2.6. Discussion

Dans cette expérience, nous avons employé une tâche de décision lexicale manipulant le statut des items : pseudomot, pseudohomophone et mot. La tâche a été proposée à des enfants dyslexiques développementaux appariés à des enfants normo-lecteurs de même âge chronologique et de même âge lexique. L’objectif majeur était de préciser la mise en place et le fonctionnement des procédures phonologiques et orthographiques auprès d’enfants avec et sans troubles de la lecture. La tâche tentait également d’évaluer les habiletés de ces enfants pour traiter la complexité des structures syllabiques et la fréquence lexicale. Enfin, il s’agissait de confronter les comportements des trois populations d’enfants entre elles.

Tout d’abord, nous constatons que la comparaison du critère de sensibilité estimé par le d’ met en évidence une première distinction entre les différents groupes d’enfants. Les enfants NLAC ont des capacités de discrimination plus élevées que les enfants NLAL et DYSL. Cependant, cette capacité de discrimination n’est pas différente entre les enfants NLAL et DYSL. Nous pouvons interpréter ce premier ensemble de résultats selon deux axes. Les enfants NLAC possèdent un seuil de sensibilité plus élevé parce que la tâche est trop simple à réaliser, ce que nous rejetons dans la mesure où même les adultes présentent des difficultés à effectuer sans erreur ce type de tâche (e.g., Rubenstein et al., 1971). Plus probablement, les enfants NLAC ont développé des habiletés phonologiques et orthographiques avec l’apprentissage qui leur permettent de mieux catégoriser les items comme étant ou non des mots de la langue. La différence significative entre les enfants NLAC et les enfants NLAL et DYSL s’explique par le manque d’efficacité des procédures de traitement. Pour les enfants NLAL, ce serait certainement le manque de confrontation avec l’orthographe et la fragilité des connaissances phonologiques – seules informations sur lesquelles les enfants s’appuieraient en premier lieu – qui seraient responsables de la faiblesse des capacités de discrimination. En revanche, pour les enfants DYSL, ce serait la déficience des procédures – phonologiques et/ou orthographiques – plutôt qu’une inexpérience avec les règles CGP et l’écrit qui serait la cause de ces contre-performances compte tenu de leur âge chronologique. Toutefois, cette interprétation demeure compatible avec l’absence de différences des capacités de discrimination des enfants NLAL avec celles des enfants DYSL : dans un cas, le manque d’efficacité des procédures bloque la progression des automatismes et des habiletés des enfants DYSL à un stade primaire de connaissances tandis que dans le cas des enfants NLAL, les débuts de l’apprentissage de la lecture ne fournissent qu’un ensemble limité de compétences, proches dans leur vitesse et dans leur précision que celles auxquelles sont restreintes les enfants DYSL.

Les analyses portant sur les temps de réponse et sur les erreurs pour les trois groupes d’enfants dans la confrontation des pseudohomophones et des pseudomots d’une part et des mots avec les remplisseurs d’autre part apportent des éléments validant partiellement certaines de nos hypothèses. En effet, conformément à l’une de nos prédictions, les performances des enfants NLAC, NLAL et DYSL diffèrent significativement au niveau de la vitesse des réponses. Les enfants NLAC, plus expérimentés, catégorisent plus rapidement les items que les enfants NLAL qui eux-mêmes répondent plus brièvement que les enfants DYSL. Cette dernière différence témoigne d’une difficulté particulière au niveau de la vitesse de traitement des enfants DYSL, conformément à ce que rapporte la littérature sur le comportement déviant des enfants DYSL lorsqu’ils sont comparés à des enfants plus jeunes de même âge lexique (e.g., Grainger et al., 2003 ; Sprenger-Charolles et al., 2000 ; Ziegler et al., 2003).

