5. Synthèse du chapitre 6

Tout au long de ce chapitre, nous avons exposé les différentes théories explicatives des troubles dyslexiques. Après avoir donné la définition communément admise de la dyslexie, nous avons introduit les différentes caractéristiques utilisées pour la typologie des « dyslexie visuo-attentionnelle », « dyslexie phonologique », « dyslexie de surface » ou « dyslexie mixte », en insistant sur les vives controverses qui en découlent (e.g., Sprenger-Charolles et al., 2000) concernant les mesures employées (i.e., précision et/ou vitesse).

Nous avons ainsi pu voir que dans tous les cas, les sujets dyslexiques présentent des déficits en analyse phonémique, en MCTP, en RAN et dans de nombreux cas, en perception catégorielle (e.g., Ramus, 2003 ; Serniclaes et al., 2001 ; 2004). Nous avons également fait remarquer que ces déficits se retrouvaient aussi bien dans une langue dont les caractéristiques linguistiques sont opaques (e.g., en anglais), que dans une langue plus transparente (e.g., en français), soulignant l’aspect assez universel de la dyslexie (voir Ziegler & Goswami, 2005).

Par la suite, nous avons fait un état des lieux des dernières avancées en matière de génétique et un bilan des données neuroanatomiques accumulées depuis près de trente ans. Nous avons montré qu’aucun « gène de la dyslexie » n’est clairement identifié à ce jour.

Parmi tous les dysfonctionnements cérébraux relevés chez les dyslexiques, une anomalie métabolique de la région pariéto-temporale gauche semblerait être un excellent candidat à qui attribuer les déficits des dyslexiques (e.g., Dehaene, 2007). Mais qu’il s’agisse des partisans d’un déficit moteur (e.g., Nicolson et al., 2001a), d’un déficit visuel (e.g., Stein, 2001), d’un déficit auditif-temporel (e.g., Tallal, 1980) ou encore d’un déficit visuo-attentionnel (e.g., Valdois et al., 2007), toutes ces recherches sont parvenues à apporter des arguments pour étayer les manifestations comportementales déficitaires.

Pourtant, comme l’indique justement Ramus (2003), de tels déficits ne sont pas communs à tous les cas de dyslexie. Bien au contraire, ils sont souvent minoritaires et pourraient n’entretenir aucun lien causal avec les troubles observés. D’ailleurs, comme l’ont montré les études de Chiappe et al. (2002), Ramus et al. (2003b) ou de Share et al. (2002), la part de la variance en lecture n’est pas ou très peu expliquée par de tels déficits. L’indice le plus fiable est sans conteste le trouble phonologique. Dans cette optique-là, la dyslexie pourrait être envisagée comme un désordre cognitif de nature phonologique tant la prévalence de déficits phonologiques est forte. Ramus (2003) définit ainsi la dyslexie comme un trouble persistant et durable dans l’apprentissage de la lecture, optionnellement accompagnée de syndromes sensori-moteurs.

Malgré un vaste ensemble de travaux visant à caractériser l’origine des troubles dyslexiques, les débats sont toujours très actifs. Il reste de nombreuses questions en suspens quant à l’origine des déficits phonologiques : troubles des représentations phonologiques ou troubles d’accès aux représentations phonologiques (e.g., Ramus & Szenkovits, 2008). Bien que de nombreuses recherches se soient essayées à des entraînements ciblés sur certains types de déficits et sur certaines unités pertinentes en lecture (e.g., Habib et al., 2002 ; Veuillet al., 2007), peu de travaux se sont finalement penchés sur le statut de la syllabe (voir Colé et Sprenger-Charolles, 1999) et de la sonorité et des règles phonotactiques en français.