3.8.6. Conclusion

La théorie phonologique semble bien plus robuste pour expliquer la prévalence des déficits des sujets dyslexiques. Effectivement, il apparaît clairement que tous ou en tout cas, la majorité des dyslexiques ont des déficits phonologiques (Ramus et al., 2003b). Des difficultés marquées en analyse phonémique, en MCTP ou en perception catégorielle sont des éléments caractéristiques des dyslexiques. Ils ont des difficultés particulières dans la manipulation des unités de la langue (e.g., extraction, inversion, suppression de phonèmes ou de syllabes…, e.g., Habib & Rey, 2000). Il est maintenant clairement établi que les célèbres confusions entre les lettres b et p ne sont pas de nature visuelle, mais de nature phonologique et qu’elles se retrouvent aussi auprès d’enfants normo-lecteurs (Cossu et al., 1995).

Pourtant, une remise en cause récente (Ramus & Szenkovits, 2008) pose la question de la nature de ces troubles. S’agit-il de troubles des représentations phonologiques ou bien s’agit-il de troubles dans l’accès à ces représentations phonologiques. À la lumière de ce que nous avons présenté, nos conclusions s’orientent et s’accordent principalement avec une altération des représentations phonologiques, comme en témoignent les données obtenues en perception catégorielle (e.g., Veuillet et al., 2007). En résumé, en discrimination, les catégories phonémiques seraient faiblement et différemment spécifiées par rapport aux normo-lecteurs : ils discriminent moins bien les phonèmes de différentes catégories (i.e., perception inter-catégorielle) mais mieux les phonèmes au sein de la même catégorie (i.e., perception intra-catégorielle) (e.g., Rosen & Manganari, 2001 ; Serniclaes et al., 2001). Le trait phonétique de voisement serait donc un élément acoustico-phonétique de première importance pour la maîtrise des CGP et le développement normal des habiletés de lecture. En effet, Breier, Fletcher, Denton et Gray (2004) ont montré que de faibles habiletés dans les traitements phonologiques chez des enfants à risque de troubles de la lecture sont étroitement liées à de faibles performances en perception catégorielle.

Cependant, pour les opposants à l’hypothèse phonologique, comment expliquer que certains dyslexiques ne présentent pas de troubles phonologiques et comment expliquer la présence éventuelle des autres déficits sensori-moteurs (e.g., moteurs, visuels...) ? De leur côté, Castles et Coltheart (2004) rétorquent que les faibles performances dans les épreuves de conscience phonologique peuvent être causes ou conséquences d’un retard d’acquisition de la lecture, car l’apprentissage de la lecture et le développement de la conscience phonologique entretiennent des liens bidirectionnels d’où la nécessité d’effectuer des comparaisons systématiques en âge chronologique et lexique.