1.3. Cognition musicale et influence du contexte

1.3.1. Origine des influences du contexte : attentes sensorielles ou cognitives ?

Les études présentées au 1.2.1.3 ont mis en évidence des influences des régularités du système tonal sur la perception, mais sans prendre en compte le problème du contrôle des propriétés acoustiques des pièces musicales. Or, ce contrôle est crucial pour pouvoir conclure à une origine cognitive des attentes tonales car les régularités du système tonal et les propriétés acoustiques des pièces musicales sont imbriquées (Figure 1.3.1). Par exemple, l’accord de tonique n’est pas seulement l’événement le plus important d’une pièce de musique tonale, c’est aussi l’événement le plus fréquent (Budge, 1943). Deux accords proches dans la hiérarchie tonale, donc deux accords tonalement reliés, ont plus de notes et d’harmoniques en commun que deux accords non reliés. Par exemple, l’accord de 1er degré (I : do-mi-sol en Do Majeur) a plus de notes et d’harmoniques en commun avec le 5ème degré (V : sol-si- en Do Majeur) qu’avec le 2ème degré (ii : -fa-la en Do Majeur). Du fait du cette imbrication entre régularités tonales et acoustiques, les attentes tonales pourraient aussi bien être expliquées par une approche cognitive (i.e., ce sont les connaissances implicites des participants qui influenceraient leur perception) que par une approche psychoacoustique (i.e., ce sont les caractéristiques acoustiques des stimuli musicaux qui influenceraient directement la perception).

Figure 1.3.1. Influences cognitives et sensorielles du contexte musical sur la perception d’une note. D’après Bigand et al., 2003.
Figure 1.3.1. Influences cognitives et sensorielles du contexte musical sur la perception d’une note. D’après Bigand et al., 2003.

Certains auteurs ont d’ailleurs contesté l’hypothèse de connaissances tonales qui influenceraient la perception de manière descendante (Parncutt, 1988, 1989, 1994 ; Huron & Parncutt, 1993 ; Leman, 2000). Pour ces auteurs, les attentes tonales des auditeurs pourraient être expliquées par des attentes ascendantes dues aux propriétés acoustiques de la musique écoutée. Il ne serait alors pas nécessaire de supposer l’existence d’influences cognitives dues à des connaissances préexistantes qui viendraient encadrer la perception.

Les études indiquant que les propriétés acoustiques des stimuli suffiraient à expliquer les influences des régularités du système tonal seront présentées au 1.3.1.1. Un certain nombre d’études expérimentales ont toutefois pris en compte les propriétés acoustiques, soit par l’analyse a posteriori de leur influence sur les effets observés, soit par le contrôle de ces propriétés dans les stimuli expérimentaux. Ces études seront présentées au 1.3.1.2.