Par ailleurs, nous obtenons un effet de la fréquence lexicale. Les items fréquents provoquent moins d’erreurs et sont traités plus rapidement que les items peu fréquents. Bien que nous ayons fait l’hypothèse d’un effet de fréquence pour les enfants NLAC et DYSL, la présence d’un tel effet ne devrait pas se manifester chez les enfants NLAL. Or, lorsque nous nous reportons aux résultats de chacun des groupes, nous constatons que les trois groupes d’enfants manifestent une sensibilité à la fréquence lexicale. Comme nous le proposions pour les enfants NLAC, il s’agit-là d’un effet attendu assez classique si l’on considère l’expérience et l’automatisation des traitements chez les enfants les plus âgés qui peuvent directement se référer à des connaissances orthographiques. Pour les enfants DYSL, nous pouvons rapprocher ce comportement d’une capacité d’extraction de certaines régularités orthographiques et de la construction d’un lexique orthographique, même partielle. En revanche, pour les enfants NLAL, ce résultat apparaît plus difficile à envisager. La seule interprétation plausible que nous pouvons exposer serait d’accepter la mise en place déjà efficace de la procédure lexicale chez les enfants les plus jeunes. Cela renseignerait indirectement sur l’efficacité de la procédure non-lexicale qui conditionne le développement de la voie lexicale, malgré la faible expérience en lecture dont ils disposent.

L’analyse comparative des erreurs pour les trois populations d’enfants ne valide à nouveau qu’en partie l’une de nos hypothèses. En effet, les enfants NLAC commettent moins d’erreurs que les enfants NLAL et DYSL. Ils sont non seulement plus performants en termes de vitesse mais également en termes de précision par rapport à des enfants plus jeunes ou présentant un profil atypique de lecture. Cependant, les enfants DYSL ne se situent pas à un niveau intermédiaire entre les performances des enfants NLAC et NLAL comme nous le supposions. Ce résultat s’accorde avec l’idée selon laquelle la manifestation des troubles phonologiques des enfants DYSL s’observerait, en français, essentiellement lorsque l’on prend en compte la vitesse et non la précision (Sprenger-Charolles et al., 2000). Cependant, nous pouvons faire l’hypothèse qu’un ralentissement des temps de réponse chez les enfants DYSL permet de compenser très faiblement la qualité des réponses, ce qui expliquerait l’absence de différences dans la précision des réponses entre enfants NLAL et DYSL en offrant un niveau proche des compétences des enfants NLAL. En revanche, quel que soit le groupe d’enfants, il apparaît que les pseudohomophones sont les items qui sont les plus difficiles à rejeter et sont sujets au plus grand nombre d’erreurs. Nous proposons plus loin une explication potentielle pour expliquer et unifier ce résultat aux trois groupes d’enfants.

En nous intéressant plus particulièrement aux enfants DYSL, nous voyons un effet du type d’item restreint aux erreurs dans la comparaison des pseudohomophones et des pseudomots. Les pseudohomophones engendrent un nombre d’erreurs supérieurs aux pseudomots. Dans un premier temps, ce résultat atteste d’une capacité encore indéterminée pour solliciter des traitements phonologiques. Dans un second temps, ce résultat qui témoigne d’une capacité à recourir à la médiation phonologique renvoie également à des déficits dans l’utilisation d’un mécanisme secondaire de rejet orthographique. Enfin, l’augmentation du nombre d’erreurs indique que les enfants DYSL s’appuient sur des processus phonologiques (i.e., qualité de l’accès et des représentations stockées) qui sont tout de même plus laborieux que les enfants qui ont le même âge chronologique.

Les pseudomots entrainent ainsi un nombre d’erreurs plus faible que les pseudohomophones. Ce comportement met parfaitement en avant les confusions dont souffrent les enfants DYSL lorsqu’ils usent de traitements phonologiques. L’utilisation de la médiation phonologique ne permet pas à ces enfants d’accéder à la représentation lexicale qui contient, notamment, la sémantique. Cela peut signifier qu’ils tendent à accepter des mots dont toutes les caractéristiques orthographiques et phonologiques sont proches de celles de vrais mots sans parvenir à en extraire l’information pertinente. Cela revient à penser que les enfants feraient des lexicalisations sur les pseudomots. Cette hypothèse renforcerait l’explication d’une diminution du nombre d’erreurs tout en restant compatible avec l’augmentation des temps de réponse qui dépend – et est contrainte – par le recours à une procédure phonologique puisqu’aucune stratégie lexicale n’est disponible. Quant à l’effet de fréquence lexicale retrouvée chez ces enfants, il précise que les enfants DYSL disposent de connaissances orthographiques sur certains mots rencontrés fréquemment, compétences lexicales certainement insuffisantes pour éviter les erreurs rencontrées avec les pseudohomophones.

