et à l’essor des techniques, l’incidence de facteurs génétiques a donné lieu à des travaux intéressants. Des études familiales ont montré la portée de l’héritabilité dans des familles où des membres présentaient des troubles dyslexiques (e.g., DeFries, Fulker & Labuda, 1987 ; Lyytinen, Aro, Eklund, Erskine, Guttorm, Laakso et al., 2004 ;Snowling, Gallagher, Frith, 2003). Ces résultats ont renforcé l’hypothèse d’une héritabilité génétique sans qu’il ne soit possible d’identifier les gènes impliqués et leurs rôles spécifiques. Les progrès récents ont permis d’identifier une multiplicité de régions chromosomiques potentielles qui laisse transparaître une implication intriquée de plusieurs gènes (Fisher & DeFries, 2002 ; Grigorenko, 2001). Quatre sites (ou loci) ont été identifiés et sont susceptibles d’être liés aux troubles dyslexiques (i.e., DYX1 sur le chromosome 15, DYX2 sur le chromosome 6, DYX3 sur le chromosome 2 et DYX5 sur le chromosome 3). Certains gènes seraient notamment impliqués dans les phénomènes de migration neuronale (e.g., Taipale, Kaminen, Nopola-Hemmi, Haltia, Myllyluoma, Lyytinen et al., 2003 ; Wang, Paramasivam, Thomas, Bai, Kaminen-Ahola, Kerer et al., 2006) et dans la régulation du guidage axonal inter-hémisphère pour la transduction du signal (e.g., Hannula-Jouppi, Kaminen-Ahola, Taipale, Eklund, Nopola-Hemmi, Kääriäinen et al., 2005 ; Nopola-Hemmi, Myllyluoma, Haltia, Taipale, Ollikainen, Ahonen et al., 2001).

L’apport des découvertes génétiques est instructif, mais comme le rappelle Stanislas Dehaene (2007), à ce jour, il n’existe pas de gène de la dyslexie. Finalement, peu d’études sont parvenues à établir un lien entre génotype et manifestations phénotypiques liées à la lecture (mais voir Grigorenko, Wood, Golovyan, Meyer, Romano & Pauls, 2003). Cela se doit notamment à la récence des travaux, mais aussi à l’étendue des gènes à inspecter. Ramus (2004) souligne qu’il existe une grande hétérogénéité au niveau des anomalies génétiques et qu’il est probable qu’une seule aberration génétique ne soit pas seule responsable des troubles cognitifs. Par ailleurs, l’absence de réplication dans certaines études pourrait s’interpréter comme un problème d’identification des véritables gènes dits de susceptibilité (e.g., Galaburda, LoTurco, Ramus, Fitch & Rosen, 2006).Enfin, il ne faut pas négliger l’aspect environnemental dans lequel chaque sujet se développe et dont la combinaison avec les facteurs génétiques peut accroître cette diversité (e.g., Castles, Datta, Gayan & Olson, 1999).