Le modèle d’attentes mélodiques de Margulis

Plus récemment, un modèle d’attentes mélodiques a été développé par Margulis (2005) qui s’inspire à la fois des principes du modèle de Narmour et du modèle de tension utilisé par Lerdahl (2001) pour la TPST. Ce modèle calcule pour chaque note d’une mélodie son degré d’attente en fonction de notes précédentes. Quatre facteurs sont utilisés pour calculer le degré d’attente : la stabilité, la proximité, la direction, et la mobilité. La stabilité réfère à la stabilité tonale et s’inspire de la TPST. La proximité et la direction s’inspirent respectivement des principes de proximité et des principes de continuation et de retour. Toutefois, le facteur de direction reprend la suggestion de Schellenberg (1996, 1997) selon laquelle l’attente d’une inversion de direction (i.e., d’un retour) après un grand intervalle est nettement plus forte que l’attente pour une continuation après un petit intervalle. Enfin, la mobilité « capture l’attente générale selon laquelle une mélodie doit bouger » (Margulis, 2005, p.682) en diminuant les facteurs de stabilité et de proximité si la note dont on veut calculer le degré d’attentes est la même que la précédente.

Pour chaque note, les quatre facteurs sont combinés suivant la formule suivante :

z = (s*p*m) + d

z est le degré d’attentes, s la stabilité, p la proximité, m la mobilité (2/3 en cas de notes répétées, 1 sinon), et d la direction. De plus, le modèle de Margulis tient compte de la structure hiérarchique des mélodies : Les mélodies sont structurées en groupes selon les principes de segmentation de la TGMT, la formule précédente est appliquée à chaque niveau de structure, et un degré d’attente total est calculé en combinant ces différents niveaux. Enfin, la principale originalité du modèle de Margulis est qu’il tente de faire un lien entre les attentes et les affects – suivant ainsi les intuitions de Meyer (1956). Pour ce faire, le modèle de Margulis distingue trois types de tension mélodique : la « tension-surprise », la « tension-dénégation », et la « tension-attente ». La « tension-surprise » est l’inverse du degré total d’attente d’une note et reflète le caractère prédictible de la note (des notes hautement prédictibles, donc avec un fort degré total d’attente, génèrent peu de « tension-suprise », et inversement pour les notes peu prédictibles). La « tension-dénégation » est la différence entre le degré total d’attente maximal (i.e., le degré total d’attente de la note qui aurait été la plus attendue) et le degré total d’attente de la note effectivement réalisée. Une « tension-dénégation » élevée « crée un sentiment de volonté, d’intention, ou de détermination » (Margulis, 2005, p.693). Enfin, la « tension-attente » ne porte pas sur le degré avec lequel un événement satisfait ou non les attentes créées par des notes précédentes (au contraire de la « tension-surprise » et de la « tension-dénégation »), mais sur la force de l’attente générée par une note pour les notes suivantes. Le modèle de Margulis a l’intérêt d’établir un lien quantitatif entre les attentes perceptives des auditeurs (sur la base des principes de Narmour) et la dimension affective de la musique telle, donnant ainsi un support théorique aux intuitions de Meyer.