Par ailleurs, pour traiter les items lexicaux, les enfants DYSL sont influencés par la structure syllabique dans la précision de leurs réponses, ce qui va à l’encontre de notre hypothèse. Ils acceptent plus facilement les mots – et les remplisseurs – comme des items lexicaux lorsque ceux-ci comportent une structure syllabique ouverte CCV composée d’un cluster consonantique complexe par rapport à une syllabe optimale CV ou à une syllabe fermée de type CVC. Alors que nous prédisions l’absence d’une quelconque sensibilité à la structuration syllabique causée par une incapacité à s’appuyer sur des unités phonologiques syllabiques, consécutivement à la maîtrise des CGP, les enfants DYSL sembleraient avoir développé des habiletés pour traiter certaines catégories syllabiques. Bien qu’ayant une préférence pour une syllabe ouverte, plus fréquente en français, il est difficile de comprendre pourquoi la structure CCV, plus rare et plus complexe que la structure CV serait privilégiée par les enfants DYSL, d’autant plus que cela ne se retrouve que sur la précision et non sur la vitesse des réponses.

L’étude spécifique des enfants NLAL met aussi en évidence une modulation dans la précision des réponses fournies selon qu’ils traitent des items qui existent ou non dans la langue. Comme avec les enfants DYSL, les enfants NLAL font plus d’erreurs pour rejeter les pseudohomophones que les pseudomots. Le recours à la médiation phonologique pour catégoriser les pseudomots fonctionnerait à première vue un peu plus efficacement. Les règles CGP sont maîtrisées et permettent à de jeunes enfants de décoder des items qu’ils n’ont jamais rencontrés auparavant et qui ne constituent pas des mots du lexique. La différence du nombre d’erreurs s’explique par l’utilisation différenciée de deux modes de traitements selon que les enfants sont confrontés à des mots ou des pseudomots (ou à des pseudohomophones). Dans le premier cas, il y aura des possibilités d’appariement immédiat entre la forme visuelle et la représentation lexicale, notamment pour les mots fréquents (d’ailleurs, un effet de fréquence lexicale est mis en relief chez ces enfants). Même si pour les mots peu fréquents, les enfants NLAL s’appuient sur une procédure phonologique grapho-phonémique voire grapho-syllabique plus coûteuse, les performances des pseudomots ou des pseudohomophones, qui requièrent systématiquement un mécanisme de conversion grapho-phonologique, seront forcément moins avantageuses en vitesse et en précision dans la mesure où un traitement supplémentaire serait nécessaire en faisant appel à la sémantique et à l’orthographe pour assurer la plausibilité de l’item.

Conformément à notre hypothèse, la structure syllabique occupe une place importante. Si l’effet principal de la structure de la syllabe indique clairement une plus grande précision pour traiter les syllabes CV. Les structures CV sont mieux traitées que les structures fermées CVC (voir aussi Sprenger-Charolles et Siegel, 1997). De même, les structures CCV font commettre moins d’erreurs que les structures CVC. Nous constatons donc, par ce résultat, que la syllabe occupe un rôle important, précocement dans l’apprentissage de la lecture et exclusivement dans le traitement des items lexicaux. Les enfants NLAL sont d’ailleurs sensibles aux structures syllabiques les plus présentes dans leur langue, à savoir les syllabes ouvertes et notamment la syllabe optimale CV qui représente l’idéal de sonorité (Clements, 1990 ; Encrevé, 1988). Plus la syllabe présente une complexité ou une atypie particulière, moins bien elle sera encodée. Il est possible de rapprocher ce résultat d’une habileté qui se met progressivement en place pour traiter des unités larges de la langue et dont le développement est possible grâce à la maîtrise des règles CGP et aux connaissances implicites nées des expositions au langage oral. Cependant, cette aptitude pourrait ne s’effectuer, dans un premier temps, qu’à partir de syllabes simples pour évoluer petit à petit vers la manipulation de structures plus complexes (e.g., CVC) comme ce que nous avons mis en relief chez des enfants de CM2 (cf. Chapitre 8, Partie 1.5.5.).

Enfin, l’effet de fréquence lexicale présenté plus haut pour les enfants NLAL est également conditionné par la structure de la syllabe. Il apparaît que la structure CVC, déjà sujette à beaucoup d’erreurs, entraîne le plus grand nombre d’erreurs lorsqu’elle est associée à des items lexicaux peu fréquents comparativement à n’importe quelle structure présente à l’initiale d’items lexicaux fréquents. De même, la structure CCV couplée à des mots peu fréquents entraine plus de difficultés que le traitement de n’importe quelle structure associée des items lexicaux fréquents.

