4.1.2. Apports du travail de thèse

Contribution au débat « cogntif vs sensoriel »

De nombreuses études expérimentales réalisées dans la lignée de Francès (1958) plaident en faveur de la nature cognitive des attentes perceptives des auditeurs (Krumhansl, 1990 ; Bigand et al., 2003 ; Tillmann et al., 2000). Cependant, d’autres recherches ont mis en cause cette hypothèse sur la base de modèles sensoriels de la perception sonore (Huron & Parncutt, 1993 ; Leman, 2000). Ces modèles sensoriels pourraient expliquer les données expérimentales en faveur de l’hypothèse cognitive, ce qui rendrait inutile (car moins parcimonieuse) l’hypothèse de l’existence de connaissances et d’attentes cognitives tonales.

L’Etude I de ce travail de thèse a été initiée à la suite d’une étude de Delbé, Poulin-Charronnat, et Bigand (2007) qui avait montré que le modèle de mémoire à court terme de Leman (2000) pouvait simuler les résultats d’amorçage de Bigand et Pineau (1997). Ce résultat soulignait la nécessité de contrôler plus fortement les régularités acoustiques dans le matériel expérimental, afin de pouvoir démêler les attentes sensorielles des attentes cognitives. L’Etude I a confronté le modèle de Leman (2000) à deux expériences d’amorçage, utilisant ainsi les simulations de ce modèle comme « condition contrôle » des données d’amorçage. La première expérience d’amorçage réalisait déjà un fort contrôle du matériel expérimental puisqu’elle utilisait des mélodies dont la tonalité était manipulée par l’altération d’une seule note (éventuellement répétée) placée dans la première partie de la mélodie. Un effet d’amorçage tonal était observé, la note finale des mélodies étant traitée plus rapidement lorsqu’elle avait fonction de tonique (condition reliée) que lorsqu’elle avait fonction de sous-dominante (condition non reliée). Cependant, le modèle de Leman simulait cet effet d’amorçage ; de plus fortes valeurs de contextualité étaient observées dans la condition reliée que dans la condition non reliée. Une deuxième expérience a alors renforcé le contrôle des régularités acoustiques en utilisant des sons purs pour jouer les mélodies, et non plus des sons de piano comme dans la première expérience. En réduisant la richesse acoustique des mélodies, l’utilisation de sons purs réduisait les différences acoustiques à une seule harmonique (éventuellement répétée) de différence dans la première partie des mélodies. Un effet d’amorçage a été de nouveau observé, mais le modèle de Leman n’est pas parvenu à le simuler puisque les valeurs de contextualités obtenues pour les notes cibles n’étaient pas statistiquement différentes entre condition reliée et non reliée. Cette deuxième confrontation entre expérience d’amorçage et modèle psychoacoustique suggère que les attentes sensorielles développées à partir des régularités acoustiques ne suffisent pas à expliquer l’influence du contexte tonal sur la perception, et légitime l’explication de ces attentes par des processus descendants liés aux connaissances implicites tonales des auditeurs.