[Introduction]

Ce travail de thèse porte sur la perception de sons en contexte, en se focalisant sur la perception de notes musicales dans des contextes mélodiques. La perception de la musique suppose d’être capable d’organiser la succession des notes de musique dans le temps en un tout cohérent, une musique, que l’on puisse prendre plaisir à écouter. Une grande part de l’intérêt des sciences cognitives pour la musique tient au fait que cette capacité à organiser des notes est partagée par tous les auditeurs d’une culture : Qu’ils aient reçu ou non une formation musicale, tous les auditeurs d’une culture sont familiarisés avec les régularités structurelles des musiques de leur environnement. Le seul fait d’être exposé à de la musique au quotidien rend les auditeurs sensibles à la structure des pièces de musique et leur fait acquérir des connaissances implicites sur les régularités structurelles de la musique. Ces connaissances guident l’écoute des auditeurs ; elles leur permettent de structurer en temps réel le flux des notes de musique et de développer des attentes sur les notes à venir (par exemple, anticiper la dernière note d’une mélodie). La perception musicale fait donc intervenir des processus dits descendants par lesquels les connaissances des auditeurs influencent les processus perceptifs ascendants (lesquels correspondent au traitement perceptif intrinsèque des stimuli, sur la seule base de ces stimuli) (Figure 1).

La perception de la musique, en tant qu’objet d’étude des sciences cognitives, regroupe l’étude des connaissances des auditeurs sur les structures musicales, l’étude du développement d’attentes musicales concernant les événements musicaux futurs, et l’étude de l’influence des processus descendants liés à ces attentes sur la perception. Ce travail de thèse s’intéresse aux différents aspects de la perception musicale. Après un tour d’horizon de la cognition musicale (Chapitre 1), le Chapitre 2 apportera de nouveaux résultats confirmant l’implication des connaissances du système tonal dans le développement des attentes musicales, indépendamment des attentes liées à la redondance acoustique des stimuli (2.1). Ce chapitre insistera également sur la finesse des connaissances qu’ont les auditeurs – même non musiciens- des régularités du système tonal (2.2). Enfin, le Chapitre 3 montrera que ces connaissances ont une influence sur des traitements auditifs de bas niveau (la perception de la hauteur, 3.1)et influencent la perception auditive au niveau cortical de manière précoce (3.2). Ce travail de thèse contribue à étayer l’idée selon laquelle le cerveau humain n’est pas un simple récepteur/transducteur activé par les stimuli externes ; nos connaissances, notre expérience, modulent en profondeur le fonctionnement de nos systèmes sensoriels.

Figure 1. Processus de traitements ascendants (traits pleins) et descendants (pointillés) de l’information auditive. D’après McAdams et Bigand, 1994.
Figure 1. Processus de traitements ascendants (traits pleins) et descendants (pointillés) de l’information auditive. D’après McAdams et Bigand, 1994.