Enfin, l’analyse des données obtenues chez les enfants NLAC montre que seule la précision est à nouveau un critère significatif des comportements adoptés selon les facteurs manipulés. En effet, il ressort que la catégorisation des pseudohomophones est moins bien effectuée que celle des pseudomots. Cet effet ne s’accorde pas avec notre hypothèse. Alors que nous estimions que la perte de temps causée par une analyse phonologique suivie d’une vérification orthographique pénaliseraient le traitement des pseudohomophones et auraient comme conséquences un accroissement de la précision des réponses, les enfants NLAC n’ont aucun gain de précision ni, apparemment, aucune pénalité de vitesse. Ces données suggèrent que les procédures employées par les enfants NLAC seraient aussi rapides qu’il s’agisse de lire des pseudomots ou des pseudohomophones. Cela paraît surprenant et incongru si l’on se réfère à un autre résultat : l’effet de fréquence lexicale qui détermine que les items lexicaux sont traités par deux mécanismes différents, un très rapide pour les items fréquents et l’autre, plus lent, pour les items peu fréquents. Cela implique potentiellement le développement de certains automatismes qui semblent être préjudiciables aux enfants NLAC sauf que nous ne pouvons pas statuer sur lesquels.

Les résultats que nous mettons en relief dans cette tâche montrent assez clairement les difficultés qu’engendrent le traitement de pseudohomophones et ce, de manière plus conséquente que des pseudomots, que ce soit auprès d’enfants normo-lecteurs jeunes et plus âgés ou d’enfants dyslexiques. Généralement, les effets de pseudohomophonie s’expliquent, chez l’adulte, par le recours automatique, non-stratégique, précoce et rapide des informations phonologiques. L’argument du recours à la médiation phonologique en lecture de pseudomot chez les enfants n’est plus à démontrer (e.g., en français, Sprenger-Charolles et al., 2003 ; Sprenger-Charolles et al., 1998). Cet effet de pseudohomophonie provient d’un conflit entre la représentation phonologique activée par l’utilisation des règles CGP et la représentation orthographique. Chez les enfants NLAL, NLAC et même chez les enfants DYSL, nous observons un nombre d’erreurs plus élevés pour catégoriser les pseudohomophones comme étant des items non lexicaux, comparativement aux pseudomots.

Ce pattern de réponse traduit bien un recours aux règles phonologiques de conversion, plus longues à mettre en place qu’un appariement orthographique direct, et dont le résultat abouti à l’acceptation du pseudohomophone comme un item lexical puisque l’appariement ne s’effectue que sur une base phonologique. En effet, pour les enfants NLAL, il est difficile de concevoir que le lexique orthographique soit suffisamment riche en informations lexicales pour permettre l’élaboration d’un mécanisme de vérification orthographique comme le proposent Rubenstein et al. (1971) chez l’adulte. D’autant plus, si un tel mécanisme existait déjà chez les enfants en début d’apprentissage de la lecture, alors seuls les temps de réponse devraient augmenter, pas la précision des réponses qui, au contraire, seraient améliorées en retour de la vérification orthographique.

Pour les enfants DYSL, le problème peut être envisagé différemment. Tout d’abord, nous voyons que les enfants DYSL sont capables d’effectuer des traitements phonologiques dans la mesure où ils sont capables de catégoriser des pseudohomophones et des pseudomots comme étant des items non lexicaux. Toutefois, les déficits de précision n’ont probablement pas la même origine que ceux retrouvés chez les enfants NLAL, d’autant plus que les enfants DYSL sont globalement plus lents que les enfants NLAL tout en commettant un nombre d’erreurs comparable. Les enfants DYSL auraient plus de difficultés pour utiliser les règles CGP compte tenu des déficits de leurs compétences phonémiques. L’application séquentielle des règles CGP serait entravé par un système de représentations phonémiques altéré ou sous-spécifié (e.g., Swan & Goswami, 1997) rendant la conversion plus laborieuse mais aussi plus erronée. À l’inverse des enfants NLAL qui commettent beaucoup d’erreurs parce qu’ils ne disposent pas encore d’un lexique orthographique pleinement spécifié, malgré une utilisation correcte de l’information phonologique en cours de développement, les enfants DYSL s’appuient sur des connaissances approximatives et appauvries des règles CGP alors qu’ils sont plus âgés. De ce fait, la dégradation des représentations phonologiques empêche la mise en place d’une procédure orthographique pleinement efficiente pour contacter le lexique orthographique et réaliser les opérations de correction. Cela ne devrait pas se produire avec les enfants NLAL qui, au fur et à mesure de leurs apprentissages, pourront utiliser des connaissances orthographiques pour affiner leurs réponses.

