Hiérarchie tonale au niveau des accords

La perception de la hiérarchie tonale des accords a été étudiée avec les mêmes méthodes que la hiérarchie tonale des notes. En utilisant la méthode de la note sonde, Krumhansl (1990) a montré qu’un accord cible présenté à la fin d’un contexte (gammes ou séquences d’accords) est perçu comme d’autant plus concordant qu’il a un rang élevé dans la hiérarchie tonale. Les jugements les plus élevés étaient pour l’accord de tonique, suivi des accords de sous-dominante et de dominante.

L’utilisation de jugements de similarité pour des paires d’accords a montré que les auditeurs ressentent différemment les relations entre accords selon la tonalité du contexte (Bharucha & Krumhansl, 1983; Krumhansl, Bharucha, & Castellano, 1982). Par exemple, dans un contexte en Do Majeur, deux accords appartenant à la tonalité de Do Majeur sont jugés plus similaires que deux accords appartenant à la tonalité de Fa# Majeur. À l’inverse, si les mêmes accords sont présentés dans un contexte en Fa# Majeur, les deux accords de Fa# Majeur sont jugés plus similaires que les deux accords de Do Majeur. La modification de la tonalité du contexte de présentation de deux accords change donc la relation perçue entre ces accords. La perception de la relation entre accords change d’autant plus avec le changement de la tonalité du contexte que la distance entre les deux tonalités est importante : Les jugements de similarité entre accords changent beaucoup moins quand la tonalité du contexte de présentation passe de Do à Sol Majeur que quand elle passe de Do à Fa# Majeur. Les auditeurs sont donc également sensibles aux distances entre tonalités. Enfin, les jugements de similarité avec des accords ont retrouvé l’asymétrie contextuelle observée avec les notes. Dans un contexte en Do Majeur, les accords Fa# et Do sont jugés plus similaires lorsqu’ils sont présentés dans l’ordre Fa#-Do que dans l’ordre Do-Fa#.

L’utilisation d’une tâche de reconnaissance en mémoire a également montré une influence de l’organisation tonale au niveau des accords (Bharucha & Krumhansl, 1983; Krumhansl et al., 1982). Dans cette tâche, les participants comparaient deux séquences d’accords qui étaient soit identiques soit différentes, et qui contenaient soit uniquement des accords diatoniques, soit des accords diatoniques et un accord non-diatonique. Les séquences identiques étaient mieux reconnues comme étant identiques quand tous leurs accords étaient diatoniques. Les séquences différentes étaient moins bien reconnues comme étant différentes quand la différence venait du remplacement d’un accord diatonique par un autre accord diatonique que du remplacement d’un accord non-diatonique par un autre accord non-diatonique. De plus, les performances de reconnaissance étaient plus faibles quand un accord non-diatonique était remplacé par un accord diatonique que l’inverse. Comme pour le niveau des notes, ces résultats montrent que les accords tonalement reliés au contexte sont plus stables en mémoire.

Enfin, le paradigme d’amorçage (Bharucha & Stoeckig, 1986, 1987, présenté au 1.1.2.2) a permis de se concentrer sur l’étude des attentes perceptives que les auditeurs développent, sur la base du contexte de présentation, pour un accord à venir. Les résultats d’amorçage montrent que le traitement d’un accord cible en contexte est facilité lorsqu’il est important dans la hiérarchie tonale du contexte, ce qui souligne l’influence des régularités du système tonal sur la perception.