Les tonalités

Une tonalité est un sous-ensemble de 7 notes parmi les 12 de la gamme chromatique. En fonction du choix de ces 7 notes, 12 tonalités majeures et 12 tonalités mineures peuvent être constituées. Les notes et accords constitutifs d’une tonalité sont hiérarchisés, et cette hiérarchie reflète des différences fonctionnelles entre ces éléments musicaux. Les notes et les accords appartiennent à plusieurs tonalités et ont donc des fonctions différentes selon la tonalité dans laquelle ils se trouvent. Par exemple, un accord de Do Majeur a respectivement une fonction de tonique, de dominante, et de sous-dominante dans les tonalités de Do, Fa, et Sol Majeur. L’auditeur doit percevoir la tonalité d’une œuvre pour percevoir les fonctions et les différents rapports que les éléments musicaux (notes, accords) entretiennent entre eux.

Une pièce de musique reste rarement tout le long dans une seule tonalité : il arrive fréquemment que la musique passe d’une tonalité à une autre, on parle de modulation. Dans une modulation, on ne passe pas d’une tonalité à n’importe quelle autre au hasard. Il existe des relations de distance entre les tonalités, qui permettent notamment d’apprécier si une modulation se fait entre tonalités voisines (le cas le plus courant et le moins « dérangeant » pour l’auditeur) ou entre tonalités plus éloignées. On peut distinguer trois types de relations de distance liant les tonalités : la distance sur le cercle des quintes, la distance entre deux tonalités relatives, et la distance entre deux tonalités parallèles. Le cercle des quintes décrit les relations entre tonalités à l’intérieur d’un mode (un cercle pour les tonalités majeures, et un pour les tonalités mineures). Deux tonalités voisines sur le cercle ont leurs toniques distantes d’une quinte4. Les tonalités proches sur le cercle des quintes ont des notes et des accords en commun : ce sont des « pivots » qui facilitent le passage d’une tonalité à une autre. Deux tonalités voisines sur le cercle des quintes ont 6 notes et 4 accords sur 7 en commun. Le deuxième type de relation est l’association entre une tonalité majeure et sa « relative » mineure, située une tierce mineure en dessous d’elle. Par exemple, la mineur est la relative mineure de Do Majeur. Les tonalités relatives partagent les mêmes notes, à la note sensible près (le 7ème degré de la gamme). Le troisième type de relations est l’association entre une tonalité majeure et la tonalité mineure construite sur la même tonique ; par exemple, Do Majeur et do mineur. Ces deux tonalités ont 4 notes en commun. Les tonalités, bien que non hiérarchisées entre elles, sont donc plus ou moins distantes les unes des autres selon qu’elles partagent plus ou moins de notes et d’accords entre elles, de sorte qu’une modulation modifie plus ou moins la hiérarchie des notes et accords selon qu’elle s’effectue entre deux tonalités distantes ou voisines. Une modulation entre tonalités éloignées va considérablement modifier les attentes perceptives des auditeurs pour telle ou telle note (ou accord), alors qu’une modulation entre tonalités voisines ne changera que peu ces attentes.

Le système tonal est donc fondé sur 12 notes organisées en unités supérieures, les accords et les tonalités. La tonalité est le niveau supérieur d’organisation du système tonal : elle recouvre un cadre hiérarchique entre les notes et entre les accords, de sorte qu’une pièce de musique écrite dans une tonalité donnée devrait entraîner des attentes perceptives pour que les événements suivants (notes ou accords) s’agencent conformément aux contraintes de ce cadre hiérarchique. Ces contraintes d’organisation s’apparentent à des règles syntaxiques, et se traduisent par les régularités structurelles de notre environnement musical quotidien.

Notes
4.

Il existe aussi un cercle des quintes dit « diatonique » car il représente les relations de voisinage entre les 7 accords diatoniques d’une tonalité. Il est utilisé dans le calcul des distances de l’espace de Lerdahl (TPST, cf. 1.2.3.2).