D’un point de vue descriptif (Figure 26), que ce soit chez les enfants DYSL, NLAL ou NLAC, nos résultats indiquent que les pseudohomophones et les pseudomots engendrent des temps de réponse et/ou un nombre d’erreurs plus importants que les mots et les remplisseurs. Cependant, cela semble plus particulièrement vrai pour les enfants NLAL et DYSL. Seul le traitement des pseudohomophones apparaît comme plus pénible comparativement aux items lexicaux chez les enfants NLAC. Un traitement plus efficace des mots et des remplisseurs atteste donc d’un effet de lexicalité.

L’amélioration des performances induites par l’affranchissement du passage par une procédure phonologique pour certains des items lexicaux (i.e., les items fréquents) ressort assez clairement de la comparaison strictement visuelle entre items lexicaux et items non lexicaux. Cette observation renforce l’idée d’un traitement plus lent pour traiter des items qui nécessitent obligatoirement une conversion grapho-phonémique. Il n’est effectivement pas possible, même partiellement, de recourir à un traitement visuo-orthographique, comme celui envisagé pour lire les items lexicaux fréquents, pour lire des pseudohomophones et des pseudomots. Cette comparaison non statistique nous permet de confirmer notre interprétation selon laquelle le conflit entre représentation phonologique et représentation orthographique prend du temps à être résolu – lorsque cette résolution est atteinte – et explique les différences entre pseudohomophones et items lexicaux. Toutefois, le traitement des pseudomots semble proche dans la qualité (i.e., nombre d’erreurs) de celui des items lexicaux, ce qui renforce notre hypothèse interprétative selon laquelle les différences statistiques observées entre pseudohomophones et pseudomots pourraient être la résultante d’un phénomène de lexicalisation partielle des pseudomots.

Enfin, d’une certaine manière, l’absence de différences entre les mots et les remplisseurs dénote d’un choix harmonisé du matériel.

En résumé, malgré des profils de réponse proches entre les enfants NLAL et DYSL, les origines en sont différentes : manque d’expérience avec la langue qui devrait se résorber progressivement pour les enfants NLAL et déficits dans les procédures phonologiques chez les enfants DYSL. D’ailleurs, l’hypothèse selon laquelle les enfants NLAL deviendront de plus en plus performants est corroborée par nos données recueillies chez les enfants NLAC. En effet, les enfants NLAC sont plus rapides et plus précis que les enfants NLAL et DYSL. Leurs capacités de discrimination sont également supérieures alors que celles ces enfants NLAL et DYSL ne se différencient pas.

Pour conclure, nous attestons de la présence de déficits phonologiques chez les enfants DYSL en ce sens qu’ils sont plus lents que des enfants plus jeunes de même âge lexique même s’ils parviennent à commettre autant d’erreurs. Qu’ils n’atteignent pas les performances des enfants de même âge chronologique signale clairement des déficits dans l’automatisation des procédures, des altérations dans la qualité des opérations et des dégradations dans la quantité et la qualité des représentations stockées en mémoire. Pour expliquer les difficultés des enfants DYSL qui ne portent pas toujours sur les mêmes indicateurs, il est possible d’envisager que les enfants DYSL adoptent une stratégie privilégiant, lorsque cela leur est permis, la vitesse ou la précision au détriment de l’autre. Cependant, les patterns de réponse des enfants DYSL, bien qu’éloignés de ceux des enfants NLAC, ne sont pas totalement divergents de ceux des enfants NLAL. Au contraire, ils convergent au niveau du nombre d’erreurs et seuls les temps de réponse les différencient. À ce titre, est-il possible de trancher en faveur d’une déviance plutôt que d’un retard pour cette population d’enfants DYSL ? Il reste difficile de plaider pour l’un des deux car les temps de réponse abonderaient en faveur d’une déviance tandis que la similarité des autres compétences (i.e., nombre d’erreurs, type d’item engendrant des difficultés, sensibilité syllabique, effet de fréquence lexicale…) entre les deux groupes d’enfants, et mêmes avec certains comportements des enfants NLAC, nous orienterait vers un retard développemental.